7 heures du matin

4 minutes de lecture

Je n'arrive plus à dormir. Mon réveil sonne dans une heure, mais tant pis, il faut que je fasse ce test. J'ai peur. Cela dit, j'ai peur depuis des jours. Sauf que cette fois, je vais vraiment être fixée. Depuis l'autre soir, j'en suis persuadée. Il se passe quelque chose en moi. Mon ventre se gonfle, ça me tire et je ne me sens pas très bien. J'essaie de me rassurer en me disant que c'est psychologique. Je me dis que je me monte la tête toute seule, comme ça m'est déjà arrivé par le passé. « Il n'y a pas de raison, tu t'es protégée » je me répète en boucle. On dit qu'un stérilet est efficace à 99%. Comment pourrais-je faire partie des 1% ? Ce genre de choses, ça n'arrive vraiment qu'aux autres. Bref, je me lève. Je vais le faire ce fichu test. Je fais les quelques pas qui sépare la chambre de la cuisine et je m'engouffre dans l'antre de la vérité. J'ouvre la maudite boite. Je le sens mal. Au fond, je sais déjà. Je me dépêche de faire ce que j'ai à faire : je veux que ce soit terminé. J'observe le petit rond du résultat. La barre témoin s'affiche très vite et au départ je ne vois rien d'autre. Je sais très bien que ça ne veut rien dire. Sur la boite, il est écrit qu'il faut attendre trois minutes pour un résultat négatif définitif. La seconde barre ne tarde pas à apparaitre, doucement. Je la vois gagner en opacité sans réagir, pétrifiée. C'est réel. Je ne me suis pas monté la tête. C'est positif. J'éclate en sanglots. Je comprends tout ce que ça signifie et je ne me sens pas prête à l'affronter.

Après quelques secondes seulement, je me lève. Je remets le test dans sa boite et je le range dans l'étagère. Je ne veux plus le voir pour l'instant. Je retourne à la chambre, toujours en sanglots. Il me dit : « Alors ? ». Je m'effondre sur le lit, inconsolable. Il comprend. Il cherche à me rassurer, à me dire de respirer. Il me serre contre lui, mais à ce moment-là ça ne suffit pas à m'apaiser. Quand je parviens enfin à parler, je lui dis qu'il faut que je fasse une prise de sang. Après vérification sur Internet, il s'avère qu'un laboratoire est déjà ouvert, juste à côté de chez nous. Je me lève à nouveau, je me douche, je m'habille, je me brosse les dents et nous nous mettons en route. Cinq minutes de marche suffisent, nous y sommes. Je prends un ticket, j'attends mon tour et je dis : « je souhaite faire une prise de sang pour confirmer une grossesse ». Ces mots sonnent faux dans ma bouche. Je suis à mille lieux d'imaginer avoir un enfant. Je me sens trop jeune, pas prête. Il m'est arrivé d'y penser parfois, pour plus tard. Je me rends compte à présent à quel point il est différent de le vivre. Finalement, ça n'arrive pas qu'aux autres.

Je ne patiente pas très longtemps avant d'être prise en charge. L'infirmière me demande si je crains les piqures, je réponds que non. Elle pique, elle prélèvre une toute petite fiole et c'est déjà terminée. « Vous aurez les résultats à 17h, vous pouvez passer ou les consulter en ligne ». Je dis au revoir et je m'en vais, avec mon petit pansement sur le bras. D'un côté, j'ai vraiment besoin de cette confirmation. Mais d'un autre côté, je suis frappée par l'évidence de mes symptômes de ces derniers jours et par cette seconde barre sur mon test. J'espère découvrir combien de temps ça fait et s'il n'y a rien d'anormal dans mon sang. J'ai besoin de ces informations pour la suite des événements.

Quand nous arrivons chez nous, nous prenons notre petit-déjeuner. Enfin, surtout lui. Je n'ai pas faim. J'ai plutôt la nausée. Je ne sais pas si c'est un nouveau symptôme ou plutôt le stress engendré par la nouvelle. J'opterais plutôt pour la deuxième option. Il reste donc encore un peu avec moi. Nous ne parlons pas vraiment sérieusement. De toute façon, je connais son opinion : il n'en veut pas. Il n'est pas prêt. Il préfère attendre quelques années. Je pense que moi aussi. Je suis encore loin de l'âge de 30 ans : l'âge où je m'imaginais avoir mon premier enfant. Je débute tout juste mon Master. Ce n'est pas le moment. Et pourtant, rien n'est vraiment clair dans ma tête. Je suis si triste. C'est comme si mon esprit avait son opinion et mon coeur un tout autre. Je ne pleure plus, mais on peut toujours lire la détresse sur mon visage. Je me sens à la fois trop vide et trop pleine. J'ignore quel sentiment prédomine. Tout se mélange.

Il me dit qu'il doit partir travailler. « Je ne veux pas te laisser dans cet état ». J'ignore ce qu'il ressent vraiment depuis le test. À vrai dire, je ne lui ai même pas demandé. C'est comme si on savait tous les deux que toute l'attention devait être sur moi. « Je rentrerai à midi et j'essayerai de rentrer au plus tôt ce soir ». « Merci, ne t'inquiète pas ». Il m'embrasse et s'en va.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire sialetea ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0