Jour 3

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Neuf heures du matin, j'émerge. Léo n'est plus dans son lit, et je n'entends aucun bruit. Dans la chambre, plus aucune trace des espagnoles, plus aucune affaire qui traîne.

Je pars aux chiottes, puis sous la douche. Mon cerveau se remet en place doucement, et alors que je quitte la chambre pour descendre au bar de l'accueil, je tombe sur Léo, l'air blasé, un sachet de viennoiseries dans les mains. On s'pose, avec un café viennois qui n'est au final rien d'autre que du cappucino, et on bouffe.

- Les espagnoles se sont barrées ? Je demande à Léo.

- Ouais, elles ont décampées ce matin. Y'a un autre gars dans notre chambre, je lui ai parlé ce matin. Il m'a dit ce qu'il faisait dans la vie, mais j'ai pas compris.

- Ma foi. On fait quoi aujourd'hui ?

Un éternuement de Léo coupe la conversation. De la morve gicle de son pif, et s'écrase presque dans son café. Il râle encore sur sa maladie, puis me dit qu'il va retourner se coucher. A la fin du petit-déj', on se sépare donc, et je pars en balade à Vienne, seul.

Notre auberge est proche de la Favoriten strabe, avenue où le capitalisme est roi. Parmi les Burger King, les McDo' et les Starbucks, il y a une petite église. Je visite l'intérieur, et réalise qu'elle ressemble à toutes les autres petites églises qu'il m'est amené de visiter.

Je continue ma visite, vers une cathédrale Saint-Antoine de Padoue, et l'intérieur me donne la même morale que la petite église. Sur la devanture, des jeunes ont noté leurs pseudos Snapchat et Instagram, espérant peut-être gagner quelques abonnés catholiques.

Je continue ma promenade, direction le centre-ville. En marchant, j'apprends à apprécier cette sensation d'être dans une foule parlant une langue dont tu ne piges pas le moindre mot. J'aime bien ne pas comprendre ce qu'il se dit je crois, alors avec le sourire, je me dirige vers un parc. Il est grand, il est beau, il respire tout le sens du goût autrichien, et à l'intérieur, il y a un asiatique bizarre, la gueule complétement bousillée, qui fait les cent pas.

Léo m'appelle. Il a fini sa sieste, et veut qu'on se rejoigne. Comme on est en Autriche, on se doit d'être badass, alors je lui donne rendez-vous devant le palais de Sisi l'impératrice. Je déambule dans la ville, direction le palais, et petit à petit, la ville se transforme en quartier noble, avec des bâtiments blancs majestueux, te rappelant ton statut de petit homme, et on commence à voir des vieilles voitures tirées par des chevaux.

J'arrive au palais, et après vingt minutes de contemplation ébaubie, Léo arrive. On se balade un peu dans la cour du palais, je donne un petit cours d'histoire à Léo qui ne connait pas Sisi, et il rage que je lui dise que ce n'est qu'un inculte. On continue notre voyage dans la vieille ville, et on s'arrête dans un petit restaurant typique, dont le serveur était aimable comme un pare-brise.

Après ça, on continue la balade. Un autrichien bizarre nous vend des tickets pour un concert de musique classique ce soir, et comme c'est un attrape-touriste, on s'dit qu'on se doit de le faire.

Après ça, on fait un musée sur Beethoven. A l'intérieur, une mère française engueule son gamin pour je ne sais quel motif, des Coréens font des selfies dans tous les sens, le gardien nous prend pour des ritals, et on apprend deux-trois choses sur la vie de Beethoven.

Après ça, on a quelques à tuer avant le concert, alors on se dit d'aller boire une pinte. Léo cherche sur Internet, et trouve l'adresse d'un piano-bar au doux nom de "La Bonbonnerie". En bon jazz-man, il veut y aller, et l'idée est non négociable. Arrivés devant ; la désilusion fut totale. Le piano-bar ressemblait plus à un bar échangiste qu'autre chose, et ses prix étaient bien au dessus de nos moyens d'apprenti-artistes. On cherche encore, et on s'arrête dans un pub Irlandais rempli de blagues sur la bière, et on se jette une pinte avant d'aller au concert.

La salle se trouve devant le musée Beethoven, et on commence à faire la queue, dans laquelle se trouvent des français, des espagnols, des ritals, des asiatiques, mais très peu d'autrichiens, ce qui certifie que nous sommes bien dans un attrape-touriste.

L'ouvreur nous place, les musiciens arrivent, et nous voilà partis pour deux heures de Mozart et Strauss. Léo m'explique les détails de chaque instrument, mais rien ne s'imprime dans mon cerveau, alors j'apprécie sans comprendre. Y'a un espèce de flutiste qu'a une tête de victime du collège, un espèce de violoniste très sérieux, une autre violoniste dont les sourires se comptaient sur les doigts d'une main, un autre beau-gosse qui faisait limite des clins d'oeil aux nanas de la salle, un contrebassiste gros à l'air de simple bassiste, une pianiste trop joviale pour pas être droguée, deux danseurs dont les discours étaient aussi faux qu'un discours de Macron, deux chanteurs d'opéra aux gueules de psychopathes, et un chef d'orchestre, violoniste aussi, à la tête de Youtubeur qui va te faire un tuto. Bref, cette équipe de choc est mortel, et le concert passe tout seul, tellement il était cool.

