Rêve Un

16 minutes de lecture

Bonjour, bonjour. Dans ce recueil, je compte mettre tous les textes que j'écris en parallèle de mon histoire principale. Certains seront courts alors que d'autres, comme celui-ci, absolument pas. En parlant de ce texte... En fait, il provient d'un rêve (d'où son titre) mais j'ai coupé certaines parties et développé la scène afin de la mener où je le voulais. C'est un passage assez triste, je trouve. Il traite de sujets sensibles qui touchent de nombreuses personnes (principalement de troubles alimentaires). Si vous n'êtes pas à l'aise avec ou que cela vous touche trop, ne lisez pas pour votre bien. J'ai hésité à le préciser pour ne pas spoiler mais j'ai jugé plus important que vous soyez prévenu...

Donc voilà. Je ne sais plus trop quoi ajouter. Si, je voulais vous prévenir qu'il n'y aurait pas un rythme de publication régulier. Et bien sûr, j'attends de connaître vos avis quant à ce que j'écris.

Bonne lecture !

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Je l'enlace doucement par derrière mais je la sens se tendre. Posant mon menton sur son épaule, je lui demande :

— Qu'est-ce qu'il y a ? Ça ne va pas ?

Elle repousse mes bras de son corps, sans brusquerie. Cependant, je ressens son irritation grandissante. Ma main gauche se saisit de la droite et commence à la malmener, pinçant, griffant la peau. J’ai peur de ce qui peut être en train de se passer.

— C'est parce que je t'ai fait faux bond la dernière fois ?

J'entends un soupir agacé mais aussi déçu franchir la barrière de ses lèvres.

— Non, ce n'est pas ça... Enfin, si mais pas seulement.

Je m'assois face à elle sur son matelas tout en tentant de retenir son regard, en vain. Elle le détourne sans cesse, le posant partout sauf sur ma personne. Je comprends que cela ai pu la blesser mais je ne vois pas ce qu’il pourrait y avoir d’autre. Mes ongles s’acharnent de plus belle sur ma peau et laissent des marques rouges sur elle. Rien à faire, cette fois cela ne diminue pas la pression que je ressens.

— Tu te rends compte que je t’ai attendue la moitié de la journée ? Commence-t-elle. Pendant des heures. Je recevais tes messages qui me disaient que tu aurais du retard. Encore et encore. Je continuais d’espérer, de guetter ton retour à la fenêtre. Mais tu n’arrivais pas. J’ai patienté jusqu’à dix-huit heures puis je suis rentrée chez moi… Est-ce que tu imagines à quel point j’ai été déçue ?

J’ouvre la bouche pour répondre et tenter de me justifier mais elle continue sur sa lancée, l’emportement la gagnant.

— Je t’attendais pendant que tu te distrayais , que tu faisais les boutiques ou je ne sais quoi. A part tes messages, je savais que tu ne pensais pas réellement à moi, trop occupée à t’amuser. Et ça fait mal. Vraiment, finit-elle, la souffrance perçant dans sa voix. Je comptais sur toi. Déjà qu’on se voit peu…

— Écoute, tu sais que je suis désolée, je te l’ai déjà dit et je te le redirai autant de fois que tu le veux, déclaré-je en essayant de river mes yeux aux siens pour que mes excuses lui parviennent aussi puissamment que je les pense. Mais il faut que tu comprennes que je n’y pouvais rien… Ce sont mes parents qui m’ont forcée à aller là-bas. Je ne voulais pas, je n’y ai pris aucun plaisir, je t’assure. J’ai eu beau les supplier, ils me répondaient que nous n’étions pas pressés et que dans le pire des cas, je pourrais te voir un autre jour. J’ai énormément culpabilisé, d’autant plus que cette journée était un enfer…

Elle lâche un ricanement et s’adosse à sa tête de lit.

— S’il te plaît, ne me fais pas croire que c’était horrible, on sait toutes les deux que ce n’était pas le cas.

— Bien sûr que si ! Je m’exclame.

— Alors, vas-y, dis-moi en quoi ça l’était.

Je mords nerveusement ma lèvre. C’est à mon tour d’éviter ses yeux qui me scrutent tandis que la réponse franchit mes lèvres. Je sais d’avance que ça ne lui plaira pas, comme cela aurait été le cas pour n’importe qui à sa place

— Tu comprendrais pas.

Ses bras se lèvent dans un geste exaspéré.

