Prologue

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Un vent froid hurlait dans les plaines enneigées d'Emos. La belle Gallamë projetait depuis les cieux sa lueur mystique, teintant d'argent le paysage. Les silhouettes de deux hommes et leurs montures se découpèrent au sommet d’une colline, le premier balayait le paysage de ses yeux gris, ses longs cheveux noirs battus par le vent. Le second portait une cagoule dissimulant son visage.

Aucun des deux ne parlait, chacun attendait que l'autre brise le silence. Ce fut seulement après plusieurs longues minutes de marche que l’homme aux cheveux noirs marmonna :

" De toute façon, il fallait bien que ça arrive un jour... "

Son compagnon lui répondit, sa voix étouffée par l'étoffe grise :

" J'aurais préféré que ça se fasse dans de meilleures conditions et en meilleurs termes, ça aurait été mieux pour tout le monde.

- Oui... et dire qu'on a même pas encore fait notre rapport, les réactions vont fuser de toutes parts... par les dieux, j'ai pas envie de leur annoncer ça !

- On n'a pas le choix. Nous savions depuis longtemps qu'ils nous détestaient, mais c'est bien la première fois qu’ils franchissent le pas. Désormais tout va changer. " répliqua son compagnon qui accéléra alors le pas pour mettre fin à la discussion.

Le duo finit par s'approcher d’un camp aux abords d'une source gelée. Des troncs couverts de givre faisaient office de remparts contre les vents. La garde à l'entrée se dirigea vers eux.

“ Vous rentrez tard pour une mission de reconnaissance, commença-t-elle d’une voix inquiète. Tout va bien ? Vous n'avez rencontré aucune difficulté ?

- Nous apportons des nouvelles, annonça l'homme encagoulé. Peux-tu prévenir le Conseil de notre retour ? ”

La sentinelle opina. Tous trois entrèrent dans le camp occupé par des tentes sur lesquelles la neige s'ammoncelait. Cette base provisoire leur permettait de surveiller leurs voisins.

Les nouveaux venus ramenèrent leurs montures à l'écurie, située à droite de l'entrée, avant de se rendre vers la plus grande tente du camp qui était gardée par un homme imposant. Il leur jeta un regard dur quand ils firent mine d'entrer, mais n'esquissa aucun autre mouvement.

L'atmosphère était déjà beaucoup plus chaleureuse qu'à l'extérieur. Un feu crépitait dans un coin de la pièce faisant danser les ombres d'un grand nombre de personnes réunies autour d'une table.

La garde était déjà arrivée.

“ Dekaan veut vous voir ” Dit-elle.

Elle les mena vers le milieu de la table où un homme à la carrure massive était penché sur des cartes de la région, échangeant quelques mots avec ses voisins. Les deux hommes s'inclinèrent devant lui.

“ Maître Dekaan… s'annonça l'un d'eux.

Le chef releva la tête.

- Vous voilà. Kali m'a dit que vous aviez des nouvelles importantes à me communiquer.

- C'est exact.

- Pas des bonnes, je suppose ? ” soupira-t-il.

Il se retourna complètement et détailla les deux éclaireurs d'un regard vert perçant. Sa barbe et ses cheveux grisonnants cachaient en partie un visage dur, mais sur lequel on pouvait lire une profonde sagesse. Une longue cicatrice courait le long de sa joue, témoignage de ses nombreux combats.

Dekaan réclama le silence dans la salle, tous se tournèrent vers lui.

“ Nos éclaireurs ont des nouvelles importantes à nous rapporter, dit-il avant d'inviter les deux hommes à prendre la parole. On vous écoute. ”

L'un d'eux s'avança auprès de son chef et observa l'assemblée, il commença son récit :

“ Vous n'êtes pas sans savoir que la frontière nous séparant des dérisiens est quelque peu agitée ces derniers temps. Nous craignons depuis quelques semaines qu'ils ne pénètrent sur notre territoire. Et bien ça y est…

Il fit une pause, mal à l'aise, un silence de mort avait envahi la salle. Nous avons pu le confirmer cette nuit : les Dérisiens se sont introduits sur notre territoire. ”

Des protestations commencèrent à fuser :

“ Comment ont-ils osé ?!

