Chapitre Six - Le Cercle d'Onix - Partie Une

8 minutes de lecture

Enfin Thanguron avait donné un nom, un nom simple et pourtant si mystérieux : le Cercle des Enfants d'Onix. Ikki sentit son pouls s'accélérer, il n'avait jamais entendu ce nom auparavant mais il sentait la menace poindre dans la voix de l'elfe. Les autres étaient aussi perdu que lui, même Lyann semblait impatient d'en savoir plus.

" Le Cercle d'Onix est un groupe aux agissements obscurs, reprit leur chef, dans tout les sens du terme.

— C'est à dire ? demanda l'azyralien. Qui sont-ils ?

— Par où commencer...

— Pourquoi pas avec les amulettes ? suggéra Aune. Le contexte les aiderait à comprendre. "

Thanguron hocha la tête et posa sur la table les treize pendentifs que son groupe avait trouvé.

" Ces objets sont...

— Un instant, coupa l'oracle, il en manque une. "

— Que veux-tu dire ? demanda Thanguron.

— Le Cercle a une organisation particulière : les branches comptent quatorze membres ayant chacun une amulette.

— C'est étrange, nous n'en avons trouvé que treize... Où pourrait être la dernière ? "

Un cliquetis métallique lui apporta la réponse : sous les yeux ébahi de tous, Lyann avait sorti la dernière amulette de sa poche pour la jeter sur la table. Des exclamations éclatèrent aussitôt :

" Qu'est-ce que ça faisait avec toi ? tonna Kërenn en bondissant de sa chaise.

— Lyann, nous avions demandé à ce que toutes les amulettes nous soient remises ! s'insurgea Mirila. Tu crois être au dessus des ordres ?

— Des ordres ? répéta l'intéressé. Vous croyiez vraiment que j'allais obéir à cet ordre ?

— Comme à tout les autres. Tu fais parti de la Pointe Astra...

— Je sais de quoi il s'agit. "

La voix de l'azyralien changea, l'autorité et la colère qui y perçait contrastaient tant avec son sang-froid habituel que le silence retomba sur l'assemblée. Il défia tour à tour ses deux chefs du regard, une lueure indéchiffrable au fond de ses prunelles bleues.

" Les autres auraient réagis comme moi s'ils savaient à qui appartenaient ces amulettes. Jamais je ne prendrais à la légère un sujet aussi grave. "

Ikki observait son ami aussi furieux que perdu. Non seulement il savait des choses depuis longtemps mais il n'avait rien dit à personne, pas même à lui. Il comprit alors que même après plusieurs semaines, l'azyralien ne lui avait pas dévoilé tout son caractère : il était peut-être plus solitaire que ce qu'il croyait.

" Assied-toi Kërenn, ordonna l'elfe. Très bien Lyann, depuis quand l'as-tu ?

— Depuis que nous avons fouillé le fort. J'en ai reconnu une en fouillant une salle et je l'ai gardée. Vous auriez dû savoir à quoi vous attendre en agitant ça sous le nez d'un azyralien.

—... Tu marques un point. J'imagine que je te dois des explications.

— En effet : maintenant que j'ai toute votre attention, j'aimerais connaître le lien exact entre ce Cercle d'Onix et les Enfants de Sarkan. "

Ce nom piqua la curiosité d'Ikki. Il était sûr de l'avoir déjà entendu quelque part. Thanguron hocha lentement la tête :

" Au moins, je n'aurais pas à introduire le sujet. Tu as bien compris : ces amulettes sont celles de Sarkan.

— Qui est-ce ? demanda Ikki. Ça me dit vaguement quelque chose...

— Et pour cause : Sarkan est un dieu.

— Un dieu qui n'est plus présent sur Sylliade depuis des siècles, renchérit l'azyralien. C'est normal que tu n'en saches pas beaucoup.

— Lyann, je sais que tu attends des réponses, dit Thanguron, mais les autres vont avoir besoin d'explications. À l'origine, ces amulettes appartenaient à un groupe appellé " Les Enfants de Sarkan ". C'est lui qui est représenté dans le cercle.

— On dirait un nom de secte...