— A t’écouter je ne comprendrais jamais rien. Tu ne me dis plus quoi que ce soit sur toi de toute façon. C’est ça le principal problème. Quand on se voit, la seule qui parle de sa vie, de ses problèmes, c’est moi. Tu te contentes d’éléments banals quand le sujet te concerne. Je ne peux m^me pas savoir comment tu vas réellement. J’ai l’impression de ne plus réellement te connaître alors que tu es censée être ma meilleure amie. Tu trouves ça normal, peut-être ?

— Non, mais-

— C’est bien ce que je me disais, lâche-t-elle enfin, sûrement déçue de mon comportement.

Déçue de moi. Et elle a raison de l’être. En fait, elle a raison sur quasiment tout. Je ferme les yeux, tâchant de me fermer à cette intense douleur qui monte, monte et menace d’exploser. Elle risquerait de retomber sur la mauvaise personne, à savoir mon amie de toujours. Je voudrais continuer de la protéger comme j’ai essayé de le faire jusqu’à ce jour. Néanmoins, il paraît évident que la vérité finira par éclater, qu’importe tout le mal que j’ai eu pour la lui dissimuler. Et cette vérité est sur le point d’être exposée au grand jour plus violemment que jamais, je le pressens.

Ce sont les larmes qui viennent en premier. Les sillons prennent place silencieusement le long de mes joues. Je ne fais rien pour les essuyer. Lorsqu’elle me regarde de nouveau après avoir lâché un soupir afin de faire redescendre son énervement, je vois ses yeux s’écarquiller.

— Eh… Me chuchote-t-elle en s’approchant de moi. Je suis désolée, je ne voulais pas m’énerver contre toi à ce point, c’était peut-être excessif.

— Non, tu as seulement dit ce que tu penses, la corrigé-je en secouant la tête. Et tu étais dans le vrai. Mais pas sur le fait que je me suis amusée vendredi dernier, c’était… tellement compliqué. Je… Je suis sûre que tu vas me prendre pour une malade.

— Pourquoi je penserai ça de toi ?

— Parce que…

Je m’interromps pour chercher mes mots puis me décide finalement à tout lâcher. Peu importe les conséquences que ces paroles auront. De toute façon, si je dois la perdre, je la perdrais. Même si je la dégoûte, au moins tout sera dit. Je déballe alors tout ce qui me passe par l’esprit. Les mots que je prononce me blessent autant que ce qu’ils désignent de mon quotidien.

— Parce que ce jour-là, je l’ai passé à éviter tous les stands de nourriture vers lesquels se dirigeaient mes parents. J’ai évité chacun des échantillons de friandises que le personnel du parc me proposait. Et le pire, c’est la raison qui me poussait à le faire. Leur simple vision me faisait horreur et l’idée même que ces choses entrent dans mon corps me donnait la nausée. C’est toujours le cas, en fait.

Elle va pour m’arrêter sur ma lancée mais je fais un signe de la main pour qu’elle me laisse poursuivre. Si je ne le fais pas maintenant, je n’aurais pas le courage d’en reparler. Mes yeux se posent partout excepté sur les siens qui commencent à se remplir de larmes.

— J’arrive plus à me regarder dans le miroir sans vouloir sortir de ce corps ou le lacérer de part en part. Ça peut paraître extrême mais c’est vraiment ce que je ressens. Quand je suis forcée de manger, c’est comme si… j’allais exploser ou me noyer dans tout ce qui se fraie un chemin en moi. Je ne me supporte plus. Je ne sais même pas exactement quand tout ça a commencé. J’étais tellement mal vis à vis de mon corps depuis des années, je voulais juste y remédier un peu, tu vois. Perdre quelques kilos en faisant du sport et en diminuant les quantités de nourriture. Mais… Après, elle est devenue mon ennemi. J’ai l’impression que si je mange, c’est la fin du monde, que je vais grossir tant et tant que je vais éclater. Ça me fait si peur, avoué-je finalement tandis que les larmes continuent de couler. Je pensais tout contrôler mais ma famille s’est mis à aller à l’encontre de tout ça, ils croient que je suis folle, que je cherche juste à me détruire, sangloté-je. Mais c’est faux. C’est faux…

N’est-ce pas ? Elle me prend dans ses bras. Si je me tends en premier lieu, la pression se relâche rapidement et je pleure sans retenue. Je ne pensais pas être capable de lui dire tout ce qui me tourmentait depuis des mois. Dans un sens, ça me soulage un peu mais j’appréhende également sa réaction car elle n’a encore rien dit concernant mes révélations. Nous restons ainsi quelques instants puis elle s’écarte lentement pour river ses yeux aux miens. Je déglutis. Mes joues me tirent à cause de toutes les larmes que j’ai versées.