Après ça, on se fait Vienne by night, à la recherche d'un bar où potentiellement la fête battrait son plein. Au bout de trente minutes de balade, on trouve un rad pas trop craignos, avec de la musique cool, mais où l'ambiance est pas trop folichonne non plus.

Autour d'une bière, on discute de la France et de ses problèmes, et là un mec nous aborde, nous disant "Faites gaffe à ce que vous dîtes, car je comprends tout". On lui tape la causette, et le mec s'avère être un Autrichien dont les parents sont français, et lui ont enseignés la langue. Tout content, on fait connaissance avec ce dénommé Daniel, et il nous paye une tournée de shots. Un peu plus loin, une meuf tend son verre vers nous en beuglant "Santé !" On lève nos verres en sa direction, et elle nous explique qu'elle est née en Alsace, et parle aussi franças. La picole aidant, on fait connaissance avec cette blonde à l'air jovial et blasé à la fois portant le prénom d'Alicia. Ils ont un autre pote, un grand mec, nommé Marcel, mais qui, ironie du sort, ne parle pas un mot de français. On picole encore, et là les souvenirs deviennent flous.

On a tapé un baby-foot, Alicia m'a fait goûté une boisson bizarre composée de vin blanc coupé à l'eau gazeuse, puis autour d'une clope, elle me dit qu'elle va bouger à un autre bar.

On la suit, déjà saouls mais prêts à l'être encore plus, suivis de Daniel. Je bouffe du pain à moitié sec qui trainait dans mon sac pour éviter de gerber comme un con, et ce faisant on discute de choses et d'autres sur le chemin. A un moment, Alicia nous arrête brutalement, pointe du doigt un bar à la décoration bien trop violette, et dans un cri aux allures satanistes ordonne à notre bande d'y entrer. Intrigués, on y entre, et on se rend compte que c'est dans un bar gay qu'elle nous a emmené. L'Alsacienne va au comptoir, commande des shots, et en donne un à tout le monde. "Mais c'est un bar gay ?" je lui demande, et après avoir gobé sa liqueur, elle acquiesce, en précisant "Comme ça tu pourras dire que tu es allé dans un bar gay à Vienne ! C'est important !". Je me dis qu'elle a pas tort, avale mon shot, puis on continue de la suivre jusqu'à son fameux bar.

On arrive quelques minutes plus tard. C'est petit, sympa, mignon, avec la musique un peu forte. Léo paye une tournée de shots, Alicia, prenant peut-être ça comme un défi, en repaye deux, puis chacun se reprend une pinte. A partir de ce moment, il fallait s'en douter, je ne me souviens plus de tout, si ce n'est que j'ai croisé un vieil Autrichien qui m'a fait écouter du Reggaeton allemand, d'un dénommé Marius qui s'amusait à nous crier "Baguette", "Fromage" et "Vache qui rit", et d'Alicia, qui connaissant tout le bar et ses habitués, ne restait jamais plus de deux minutes à la même place. J'ai une vague interaction sociale qui me revient en tête, alors que je descendais aux chiottes. Un mec pissait dans le lavabo, alors je lui dis en allemand que c'est dégueulasse, et il m'explique que c'est moi qui suis con, car c'est pas un lavabo, mais un petit urinoir. Je le crois moyen, et alors que j'essaie d'aligner des phrases en anglais, il se permet de me reprendre sur mon anglais, me disant que je devrais rentrer chez moi pour réviser et apprendre à quoi ressemble des chiottes. Je ne sais plus, par contre, comment cet échange s'est terminé.

Ce qui est sûr, c'est qu'on a bu jusqu'à plus soif, jusqu'à ce que Léo décide de rentrer. Je le suis, et on fait des bisous à tout le monde, se jurant qu'on se renverrait avant qu'on retourne en France. Alicia nous a dit que si jamais on revenait à Vienne, elle avait de la place pour nous héberger, et Daniel nous a donné rendez-vous le jeudi soir au bar où on s'est rencontré.

Après avoir expliqué à Marius comment on se dit au revoir en France, on est partis, complétement pétés. Pour éponger, on a pris des frites, et un hot-dog bien trop gras pour la situation, et on est retourné à l'auberge.

Dans notre chambre, des gens dormaient, et je crois qu'on les a un peu réveillés. Il était trois heures du matin, et après m'être écroulé dans mon lit, je n'ai pu penser que deux minutes à si cet allemand des toilettes avait raison ou pas, avant de succomber à la fatigue.

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