— Tu n'es pas si loin de la vérité : les Enfants de Sarkan entretenaient une relation très particulière avec ce dieu. C'était un groupe aux racines très étendues... mais il a disparu lors de la dernière guerre. "

Le même frisson qu'ils avaient ressentis avec les quazariens parcourut la table. Ikki se raidit : ils en revenaient une fois de plus à cette guerre. La plus terrible, la plus meurtrière et la plus présente dans les esprits de Sylliade.

La Guerre de Cendre, dont le simple nom effrayaient les plus braves mille ans après sa fin.

La voix timide de Nelei brisa le silence qui avait saisi ses compagnons :

" Excusez-moi mais... c'est quoi cette Guerre de Cendre ? Je veux dire... j'en ai entendu parler mais personne n'a jamais osé m'expliquer les détails.

— Tu n'as pas besoin de t'excuser, la rassura Simus. La Guerre de Cendre est un tabou à Sylliade. Dans les grandes lignes, c'est le conflit qui marqua la fin du Troisième Âge. À peu près tout les peuples de Sylliade ont été impliqués... et certains en ont plus souffert que d'autres, ajouta-t-il en regardant Lyann. Ce fut un drame sur tout les plans : il a fallut un millénaire à notre archipel pour s'en remettre. On dit aujourd'hui que c'est la peur d'une nouvelle Guerre de Cendre qui empêche toute idée de conflit, mais il semble que même cela n'effraie plus les Quazariens et les Dérisiens...

— Prima nous avait dit que leurs peuples se détestaient, expliqua Lyra, c'est à cause de la Guerre de Cendre ?

— Pas vraiment. Le monde était encore bien jeune lorsque ces deux peuples sont devenus ennemis... mais la Guerre de Cendre n'a pas arrangé les choses. "

Ikki se souvint de la soirée passée avec les Quazariens. Ikari disait que les choses avaient commencées de façon très simillaire autrefois. Il comprit alors :

" C'est comme ça qu'elle a débuté n'est-ce pas ? Avec un conflit entre ces deux peuples ?

— Précisément Ikki, c'est pourquoi ce qui arrive à la frontière est très préoccupant.

— Mais pourquoi s'affronter aussi soudainement ? Ils se détestaient déjà depuis des siècles non ?

— C'est là que nous en revenons aux Enfants de Sarkan, répondit sombrement le professeur.

— Vous... vous voulez dire que...

— Oui. Sur ordre de leur dieu, ils ont poussé les autres peuples à s'attaquer pour déclencher une nouvelle guerre.

— Tout les peuples ? interrogea Lyra. Et ça a marché ?

— Ne les sous-estime pas : nous vous avions dit que leurs ramifications s'étendaient sur tout l'archipel. De plus, le Troisième Âge a connu divers troubles et suscité divers tensions. Dans ces conditions, il n'a fallut que quelques années aux Enfants de Sarkan pour transformer la crainte en haine. "

Le ton lourd de Simus arracha une grimace à la jeune fille. Ikki lui-même courba l'échine en pensant à l'horreur indiscible, au mal déchirant que cette guerre avait causé et qui pesait comme une ombre effroyable sur son esprit. Depuis toujours il avait un profond respect pour ceux qui étaient tombés sur ses champs de bataille. Et son cœur se serrait lorsqu'il imaginait cette époque de souffrance.

" Ça n'a pas de sens, répondit Lyra, à quoi ça pouvait leur servir ?

— C'est la stricte vérité, répliqua Lyann. Il était naturel pour eux d'obéir à Sarkan, un dieu pervers et malade qui lui souhaitait la disparition des peuples. Et ils n'étaient pas loin de réussir : l'Ordre du Vent, le peuple des Wyvernes, a frôlé l'extinction et a laissé le peuple des Terzuséens prendre le contrôle de Noril. Andùraak et Lorelion II, le chef des dragons et le roi Azyral de l'époque, sont tombés côte à côte aux Pleurs du Ciel... et les Enfants de Sarkan ont rayé de l'histoire les Phœnix.

— Et eux ? Il leur est arrivé quelque chose ? Ils n'ont pas pu s'en sortir comme ça !

— Thanguron l'a dit : ils ont disparu à cette époque.

— Mais comment ?