— Pardon. Pardon de ne pas l’avoir vu, de ne pas t’avoir épaulée tout ce temps. Tu aurais dû me parler de ce qui te préoccupais à ce point parce que tu t’es fait du mal en le gardant pour toi. Je sais que ce n’est jamais facile de parler de ces choses-là mais c’est le seul moyen pour t’en sortir, c’est trop compliqué de le faire seule tu le vois bien. Ça te bouffe juste de l’intérieur et ça dicte tes actions.

— J’y arrive pas. J’y arrive pas, dis-je en secouant la tête. On va me mettre dans un hôpital psychiatrique, c’est sûr. Je veux pas. Si tu savais comme je voudrais revenir en arrière. Tout t’avouer dès le début, arrêter de me cacher. Mais c’est trop tard. C’est trop tard. Je dois tellement te dégoûter parce qu’avec ce que je t’ai dit, tu dois penser que je suis trop mince mais c’est tout le contraire… Je suis toujours aussi grosse qu’avant, avoué-je dans un souffle tremblant.

Mes bras entourent mon corps et mes ongles se plantent dans ma peau, par-dessus mes côtes. Je les sens mais je sais bien que ce n’est pas assez. On ne les vois presque pas à cause de toute la graisse dont mon corps est constitué. Les mains de ma meilleure amie écartent les miennes de ma peau, cherchant à m’empêcher de me blesser davantage.

— Arrête de faire ça ! Arrête ! Me somme-t-elle. T’es tout sauf grosse et il faut que tu en prennes conscience.

Bien sûr que si. Les pensées continuent de se dérouler dans mon esprit, toutes plus dévalorisantes les unes que les autres. Mais je sais qu’elles sont vraies.

— A quoi tu penses en ce moment ? Me demande-t-elle avec une pointe d’appréhension dans la voix.

— Tu n’aimerais pas savoir, réponds-je spontanément.

— C’est ce dont je me doutais…

Elle se passe une main dans les cheveux puis se lève d’un bond et m’entraîne à sa suite par le poignet. Je me laisse faire, ne comprenant pas ce qu’elle a en tête. Nous montons les deux étages de sa maison. Arrivées aux dernières marches, la lumière se fait dans mon esprit. Non ! Elle ne peut pas me faire ça. Avant que j’ai pu me détacher de sa poigne pour me réfugier dans sa chambre, elle nous fait entrer dans la salle de bain et ferme la porte à clef. Elle me pousse fermement pour que je me retrouve face au miroir. Je ferme les yeux de toutes mes forces et sanglote de plus belle. Je ne veux plus voir mon reflet, ça me fait tellement de mal. De toute façon, je n’en ai pas besoin pour me représenter mentalement mon apparence. Je ne comprends pas que, malgré tous mes efforts, mon corps reste aussi laid qu’avant, voire même plus. J’ai l’impression d’être chaque jour plus boudinée que la veille. Chaque jour plus difforme. Plus détestable. Et ça me tue. J’aimerais faire cesser cette torture. Parfois, je voudrais juste mourir. Peu importe que ce soit dans la douleur ou non. Que ce soit de ma propre initiative ou sous l’effet d’un élément extérieur. Juste arrêter de souffrir sous les assauts de mon corps et de mes pensées. Je n’en peux plus.

Je sens ma meilleure amie se placer derrière moi , ses mains sur mes avants-bras. Quand je pense à ce qui se trouve sous ses paumes et dont je ne lui ai pas parlé, la culpabilité ainsi que la panique m’envahissent. J’ai peur qu’elle découvre à quel point je suis cinglée. Je ne veux pas qu’elle m’abandonne. Même si je ne le lui dis pas, j’ai besoin d’elle. Elle ne peut pas savoir combien je la remercie d’être là et de me détourner de ce qui menace chaque fois de me noyer, sans même qu’elle en ai conscience, je trouve un véritable soutien en elle. Ses doigts se déplacent jusqu’à une zone plus sûre, mes propres doigts, et se glissent entre eux pour les serrer avec tendresse. Cela m’apporte du réconfort. Elle approche ses lèvres de mon oreille que son souffle chatouille.

— Ouvre les yeux. Je sais que ce n’est pas facile mais tu dois le faire. Tu as besoin d’ouvrir les yeux pour avancer.

Je secoue la tête telle une enfant butée.

