Départ en vacances

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Nous étions six amis et nous le sommes toujours, malgré les années qui se sont écoulées.

À cette époque, nous ne nous étions pas quittés depuis l’entrée au collège mais, après le Bac, nous avons pris des routes différentes ; malgré l’éloignement, nous n’avons jamais rompu le contact.

Nous nous retrouvions aussi souvent que possible et nous passions une partie de nos vacances ensemble. Chaque été, nous partions pour un périple, sac au dos et baskets aux pieds, en stop la plupart du temps. Nous avons parcouru ainsi une partie de l’Europe, visitant, campant souvent dans des endroits perdus ou faisant halte dans des auberges de jeunesse.

Cette année-là, las de voyager en stop à travers l’Europe, nous avions décidé de rester en France. Pour la première fois, nous allions être sédentaires.

« Nous nous embourgeoisons ! » avait plaisanté Éric.

Eloïse avait dégoté, sur internet, ce manoir qui proposait un hébergement en pension complète pour un prix assez modique. L’offre paraissait alléchante, les photos laissaient entrevoir un lieu sympathique au milieu d’une nature verdoyante avec ses lacs, ses forêts et ses sentiers de randonnée. Tout ce que nous aimions était réuni.

Le père d’Éric nous avait prêté son Espace. Le confort en était relatif, mais il nous permettrait de voyager en prenant nos aises tout en transportant nos bagages. Nous avions embarqué un samedi matin dès l’aube pour ce voyage de six cents kilomètres au bout duquel nous espérions trouver l’endroit paradisiaque promis par l’annonce à laquelle nous avions répondu avec enthousiasme.

La longueur du trajet, la monotonie des autoroutes et le temps frisquet pour la saison ne gâchèrent pas pour autant notre plaisir d’être ensemble et notre joie de vivre. Les kilomètres furent émaillés de rires, de discussions, d’arrêts pipi sous une pluie battante, exigés à grands cris par les filles sous les quolibets des garçons et d’un pique-nique pris à l’intérieur du véhicule, tant le temps était exécrable. Nous étions mi-juillet, mais l’été boudeur semblait avoir oublié son soleil et sa chaleur et c’est avec un temps de Toussaint qu’après dix heures de trajet, nous arrivâmes en vue du manoir où nous attendaient nos hôtes. Nous étions en retard de deux bonnes heures sur les prévisions pourtant savamment calculées par Fred.

Après un dernier virage sur une petite route en lacets, nous aperçûmes le manoir, campé au milieu d’un parc boisé, dans la vallée, en contrebas ; il voisinait avec un étang dont les berges étaient bordées de roseaux aux têtes chancelantes sous la pluie, et au milieu duquel s’ébattaient quelques canards et deux cygnes. Nous nous étions arrêtés un instant pour admirer le paysage ; des collines verdoyantes s’enroulaient autour de la vallée, descendant en pente douce vers des champs et une forêt dont la lisière s’arrêtait à l’orée du parc ceint par de hauts murs de pierre. De l’endroit où nous étions, ce parc nous sembla immense avec ses sous-bois, ses massifs et ses sentiers. Un petit pont enjambait un ruisseau qui courait sous les frondaisons. Malgré la grisaille, l’endroit nous parut charmant et accueillant.

Quelques centaines de mètres d’une descente aux multiples virages nous amenèrent devant une grille en fer forgé grande ouverte nous invitant à emprunter une allée bordée de platanes. Nous arrivâmes dans une cour pavée où trônait une fontaine au milieu d’un plan d’eau ceint par une margelle de pierre. De part et d’autre de la cour, un éphèbe, une nymphe et deux amours aux allures gracieuses accueillaient les visiteurs. La maison était une sorte de petit château datant probablement du dix-neuvième siècle, flanqué d’une tour coiffée d’un toit pointu dont le faîte servait de perchoir à un coq tournoyant au gré des vents. Une aile basse en retour d’angle prolongeait le bâtiment principal surmonté de deux étages. La façade du rez-de-chaussée était éclairée par de grandes baies vitrées et les deux étages par des fenêtres à meneaux. Un large escalier de pierre donnait accès à un perron en terrasse. La porte d’entrée, en bois à pointes de diamant, était munie d’un heurtoir en bronze représentant une tête de lion. L’ensemble avait un certain charme et la haute cheminée qui surplombait la maison, d’où s’échappaient des volutes de fumée, présageait d’un bon feu pour nous accueillir et nous réchauffer.

Nous avions arrêté notre véhicule devant le perron, nous attardant à notre contemplation, surpris par le luxe de l’endroit auquel nous ne nous attendions pas, tout à fait opposé à notre mode de vie et à nos habitudes de vacances.

« Eh bien, nous dit Camille, est-ce que nous allons camper ici ou allons-nous nous décider à actionner ce heurtoir ?

—Heu…Vous êtes sûrs que c’est bien ici qu’on nous attend ? S’inquiéta Christophe.

—Ben oui, répondit Eloïse en brandissant le contrat de réservation.

—Et si on était arrivés chez Dracula ? Ou Barbe Bleue ? Plaisanta Éric.

—Mais non, repris-je. Nous sommes chez Dame Tartine. Allez, ouste, on y va ! »

Nous franchîmes les marches du perron et, alors que je m’apprêtais à frapper à la porte d’entrée, celle-ci s’ouvrit pour nous accueillir.

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