Léonore

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Lorsqu’il me demande de fermer les yeux, je n’ai pas peur de le faire. Il a dans son attitude cette assurance calme qui me rassure. J’ai confiance en lui. En fait, je n’ai pas peur de mal faire. Je sais que ça va bien se passer, parce qu’il n’attend rien de moi. Tout ce qu’il veut, c’est passer du temps avec moi et je le crois quand il dit qu’on aurait pu rester seulement l’un contre l’autre. Je sens qu’il a peur de me mettre la pression. Mais je veux le faire. Je veux découvrir ces sensations. Je veux sentir ses mains sur ma peau. Je veux qu’il me serre contre lui. Je veux qu’il ait envie de m’arracher mes vêtements. Je veux entendre son souffle se raccourcir. Je veux sentir sa peau moite. Je veux qu’il me désire à n’en plus pouvoir.

Ses mains passent sous mon teeshirt. Je frissonne. Je lève les bras pour l’aider. J’entends qu’il enlève le sien. Il me soulève et me presse contre lui. Je serre avec mes cuisses, agrippe son cou et réponds à son étreinte. Sa peau est chaude, ses lèvres dans mon cou me grisent. Il me pose sur le dos et continue de m’embrasser chaque centimètre de peau. Ses doigts courent sur mon ventre et mes flancs, tracent la limite du soutien-gorge.

— Enlève-le, murmurè-je.

D’un geste habile, il le retire et j’entends au bruit de la chute qu’il l’a balancé loin du lit. Il se redresse. J’ouvre les yeux.

— Tu es belle.

Mon vaurien me détaille avec envie et ces simples mots me procurent un plaisir immense.

— Toi aussi tu es beau.

Il s’approche doucement et je le regarde poser une bise entre mes deux seins, puis une un peu plus à droite. Une un peu plus à gauche. Encore un peu plus à droite, jusqu’à arriver à mes tétons.

— Arrête de jouer, ça chatouille, dis-je en réprimant un rire.

— Et ça, est-ce que ça chatouille ?

Je sens un coup de langue sur le bout de mon sein et un vif frisson me prend le dos. J’attrape sa tête avec surprise.

— Oui !

Il rigole.

— Bien madame.

— Mais peut-être que c’est agréable… admis-je.

Il recommence l’expérience plus doucement et, la surprise passée, je me rends compte que j’apprécie beaucoup. Je frissonne et mon dos se tend. Je pensais qu’il allait ensuite s’attaquer à mon pantalon, mais il remonte tranquillement vers mon visage. Je ne sais pas si sa retenue m’énerve ou m’agace et cette idée s’envole à la sensation de ses dents sur mon oreille. Un nouveau frisson me parcourt toute entière et je serre mes mains dans son dos.

— Ça aussi ça chatouille, constate-t-il.

— Continue…

Je commence à comprendre ce qu’il veut faire. Ce petit fripon semble vouloir me faire découvrir mon propre corps. Ou apprendre à le connaitre, je ne sais pas. Je m’en fous. Je crois que c’est bien mieux que ce que j’avais imaginé.

Plus il me touche, me caresse, plus je découvre des zones érogènes insoupçonnées. Je crois que lui aussi s’étonne parfois. Je ne réfléchis plus. Je ne suis que sensation. Ses mains habiles. Peau moite et muscles tendus. Sa bouche expérimentée. La respiration saccadée. Il a la tête entre mes jambes et je lui tire les cheveux tant le plaisir est grand. On dit « seul c’est bien, à deux c’est mieux ». Comme c’est vrai.

Sans aucun contrôle sur moi-même, je me mets à trembler et je reconnais l’orgasme. Démesurément plus intense que d’habitude.

Je me mets à rire.

— Ça va ?

Sa tête ahurie me fait rire de plus belle. Je me redresse et l’enlace à l’en étouffer.

— Oui ça va, je souffle.

Je reste contre lui jusqu’à ce que mon cœur ralentisse. Il ne dit rien, je sais qu’il attend que ce soit moi qui rompe le silence. Je finis par me détacher et le regarde avec un air que je veux espiègle.

— À toi.

— Non.

— Comment ça non ?

Il me pousse sur le dos et me surplombe.

— Ce soir, c’est toi la reine.