— Tu sais pas à quel point c’est dur, dis-je, des larmes plein les joues. Tu vois pas ce que je vois à chaque fois que je me regarde.

— Tu as raison mais c’est parce que ton miroir te renvoie une image totalement faussée de ta personne. Tu dois en prendre conscience pour pouvoir te voir telle que tu es.

Elle ressert sa prise sur mes doigts.

— Allez, ouvre-les.

Je me mords la lèvre violemment. Si elle le dit, c’est que je dois le faire. C’est pour moi. Pour mon bien. Alors je les ouvre. J’attends quelques secondes puis je pose mes yeux sur le reflet devant moi. Il n’a pas changé depuis ce matin. Il me renvoie toujours l’image d’une fille laide avec des cuisses trop imposantes, un ventre gras qui déborde sûrement sous son haut et avec une poitrine presque inexistante. Devoir affronter la vision de ce corps encore une fois me fait grimacer.

— Comment tu te vois ? Comme d’habitude ? Demande ma meilleure amie d’une voix d’où perce la tristesse.

— Oui.

Je ne réponds rien d’autre. Il n’y a pas besoin de plus de mots. Le silence s’installe pendant quelques minutes durant lesquelles elle semble réfléchir. Elle ne cesse de me jeter des coups d’œil en se mordillant la lèvre. Elle souffle finalement, paraissant sûre de son raisonnement même si une étincelle d’appréhension a pris place dans ses prunelles.

— Je pense… Je pense que tu devrais te déshabiller. Ça pourrait t’aider, reprend-elle rapidement en apercevant mon expression choquée. Je voudrais essayer quelque chose pour que tu essaies de te voir différemment. Mais c’est toi qui décide.

— Ça va seulement te dégoûter de moi, soufflé-je.

— Non ! S’indigne-t-elle. Comment est-ce que je pourrais l’être ?

— Je sais pas. J’en ai aucune idée, avoué-je, mais j’ai cette peur qui me bouffe. La peur de te perdre.

Ses pouces caressent mes paumes.

— Jamais. Je ne te laisserais jamais et tu ne me perdras jamais. Je te le promets.

Je souffle, quelque peu rassurée par ses paroles même si, au fond, je le savais déjà. Des incertitudes comme celle-ci me remettent sans cesse en question. Je fixe mes yeux à travers le miroir. J’ai pris ma décision.

,— Je… Je vais le faire, déclaré-je sans tenir compte de ce qu’elle risque de découvrir quand mes vêtements seront tombés.

Un petit sourire illumine son visage et sa lumière vient chasser une part des ténèbres qui me tiennent prisonnière. Elle se recule, lâchant mes mains, pour me laisser de l’espace. A la pensée de ce que je m’apprête à faire, je sens les larmes me monter aux yeux et la panique me gagner. Cependant, je refoule ces sensations et ne me défile pas. Je dois être forte. Alors, j’enlève d’abord mon haut que je jette au sol. Mon pantalon le rejoint peu après. Je serre mes bras autour de moi, autant pour dissimuler ce qui s’y trouve que pour les empêcher de trembler. En sous-vêtements, je n’ose pas lever les yeux pour m’affronter. Il me faut encore quelques secondes de répit.

Mon amie se rapproche et me serre un moment contre elle. Prenant de nouveau mes mains dans les siennes, elle prend une grande inspiration comme si elle voulait aussi se donner du courage.

— Tu as confiance en moi ?

Je hoche la tête positivement. Toujours.

— Ferme les yeux et laisse-moi te guider.

J’obtempère mais j’appréhende énormément ce qui va suivre. Ses mains mènent les miennes jusqu’à mes épaules. Je sens mes doigts effleurer mes clavicules, la fine peau qui recouvre l’os. Elle me fait passer plusieurs fois dessus avant de les délaisser pour descendre au niveau de mes côtes. Mes joues chauffent violemment lorsque nos mains touchent mon soutien-gorge. J’ai beau ne plus rien avoir à faire de mon corps, je reste extrêmement pudique. En plus de cela, personne ne m’a encore touchée comme elle le fait, même si je sais qu’il n’y aucune ambiguïté entre nous. Je ne peux m’empêcher de sursauter quand nous arrivons à mes côtes. Je serre les paupières d’autant plus fort. Elle va découvrir toute la graisse que je stocke ici. Nos doigts entremêlés commencent à délimiter chaque côte et je suis choquée de ne sentir que ça. Mais où est tout le reste ? Tout ce que je cherche quotidiennement à faire disparaître ? Pour descendre jusqu’à mon ventre, nous devons passer un creux. Tout le long de la manœuvre, je m’attends à tomber sur un énorme gonflement mais seul le plat m’accueille. Tandis que je tâtonne à la recherche de ce ballonnement, mon ami suit mes mouvements comme si nous n’étions qu’une seule entité. Il n’y a rien ! Rien que de la peau.