— ... Ils ont récolté ce qu'ils ont semé. "

Ikki fut perturbé par ce ton évasif. La discussion semblait avoir mis leur compagnon mal à l'aise et le garçon observa la même chose chez Simus. Après tout, si chaque peuple avait été impliqué dans ce conflit, jusqu'où étaient allés les Oniriens et les Azyraliens.

Ikki tourna la tête vers Nelei : c'était elle qui avait lancé le sujet. La jeune fille savait maintenant pourquoi l'idée d'une nouvelle guerre terrifiait Sylliade.

" Merci de m'avoir répondu, souffla-t-elle. Mais quel est le rapport entre ça et le Cercle d'Onix ?

— Ta question fait écho à celle de Lyann, répondit l'elfe. "

Il inspira profondément, conscient que tout les regards étaient tournés vers lui.

" Vous vous en doutez peut-être déjà : le Cercle d'Onix est lié aux Enfants de Sarkan. C'est un groupe qui s'est formé à cause de leur influence peu avant la guerre. Nous ne connaissons pas leurs objectifs exacts, mais les Enfants de Sarkan souhaitaient déclencher une guerre et éliminer les peuples, le Cercle d'Onix continuera dans cette voie. Il n'y a aucun doute là-dessus.

— C'est pourquoi la Pointe Astrale s'est formée, renchérit Mirila.

— Comment ça ? demanda Lyra.

— Simus parlait de la peur d'une nouvelle guerre. Selon toi, pourquoi est-ce en train d'arriver à la frontière ? Pourquoi les Dérisiens veulent-ils affronter les Quazariens ?

— Ils ne s'aiment pas. C'est ce que vous disiez.

— Il n'y a pas que ça. J'ai grandi à Emos avec Kali, j'ai rencontré les Dérisiens dans ma jeunesse et ils n'étaient pas hostiles à l'époque. Quelque chose les a changé... et nous savons maintenant quoi.

— Vous pensez au Cercle d'Onix ?

— Nous en sommes même sûrs : nos sources nous ont permis d'établir un rapprochement entre leurs membres et Koroga, le chef dérisien. Mais dans quelle mesure... là est toute la question. Certains d'entre nous ont déjà eu affaire au Cercle mais nous manquons encore d'informations. "

Elle ne donna aucun nom mais Kërenn eut un rictus.

" Quoi qu'il en soi, reprit l'elfe, si cette histoire est liée aux Enfants de Sarkan, il ne peut pas en ressortir du bien. Réconcilier les deux peuples est impossible, mais nous pouvons empêcher le Cercle d'Onix de déclencher une nouvelle guerre. Voilà notre but : les neutraliser. Nous avons pour cela le soutien de la Guilde des Explorateurs et de certaines personnes comme Aune et Simus. "

Il se tourna vers Lyann :

" Cela répond-t-il à ta question ?

— Peut-être bien. Mais j'ai encore du mal à comprendre pourquoi vous faites tout cela.

— Nous sommes tous concernés, répliqua Ikari. Je travaille avec les Oniriensdans un but particulier : depuis la Guerre de Cendre, ils utilisent leur don de voyance pour anticiper du mieux possible les prochains conflits et éviter de refaire les mêmes erreurs. Ça ne marche pas à tout les coups mais nous savions avec un peu d'avance que les choses allaient dégénérer à la frontière.

— Les peuples de Dyril auraient aimés avoir accès à ces informations. répliqua l'azyralien en fronçant les sourcils.

— Inutile d'alerter tout le monde avant que les choses aient lieu. Si nous réagissons vite, il sera peut-être possible d'arrêter le conflit avant qu'il ne dégénère.

— Ikari a raison, je ne pense pas avoir besoin d'expliquer pourquoi je suis concernée Lyann, dit Mirila. Les Quazariens sont ma famille : je ne suis peut-être pas concernée par leurs conflits mais si les Dérisiens se font manipuler dans l'ombre alors j'interviendrais.

— Comme vous le voyez, nous avons tous des raison d'être impliqué dans la Pointe Astrale, reprit Thanguron. "

Il regarda à tour de rôle les cinq membres qu'il avait recruté au cours des derniers mois.

" Mais qu'en est-il de vous ? "

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Koorsil Rivargent ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0