Lorsque j’entrouvre un œil, la luminosité dans ma chambre indique 10h et quelques brouettes. Je m’étire et me tourne vers Edmond qui dort encore tout son soul. Nous avons fait l’amour presque toute la nuit. C’est bien parce que le sommeil nous a terrassés que nous avons arrêté. Je flotte sur un petit nuage. J’avais raison de penser que le grand vaurien serait un bon amant. Cet ado connait des choses qu’aucun autre ado ne connait. J’en suis certaine. Je ne sais pas si c’était un défi personnel de me faire plaisir sans pénétration, mais il a presque fallu que je la négocie ! Maudit vaurien ! Que j’aime.

À croire qu’il m’a entendu penser, car je le vois ouvrir les yeux.

— Bonjour mon diablotin, dit-il en s’étirant.

— Tu as bien dormi ?

— Le peu que j’ai dormi, je l’ai bien dormi !

Il m’attrape contre lui et je fais mine de vouloir m’échapper puis je cède. Il cale sa tête contre mon omoplate et soupire d’aise. Je souris aussi.

— Avec combien de femmes plus âgées as-tu fait l’amour ?

Je lui pose cette question par ce que je sais que son expérience ne vient pas des pouffes du lycée. Il relève la tête, un peu surpris par ma question. Je sens qu’il hésite à me répondre donc je me retourne pour lui faire face et lui assurer d’un sourire que je ne suis ni fâchée ni contrariée.

— Vraiment plus âgée, une seule. On peut dire que c’est elle qui m’a tout appris. Puis sinon, trois ayant autour de la trentaine.

— Comment ça se fait ? Je veux dire, on a pas tant que ça l’occasion de coucher à droite à gauche à notre âge. Même si je le voulais, je saurais même pas où trouver des mecs.

Je me ravise :

— À n’importe quel coin de rue, certes, mais tu vois ce que je veux dire.

— Oui je vois. Tu sais entre les galas de bienfaisance, les vacances dans les hôtels, les clubs vacances… y a de quoi faire.

— Combien de partenaires tu as eus ?

— Je n’en ai pas la moindre idée. Je ne suis pas là pour faire une compétition ! En général ça arrive sur le feu du moment.

— C’est toujours des coups d’un soir ?

— Très souvent. Quelques fois c’est sur une plus longue période comme pendant les vacances.

Je suis contente qu’il veuille bien m’en parler. Il a une certaine maturité sur sa façon d’en parler, c’est agréable. Ça fait partie des choses que j’aime chez lui. Parce qu’il aurait largement pu répondre « je veux de la chaaaaatte » ! Je pouffe toute seule et son regard m’interroge.

— Non rien, je me dis que tu es un homme bien.

Je le sens se détendre et il me rend mon sourire.

— Merci Léonore de m’accepter comme je suis.

Sa déclaration me fait rougir et je fuis honteusement en enfouissant ma tête dans l’oreiller. Et j’ose cette question :

— Et moi, c’était comment ?

— Une catastrophe nucléaire, dit-il posément.

Je me redresse prêt à le frapper, mais il ne tient plus et éclate de rire.

— Est-ce que tu me croirais si je te disais que je n’ai pas souvent autant aimé faire l’amour à quelqu’un ?

Je médite sincèrement sa question. Edmond n’est ni un menteur ni un beau parleur. En tout cas avec moi. Et oui je l’imagine facilement se contenter d’un « c’était cool » habituellement au lieu de s’épancher en sincérité. Je suis largement prête à croire que l’intensité de cette nuit, en plaisir certes, mais aussi en tendresse et en émotion n’est pas banale.

— Je te crois, dis-je le plus sérieusement possible pour que lui me croie à son tour.

Il se redresse alors et m’embrasse, et comme deux jeunes affamés ayant découvert un buffet à volonté, nous le refaisons encore plusieurs fois. Je crois que je vais être ce genre de femme avec une libido inextinguible. J’aime beaucoup trop ça.

La faim nous sort du lit vers 13h et j’avoue ne pas m’embêter avec quelque chose de compliqué. Pâtes au pesto, simple, efficace.

— Tu veux faire quoi cet aprèm ? me demande-t-il.

— Je serais bien allée au skateparc. Ça te dit ?

— Carrément !