Mes sourcils se froncent. Comment mon corps a-t-il autant pu changer depuis la dernière fois que je me suis regardée dans le miroir ? Étaient-ce mes yeux qui me trompaient ? Ce n’est tout simplement pas possible.

Avec empressement et sans plus faire attention aux marques de mes avants-bras, j’inverse les rôles et guide les mains de ma meilleure amie vers mes cuisses. Elle lâche un hoquet de surprise, ne s’attendant visiblement pas à ce revirement de situation. J’ai des difficultés à essayer de pincer ce membre. C’est comme… comme si il n’y avait plus rien de superflu. Cette nouvelle perception de mon corps me trouble à un point inimaginable. Délaissant ses mains, j’ouvre enfin les yeux mais ne les dirige pas vers le miroir. Je regarde directement mon corps. Ce à quoi je fais face me rempli autant de ravissement que d’horreur. Je ne suis plus boudinée ! J’ai même l’impression qu’il ne subsiste aucun gramme de graisse en moi. Et c’est cette dernière information qui m’alarme. Mon corps se trouve au-delà de ce fait, il paraît même… Maigre. La peau semble épouser les contours de mes os quelle que soit la partie que j’observe. Je me rends alors compte qu’elle a raison. Je suis allée trop loin. J’ai dépassé les limites.

Comment est-ce que j’ai pu tomber aussi bas ? Au fond de moi, je connais déjà la réponse à cette question. J’étais persuadée de tout contrôler. Je pensais que cela allait me permettre d’aller mieux, de me sentir mieux dans ma peau. Sauf que j’ai eu tout faux. Je suis simplement en train de me perdre. Voire même de me tuer. Rien d’autre.

Je me retourne pour prendre ma meilleure amie dans mes bras alors que mes yeux s'embuent de nouveau à cette prise de conscience. Elle me rend mon étreinte. Cachant mon visage dans son épaule, je laisse libre court à mes larmes. Je n'aurais jamais dû. J'ai été victime d'une illusion créée par mon propre esprit et en voilà le résultat aujourd'hui.

— Je m'excuse... Si tu savais comme je m'en veux d'en être arrivée jusque là. Je sais pas ce qui m'a pris. J'étais... Je voulais juste... En fait, j'en ai strictement aucune idée. Je suis complètement perdue. Je...

Mon corps se met à trembler. Quand elle s'en rend compte, elle se détache de moi pour prendre un linge de toilette et m'enrouler dedans. Un rire s'échappe de mes lèvres face au ridicule de la situation, bientôt rejoint par le sien. Il faut que l'on soit tombées bien bas pour trouver cela drôle. Et pourtant, ça fait du bien. Rire permet de relâcher la tension qui m'habite et c'est sûrement aussi le cas pour elle.

Son expression redevient soudainement sérieuse.

— Je pense... Je pense que tu devrais aller voir un professionnel.

Je suis sur le point de protester que maintenant tout ira bien mais elle m'en empêche.

— Ça ne va pas s'arrêter du jour au lendemain. Même si tu as pris conscience du problème, tes habitudes et tes pensées tenteront sans cesse de te rattraper. Tu as besoin de quelqu'un de compétent pour t'épauler et t'aider à sortir de là.

Au fond, je partage son avis. Je risque de replonger aussitôt la tête hors de l’eau si je n’ai pas le soutien et les conseils d’un professionnel, de quelqu’un qui s’y connaît. Et c’est tout ce que je ne veux pas. Avant ce jour, j’étais la seule que cela détruisait. Maintenant… Maintenant, elle est au courant et je ne peux pas me permettre de lui faire du mal en m’en faisant. C’est hors de question.

Par dessous la serviette, je caresse du doigt les cicatrices qui jalonnent mon avant-bras gauche. Je ne lui en parlerais pas. Inutile de la faire souffrir davantage avec mes bêtises. Par contre, il faut vraiment que j’arrête. Je ne peux plus continuer de me blesser comme je le fais depuis des mois. Ce n’est pas sain.

Je me tourne afin de fixer mon reflet dans le miroir. Je me redresse. Je dois être forte. Pour elle. Mais surtout pour moi.

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