Chapitre 4 - Voyage vers Derail - Partie Deux

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Les étoiles apparurent au-dessus du camp fraîchement mit sur pied. Installé face à Lyann, les braises d'un feu crépitant non loin de lui, Ikki observait ses compagnons : l'azyralien discutait avec Prima, de chevaux d'après les mots qu'ils employaient. De l'autre côté, Lyra prenait part à une discussion avec Ikari, Thanguron, Mirila, Kali et le dénommé Mark, à propos d'Emos. Ikki se souvint de la façon dont Kali avait réagi lorsque l'elfe lui avait demandé des nouvelles et écouta attentivement.

" Et donc, disait Mirila, avez-vous revu les Dérisiens depuis leur incursion ?

- Je ne sais pas si je suis capable d'en parler, marmonna sombrement Kali, ce n'est pas vraiment le bon moment pour aborder le sujet.

- Il n'y aura jamais de bon moment, répondit son amie, tu le sais très bien. La situation est grave pour que vous soyez rappelés à Emos. Et n'oublie pas que, moi aussi, je me sens concernée par vos affaires. "

Kali hocha la tête, semblant chercher ses mots. Ikki, lui, se souvint de quelque chose lorsque Mirila parla. Ça ne l'avait pas frappé tout de suite mais il avait déjà entendu parler des Dérisiens. C'était un mot qui circulait beaucoup dans les villages dernièrement.

Il avait eu vent de ces histoires opposant les quazariens à un peuple de l'île voisine : les Dérisiens. Leurs terres respectives se trouvaient justement là où les deux îles se rejoignaient et seul un bras d'eau les séparaient. De ce qu'il savait, ils n'étaient pas en bons termes. Et les choses avaient empiré depuis que les Dérisiens avaient pénétrés sur le sol quazarien. Une telle situation n'avait pas eu lieu depuis des siècles et un conflit était en train de naître à la frontière de ces deux peuples. Ce qui n'était pas du tout une bonne nouvelle pour les peuples de Dyril. Lui-même sentait son cœur se serrer à l'idée qu'une nouvelle guerre pouvait avoir lieu. C'était une peur qui hantait tout habitant de Sylliade depuis maintenant un millénaire. Kali, elle, laissa passer encore quelques instants dans le silence.

" Oui... finit-elle par déclarer. Nous les avons plusieurs fois vu à la frontière, de notre côté bien entendu...

- Ce n'est pas chez eux ! s'exclama Mirila, scandalisée. À quoi joue Koroga ?

- Je ne peux pas le savoir, déplora la quazarienne, Dekaan a voulu éviter toute effusion de sang mais cette... pourriture a refusé toute tentative de négociation. J'ai bien l'impression qu'il a d'autres idées en tête...

- Il ne peut pas oser, s'exprima Lyra pour la première fois, il ne peut pas risquer le combat en sachant où ça nous a mené autrefois !

- Tu as raison, répondit Ikari d'un air entendu, surtout quand on sait que ça avait commencé d'une manière très semblable. Exactement au même endroit... "

L'atmosphère déjà peu chaleureuse devint soudain glaciale. Une menace flottait dans l'air, cette Guerre dont on parlait tant dans les livres d'Histoire semblait refaire surface. Kali reprit d'une voix où perçait le désespoir :

" Je ne sais pas ce qui va se passer ! J'ai confiance en Dekaan pour prendre les meilleurs décisions mais tout les Quazariens ne partagent pas ses idées, ils sont aveuglés par leur colère... Je ne sais pas combien de temps va passer avant que tout dégénère...

- Ne t'en fais pas, la rassure Mirila, une étrange flamme dans les yeux. N'oublie pas que nous sommes là nous aussi et que nous ferons tout pour vous aider. "

En disant cela, elle échangea un regard avec Thanguron, un regard qui n'échappa ni à Ikki, ni à Lyra. Ikki se mordit la lèvre en comprenant ce que la réponse de sa chef pouvait impliquer. La Pointe Astrale pouvait-elle être impliquée dans le conflit naissant à la frontière quazarienne ? Le sang d'Ikki se glaça, même après toutes ses spéculations avec Lyra et Lyann, il ne s'était pas attendu à cela. Cette quête pouvait le mener bien plus loin qu'il ne l'aurait jamais imaginé. Mais pouvait-il seulement reculer après son engagement ? D'un geste discret, il invita Lyra à le rejoindre près de Lyann et Prima, il était temps pour eux de parler à nouveau des objectifs de la Pointe Astrale.