On enfile notre assiette et il a la gentillesse de faire la vaisselle tandis que je vais chercher les skates et fouiner dans mes vieilles affaires pour lui trouver des protections et un casque.

Dehors, la nature est encore humide des pluies de la semaine, mais un soleil franc réchauffe agréablement l’air. Je me prends à espérer croiser Olivia en traversant le parc. Par ce temps, je suis certaine qu’elle en profite pour lire dehors. Ma pensée s’échappe tandis que mon vaurien passe un bras autour de mes épaules bavardant gaiment de ses futures prouesses. Je l’écoute et ne manque pas une occasion de me moquer de lui quant aux progrès qui lui reste à faire. Nous traversons le parc d’un bon pas pour aller à l’espace goudronné et c’est au détour d’un virage du sentier qu’Edmond la remarque. Olivia est là, exactement dans la position que j’avais imaginée. En tailleur sur son banc, le menton posé sur son poing, le livre ouvert entre les jambes.

— Salut Olivia ! lui lance-t-il en s’avançant.

Elle met quelques secondes à émerger et comprendre ce qui l’entoure, puis affiche un sourire timide et ferme son livre. J’ai l’impression que son sourire s’agrandit en me voyant et je ne sais pas comment expliquer que ça me fasse autant plaisir. Comme chaque fois que je suis avec elle, je n’ai aucune maitrise sur ma spontanéité et m’entends proposer :

— On va au skateparc, tu nous accompagnes ?

Je vois qu’elle est prête à décliner et dans la peur de son non, je m’empresse de lui dire qu’il y a aussi des bancs là-bas et qu’elle pourra continuer à lire si elle veut. Qu’est-ce qui me prend ? Pourquoi ai-je soudain envie qu’elle soit là ? Pourquoi m’imaginer son absence me fait-il un tel frisson dans l’estomac ? Elle hésite encore un peu puis finit par accepter et je sens mon corps se détendre. Je croise alors le regard de mon vaurien et me rends compte que je ne lui ai même pas demandé son avis là où il aurait peut-être préféré que l’on reste tous les deux. Étonnamment, je distingue une moue moqueuse à laquelle je ne m’attends pas.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Rien. C’est bien que tu l’aies invitée.

Il me cache quelque chose au creux de son sourire. Je plisse les yeux, suspicieuse, me disant que je le l’asticoterais plus tard.

Olivia nous emboite le pas, osant quelques questions sur nos skates. Je lui explique que j’en fais depuis des années, au grand dam de mes parents qui subissent mes fractures, et que j’initie le grand vaurien qui n’a pas pour habitude de respirer l’air frais. Je m’étale en explications sur les différentes planches, roues, roulements et m’amuse de son intérêt, posant consciencieusement une question sur l’impact de tel ou tel détail minuscule.

Le skateparc est bien animé. Il y a quelques mecs qui occupent la piscine et un autre groupe, composé exceptionnellement de deux nanas, qui monopolisent le U.

— On fait quoi ?

La poitrine gonflée d’assurance, mon vaurien regarde avec passion les petites box surélevées. Je lui attrape le menton et lui tourne la tête vers un espace goudronné dégagé.

— N’imagine même pas sauter une box tant que tu ne maitrises pas le ollie.

— Ok ! C’est quoi un ollie ?

— Admire !

Je saute sur mon skate, donne une petite poussée, appuie sur l’arrière et saute d’une trentaine de cm. Je fanfaronne un petit peu en en faisant un deuxième associé à un 180 pour revenir vers lui.

— Wow ! Mais je saurais jamais faire ça moi.

— Mais si ! Basics one O one.

Je lui explique étape par étape ce qu’il doit faire et corrige ses premiers essais infructueux. En fin d’après-midi, après plusieurs belles chutes, il réussit à soulever sa planche de quelques centimètres. Il est immensément fier de lui et je le félicite sans retenue. Le skateboard étant un sport tellement ingrat, c’est déjà un exploit en soi de ne pas abandonner après une heure. Je vois du coin de l’œil Olivia qui a levé la tête et souris du succès d’Edmond. Je n’ai aucun doute qu’elle ait suivi d’un œil intéressé nos cabrioles. Elle avait beau être immobiles sur son banc, semblant plongée dans l’univers de son livre, je l’ai surprise une ou deux fois nous observer en souriant discrètement.

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