- Ils nous provoquent !

- Une provocation ? C'est une déclaration de guerre oui ! Il faut qu'on leur apprenne à craindre les Quazariens ! ”

Dekaan resta impassible devant cette annonce, plongé dans d'intenses réflexions. L'un des conseillers assis à ses côtés se pencha vers lui :

“ Maître, dit-il, nous ne pouvons pas rester sans rien faire. ”

Il ajouta pour les autres :

“ Laisser les Dérisiens vagabonder sur notre territoire, c'est condamner tout notre peuple ! ”

Des cris d'approbations suivirent ces paroles. Plusieurs Quazariens semblaient de cet avis, Dekaan en revanche n’eut aucune réaction. Une voix résonna alors par dessus le brouhaha :

“ Les attaquer n'arrangera en rien la situation. ”

Tout le monde se tourna vers celle qui avait soulevé cet avis. C'était une jeune femme qui jetait un regard dédaigneux sur ses congénères.

Un murmure d’incompréhension parcourut la foule, le conseiller répliqua d'une voix calme :

“ Et que proposes-tu pour les contrer ? Cela fait plusieurs semaines qu’ils se montrent hostiles à notre égard. Tu penses qu'on devrait les laisser se pavaner sur notre territoire ? Les laisser nous massacrer ? Non, il faut les retrouver et leur faire passer l'envie de revenir. Sinon nous sommes tous morts.

La jeune fille le fixa avec froideur.

- Tu le crois vraiment ? s'exclama-t-elle. Et sur quoi vous vous fondez, toi et tous les autres ? Nous n'avons aucune preuve tangible qu'ils souhaitent nous envahir ! Vous croyez qu’on peut les attaquer uniquement sur des soupçons ? ”

Elle se retourna pour regarder tour à tour chacun des membres présents, sa voix se fit plus forte :

“ Vous avez oublié la dernière fois que nos deux peuples se sont affrontés ? À quel point la situation avait dégénéré ? Vous voulez vraiment que cela arrive de nouveau ? ”

Plusieurs Quazariens se regardèrent gênés. Chacun savait où elle voulait en venir : cela pouvait déclencher une nouvelle guerre. Mais le conseiller de Dekaan se releva à ces mots, les traits déformés par la rage.

“ La ferme ! s'exclama-t-il. Ne prétends pas pouvoir parler d'événements ayant eu lieu des siècles avant ta naissance. Tu penses que l'on devrait laisser ces chiens puants errer sur notre territoire ? ”

Des vociférations éclatèrent au même moment. Dekaan se releva soudainement et frappa la table du poing.

“ Silence ! hurla-t-il. Le calme retomba sur l'assemblée. Les Dérisiens font actuellement on ne sait quoi sur nos terres et vous pensez que vos querelles vont arranger les choses ? Vous êtes des guerriers par les dieux ! Alors comportez-vous en tant que tel ! ”

Dekaan observa furieux son conseiller, puis le reste de ses guerriers. Aucun n’osa rompre le silence. Leur chef parut se calmer et reprit d'une voix plus posée :

“ Il faut garder la tête froide, nous ne les attaquerons pas aujourd'hui.

- Mais... maître commença son voisin.

- Non Varan, je n'apprécie pas plus que vous les Dérisiens, et leurs agissements m'inquiètent tout autant, sinon plus. Mais nous devons à tout prix éviter que cela ne se termine en effusion de sang. Je le redis : nous sommes des guerriers. Pas des barbares. En tant que tel, je laisserai une chance à leur nouveau chef de s'expliquer. ”

Il lança un regard interrogateur au dénommé Varan qui finit par acquiescer au bout de quelques secondes.

Le reste de l'assemblée était plus sceptique, beaucoup semblaient mécontents, mais aucun ne s'opposa.

Dekaan hocha la tête avec gravité.

“ C'est la seule solution. insista-t-il. Demain, une escouade partira demander des comptes à Koroga. Il porte beaucoup d'attention à son peuple depuis qu'il en a pris la tête. J'ose espérer qu’il nous donnera des réponses tangibles. ”

Sa voix se fit plus ferme :

“ Tout dépend de lui désormais… ”

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