Chapitre 1 - La Première Étincelle - Partie Une

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La petite bourgade de Riksa était animée en ce début d’après-midi, la rue principale menant au marché était le lieu de passage de nombreux habitants pressés de faire leurs courses. Certains bavardaient allègrement en se croisant tandis que d’autres se plaignaient de la forte chaleur de ce mois de siral, l’été approchait.

Une femme avançait en revenant du marché, des sacs tenaient en équilibre dans ses bras et menaçaient de tomber à chaque nouveau pas. Une ombre jaillit d’une ruelle et la percuta de plein fouet. Les victuailles tombèrent au sol avec fracas ainsi que leur propriétaire. L’homme qui l’avait bousculée, en revanche, s’était relevé et courait vers la place du marché. Un bruit de ferraille retentit de là d’où il venait.

“ Il s’échappe ! Rattrapons-le ! ”

Quatre gardes en armure se ruèrent à la poursuite de l’homme.

“ Si ce voleur nous échappe, je peux dire adieu à ma prime. s’exclama l’un d’eux, un grand gaillard aux cheveux grisonnants.

- La prime hein ? ricana son voisin, la voix étouffée par un heaume en partie rouillé. T’as que ce mot-là à la bouche et on te demande de protéger le village ?

- Rigole pas avec ça ! J’ai une femme et des gosses à nourrir… contrairement à d’autres.

- Vous pouvez pas la fermer ? Contentez-vous d’économiser votre souffle. ” beugla leur meneur d’une voix agacée.

Rattraper leur cible allait être difficile. Heureusement, celle-ci était toujours visible malgré l’avance qu’elle conservait sur eux. Le marché était animé, aussi les gardes durent-ils jouer des coudes pour se forcer un passage dans la foule et l’un d’eux bouscula un jeune garçon aux cheveux rougeoyants.

“ Excusez-moi !

- Bon sang Karo, traîne pas et sors-toi de là ! Tu veux qu’il nous échappe ? ”

Le bandit avait dépassé les derniers bâtiments et atteignait désormais l’orée des bois. Les gardes, en grand nombre, eurent du mal à s’extirper de la foule qui s’agglutinait pour observer la scène. Ils s’engouffrèrent finalement dans la forêt bordant le village. Deux d’entre eux avaient sorti leur épée, mais il était difficile de progresser au milieu des arbres. L’homme en tête de groupe s’écria :

“ Allez les gars : on se sépare et on l'encercle ! ”

Ils se répartirent en binômes et prirent chacun des directions opposées. Le voleur était toujours visible à travers les buissons, ses vêtements s’accrochaient aux branches épineuses en y laissant des lambeaux de tissus. Il sembla être agacé par ce chemin tortueux, car il bifurqua pour rejoindre une clairière.

“ Il est à découvert, on le tient ! fit le dénommé Karo en se tournant vers son compagnon, un homme au crâne rasé. Fais-lui ton “truc” qu’on en finisse. ”

Le garde hocha la tête et s’arrêta pour viser le bandit. Il ne portait pas d’arme de projection mais, à la place, il referma son poing contre sa poitrine tout en inspirant profondément. Alors, il effectua un étrange mouvement de la main qui sembla affecter l’air alentours.
Une bourrasque de vent sortie de nulle part déferla dans la direction du voleur. Les arbres ployaient sous sa force, des branches volaient dans tout les sens. Elle rata cependant sa cible d’un mètre.

Le garde pesta contre lui-même :

“ Ça a raté !

- Tu n’as jamais appris à viser ? Reste pas là, il faut le rattraper ! ”

Et la course poursuite reprit de plus belle, sauf que le voleur avait creusé l’écart. Il quitta la clairière, les deux gardes à sa suite, et se retrouva sur un sentier terreux. Les hommes en armures furent rapidement rejoints par leurs comparses.

“ En ligne droite tu peux te servir du vent Harold !

- Non, cet abruti ne peut pas. soupira Karo. Il a déjà essayé et il a foiré.

- Fait chier ! Tu peux pas retenter le coup ?

Arold regarda son compagnon, incrédule

-J’aimerai bien ! Ça m’a tellement épuisé que j’arrive à peine à courir ! ”

Son compagnon ne répondit pas et se contenta de pousser un grognement.

Les arbres laissèrent place à un rivage de galets où les eaux d’un lac ondulaient calmement. Là se dressait une vieille bâtisse en piteux état, sans doute abandonnée par les pêcheurs du coin. Les gardes eurent le temps de voir la jambe du bandit s’engouffrer à l’intérieur avant que celui-ci ne referme la porte.

“ Mais il vient de se coincer tout seul ?! On le tient enfin les gars ! triompha le meneur.

-Non attends ! Tout le monde s’arrête ! ” s’exclama l’un de ses compagnons.

Les autres s’arrêtèrent pour l’observer.

“ Mais qu’est-ce que tu racontes ? Il est à notre merci.

- Je suis d’accord, mais tu t’imagines entrer là-dedans à quatre ? Nous ne serions pas en avantage s’il fallait combattre.

- Il faudrait le faire sortir.

- Oui mais comment ?

- Je sais pas. Une idée ?

- Pas vraiment… Je crois qu’on est dans une impasse.

- Oh pitié… Ça ne serait pas arrivé si le mutant n’avait pas raté son sort !

- Tu crois que j’ai fait exprès ? C’est compliqué avec une cible mouvante ! ”

Une voix inconnue les interrompit alors :

“ Moi je peux m’en occuper. ”

Les gardes se retournèrent pour voir arriver vers eux un jeune garçon aux cheveux rougeoyants. Il devait avoir la vingtaine, un peu moins peut-être.