La jeune fille abandonna discrètement la conversation des chefs pour venir s'asseoir à côté de lui.

" Qu'est-ce que tu en penses ? murmura-t-elle aussitôt.

- Que la vérité est encore plus tordue que ce qu'on avait compris. Si la Pointe Astrale cherche à s'imiscer dans un conflit...

- Doucement, Mirila et Thanguron ne nous ont jamais parlé de cela.

- On ne peut pas vraiment dire qu'ils ont parlé tout court...

- Oui mais si jamais c'est ce qu'ils veulent, je pense qu'ils n'agiront pas directement. C'est un groupe que l'on cherche, ne l'oublie pas.

- Ne pas oublier quoi ? " demanda Lyann comprenant qu'il se passait quelque chose.

Lyra lui rapporta tout ce qu'ils venaient d'entendre et le visage de l'azyralien s'assombrit au fur et à mesure qu'elle parlait. À côté de lui, Prima fronça les sourcils.

" Voilà qui change beaucoup de choses... dit-il finalement avec gravité.

- J'ai du mal à tracer des liens, marmonna Lyra, que viennent faire les Quazariens et les Dérisiens dans cette histoire ?

- Je ne sais pas ce que vos chefs veulent faire, intervint Prima avec une grimace, mais à votre place je ne réfléchirais pas trop aux objectifs des Dérisiens. Rien ne ferait plus plaisir à ces chiens assoiffés de sang que de tous nous étriper.

- Pourquoi ça ? demanda Ikki sans comprendre pourquoi elle avait traité les Dérisiens de chiens. C'est quoi leur intérêt selon toi ?

- Pour quelqu'un qui ne connaît pas notre histoire, c'est normal de se poser ce genre de question. Mais dis-toi que nos deux peuples se détestent depuis des siècles, il a suffit d'une bataille pour que tout dérape entre nous. Et maintenant, ils se moquent des conséquences, ils veulent juste en finir avec nous.

- Et une guerre aurait lieu en ce moment même si votre chef n'avait pas choisit les pourparlers n'est-ce pas ? demanda Lyann.

- C'est exact, concéda la quazarienne. Sans Dekaan, je pense que plusieurs des miens seraient déjà partis défendre leur honneurs... Je ne sais rien du groupe que vous recherchez, mais quoi qu'il arrive, rien ne pourra changer le cours des choses. Ce conflit est enraciné trop profondément dans l'Histoire pour être balayé aussi facilement... "

Seul le bruit des flammes léchant le bois à côté d'eux répondit à cette déclaration.

**

Deux jours étaient passés depuis que la Pointe Astrale et les Quazariens s'étaient séparés. Ikki et ses compagnons touchaient au but : ils avaient pénétrés à Derail en début de matinée et avaient dépassés le lac de Kaalan voilà maintenant deux heures. Ils longeaient depuis les chutes du même nom, le paysage était montagnard et ils grimpaient plus qu'ils n'avançaient. De temps en temps, ils passaient devant de petits villages poussant comme des forêts urbaines sur le terrain escarpé. Thanguron leur fit savoir qu'ils n'étaient plus très loin d'Orgonne.

Ikki haletait, la pente était raide et l'air lourd. Au-dessus d'eux, le ciel s'était à nouveau couvert de nuages noirs et menaçant. Pour le garçon, ceci était un beau résumé de la situation à la frontière quazarienne : c'était l'accalmie. Bientôt, les choses allaient changer, et maintenant qu'il savait, il se demandait quel rôle lui et ses compagnons allaient jouer dans cette histoire.

" Nous y voilà. "

La voix de Thanguron résonna devant lui, il leva la tête pour le voir, lui et les autres, contempler quelque chose au loin. Il s'approcha en mettant de côté ses réflexions : après tout, c'était pour obtenir ce genre de réponse qu'ils venaient ici.

Il posa les yeux sur un vallon qui s'étendait juste en dessous. Là, retranchée contre le flanc rocheux qui leur faisait face, s'élevait le bastion du peuple onirien : la cité d'Orgonne. Outre le fait qu'elle était perdue en pleine montagne, la ville était défendue par d'immenses murailles capable de freiner n'importe quel belligérant. Mirila les laissa observer quelques instant avant de prendre la parole :

" Aune de Fele vit là-bas. Le voyage touche à sa fin. "

Ikki hocha la tête sans détourner le regard. La piste qu'ils avaient découvert avec les amulettes les menaient donc ici, là où les attendaient un début de réponse. Un voyage touchait peut-être à sa fin mais son intuition lui disait qu'un autre allait bientôt commencer.

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