Son visage aux traits doux exprimait cependant un calme et un sérieux qui n’étaient pas de son âge. Mais le plus frappant chez lui étaient ses yeux d’une couleur pourpre singulière, lui donnant une allure mystique. Sa tunique noire et son pantalon blanc de nacre recouvraient un corps fin et agile. Il transportait derrière lui un grand sac de voyage clair, gonflé par ses affaires. Une épée en acier pendait également à sa ceinture parmi quelques bourses.

Le nouveau venu s’avança parmi les gardes en les observant tour à tour. L’un d’eux s’exclama :

“ Je te reconnais ! Je t’ai fait tomber sur la place du marché en courant.

Le garçon lui jeta un bref coup d’œil.

- Ce n'est pas grave, assura-t-il. Au moins vous avez rattrappé le voleur, il est là-dedans ?

- Mêle-toi de tes affaires, répondit un autre garde, on se passera bien de l’aide d’un civil.

- Je n’ai jamais eu l’intention de vous aider, rétorqua calmement le garçon, ce type m’a volé de l’argent. Je suis juste venu le récupérer. ”

Il reporta alors son attention sur la cabane et plissa les yeux, se plongeant dans une intense réflexion.

“ Elle est en bois… Il faudrait le faire sortir de là. ”
Il souriait, une idée semblait avoir germé dans sa tête.

“ Reculez.

- Qu’est-ce qu… ”

L’atmosphère s’alourdit soudainement, les gardes reculèrent sans comprendre ce qui se passait. De son côté, le garçon avait ramené sa main près de lui et fermé les yeux. Une petite flamme apparut alors au creux de sa paume. Il la fixa d’un regard pénétrant, la flamme vacilla mais ne s’éteignit pas.

“ Elle est parfaite comme ça. ” dit-il avec fierté

Il leva la tête vers la cabane en bois.

“ Un conseil, cria-t-il, sors de là rapidement ! ”

D’un simple mouvement du bras, il envoya alors sa flamme droit sur la bâtisse. Elle fonça tel un petit projectile en prenant des proportions ahurissantes : en quelques instants, elle venait de tripler de volume.

Un véritable déluge de flammes s’abattit sur la cabane et le cri du bandit retentit à l’intérieur. Les murs dévorés allumaient des reflets sanglants sur l'eau

Le voleur jaillit hors de la cabane en se protégeant le visage avec les bras. Le garçon se lança à sa poursuite.

“ Reviens-là !

- Attends ! le héla l’un des gardes. Tu ne peux pas laisser

ces flammes ! ”

Mais à l’instant où il se tourna vers la cabane, il se rendit compte avec stupeur que celles-ci s’étaient volatilisées, ne laissant que des murs noircis et fumants.

**

Le voleur choisit de contourner le lac, Ikki était bien décidé à ne pas le laisser fuir maintenant qu’il en avait trouvé un.

L’homme avait une longueur d’avance, mais son poursuivant n’était pas inquiet : il avait respiré la fumée dans cette cabane et ne tarderait pas à tomber de fatigue.

“ Je n’aurai qu'à le cueillir. ” pensa le jeune homme.

Il finit par le rattraper près d’une rivière. Le bandit, comprenant qu’il était coincé, se retourna vers lui en tirant une longue lame étincelante, Ikki en fit autant.

“ La balade est finie ? ricana-t-il.

- Tu feras moins le malin quand je t’aurai coupé la langue ! ” répliqua le voleur en se jetant sur lui.

Ikki para simplement le coup et fit un pas de côté. L’homme, emporté par son élan, tomba face contre sol.

Il ne se releva pas et poussa un cri de douleur. Sa joue avait soudainement viré au rouge et se couvrait de cloques.

Le garçon s’approcha et, d’un mouvement du pied, força l’homme à se retourner, il lui posa la pointe de sa lame contre la gorge.

“ Donc, commença-t-il, maintenant que notre problème commun est réglé, tu vas me donner ce que je suis venu chercher ?
- J… Je ne l’ai pas ! sanglota l’homme, le visage déformé par la douleur. J’ai pas de bourse sur moi, je le jure !

- Je le sais déjà abruti, c’était un prétexte pour que les gardes me laissent tranquille. Mais j’ai des questions à te poser.

- Tout ce que tu veux !

- Super. Alors confirme-moi un truc : t’es bien un des bandits de Riksa ? Ceux qui se sont établis dans les grottes plus au nord ?
L’homme le regarda stupéfait.

- Comment sais-tu cela ?

Ikki leva la main, une seconde flamme y apparut.

- Ne m'oblige pas à aller jusque là. Contente-toi de répondre ou je te calcine le nez cette fois, t’es avec eux oui ou non ?

- O… Oui.

- Et tes potes, ils sont bien dans les grottes au nord ?

- On a installé le camp là-bas.

- Et bien voilà qui règle la question. ”

Ikki rangea son épée et la flamme dans sa main disparut. Il tourna les talons et prit la direction du nord. La voix déconcertée du bandit résonna derrière lui :

“ Qu’est-ce que tu fiches ?

- Je vais récupérer ce que tes potes m’ont pris. ”

Un sifflement retentit soudain près de son oreille et il eut tout juste le temps de se dégager avant que l’épée du bandit ne s’abatte dans le vide, à l’endroit où il se trouvait une seconde auparavant.

L’homme releva sa lame pour tenter une autre attaque avant de la lâcher brusquement. Il s’écroula au sol et hurla en se tenant le nez.

“ Je t’avais prévenu… soupira Ikki en reprenant sa route.

- Petite merde ! beugla le bandit entre deux gémissements de douleur. Tu sais pas ce que tu va affronter, mes compagnons savent faire des choses que tu ne peux même pas imaginer ! ”

Le garçon ne se retourna pas.

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