Chapitre 1 (Situation initiale)

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L’incident se produisit un jour de printemps ensoleillé, dans une petite ville de campagne française. Ce jour-là, les oiseaux chantaient, la plupart des arbres avaient échangés leurs fleurs pour des fruits. Le vent léger venait fouetter le visage des passants de son souffle frais, ébouriffant leurs cheveux.

Dans cette ville de cinq cents habitants, vivait une vieille dame qui recevait la visite de son petit-fils une fois par semaine. Aujourd’hui, elle venait de finir de coudre une commande très spéciale pour celui-ci, l’homme venait récupérer un masque. Mais pas n’importe quel type de masque. Il s’agissait, d’un masque en tissu qui recouvrait la totalité de son visage, laissant des trous au niveau de la bouche, des narines et des yeux. Son masque avait un motif original, il avait le visage du personnage principal d’un dessin animé pour enfant, Thomas, le petit train. L’homme enfila le masque en passant l’élastique autour de sa tête, laissant un visage perplexe à sa mamie. Il l’ajusta pour pouvoir mieux voir. Le masque lui donnait une allure amusante, car son corps le revêtait d’habits élégants. Un long manteau couleur châtaigne venait couvrir un col roulé noir rentré dans son pantalon. Des chaussures marrons et un pantalon gris foncé. Il tenait dans sa main une canne et remis sa casquette gavroche. Sa grand-mère le regardait avec beaucoup de tristesse. C’est elle qui avait dû lui prêter de l’argent pour qu’il puisse s’habiller ainsi. Elle était triste qu’il s’endimanche avec un masque aussi ridicule mais elle ne pouvait rien y faire, elle aimait son petit-fils peu importe ce qu’il faisait.

— Tu es sûr de toi, mon petit Gérôme, lui demanda la vieille dame d’une voix faible mais tendre.

— Oui, il est parfait pour le thème du festival. Merci mamie.

Il embrassa sa grand-mère sur le front et il sortit de la maison. La vieille dame savait avec pertinence, qu’il n’y avait pas de festival ce jour-ci, mais elle ne le questionna pas. L’homme avait des raisons d’agir ainsi. Il était mal et aussi loin qu’elle le chérissait son état la perturbait. Elle avait bien essayé de le faire consulter un psychologue, mais son petit-fils adoré, était ressorti, la queue entre les jambes et un regard de chien battu. L’homme avait couru aussi vite qu’il avait pu, se réfugiant chez elle, dans la chambre qu’elle lui prêtait, le temps qu’il trouve un nouvel emploi et qu’il puisse vivre, dans un environnement confortable. Elle avait été heureuse en apprenant que son petit-fils allait vivre chez elle. Elle se sentait seule dans son château isolé, dans un petit village. Les villageois la snobaient car c’était une riche parisienne qui avait souhaité retourner dans son village natal. Les animaux l’évitaient. Seul un chat lui tenait compagnie, les jours de neige où elle ne pouvait pas sortir faire ses courses par peur de tomber, il était là.

Avant de sortir, l’homme lui fit un signe de la main. Du haut de ses 1m90, il avait attrapé la poignée de porte du couloir et avait descendu les trois petites marches du perron. Il avait traversé le bois pour accéder à la petite porte qui menait sur un petit jardin fleuri. Après avoir traversé ce jardin, longé le lac, l’homme actionna un levier près des remparts du domaine. Ainsi, le portail s’ouvrit laissant place à une route de terre et de boue. La petite route l’emmena vers un plus petit chemin. En suivant les quelques indications, qu’il connaissait déjà par cœur, il savait qu’il atterrirait au centre-ville. La première chose qui lui fit savoir qu’il était au centre-ville, fut l’odeur du marché. La multitude de saveurs venait titiller ses narines, ce qui le fit frissonner.

Gérôme, marchait toujours. Il voulut reculer. Ce n’était pas trop tard pour reculer. Autour de son cou pendouillait un appareil photo. Dans son dos, se mouvait une grande housse. Peut-être s’agissait-il d’un basson ou d’un étui d’un autre instrument de musique ? Ou s’agissait-il d’un télescope ? Ou encore devait-on voir là, la protection d’un fusil nous disant qu’il allait à la chasse ? Les passants le voyaient bien, cet être au masque étrange n’allaient pas chasser, du moins pas un animal.

Il était désormais dans la rue piétonne, là, où, se tenait le marché du mercredi. En cette matinée de printemps, l’homme était fatigué. Sa nuit avait été agitée. Il repensait à ce jour noir où, il avait trouvé ses parents allongés dans le salon. Ses mains étaient baignées de sang. La sensation du liquide sur ses paumes l’avait gardé éveillé. Il sentait à nouveau la chaleur du stress remplir sa gorge. Son ventre devint douloureux. Il s’arrêta en sentant que toutes ses pensées mettaient son cerveau en ébullition, tel une bouilloire prête à exploser.

— Respire, respire, se répéta-t-il.

Il souffla avec longueur, en espérant que la panique s’évaporerait. Il bougeait sa tête de droite à gauche pour faire craquer ses articulations. Il souffla à nouveau. Sa main droite se crispait sur sa canne tandis que celle de gauche resserrait son emprise sur la bretelle de l’étui. Son pas était encore lent mais son objectif se rapprochait : la place de la mairie.

Le marché local était coloré. Des épices sur un étalage, de la charcuterie de l’autre, du champagne, du vin, du poisson, des gâteaux, des crêpes et même une petite installation pour un bar. A travers toutes ces couleurs, l’homme sentait des arômes de fruits, de grillades… Le marché de ce village était organisé par le maire, lui-même, qui se déplaçait pour faire ses provisions. L’homme le savait, c’est pour cela que ce jour du marché était le moment rêvé de mettre son plan à exécution. Une bousculade le fit sortir de ses pensées qui avaient repris le dessus. Il recula. Son pied s’emmêla dans un câble, placé là pour le stand de grillades et raclette. Un gros câble noir telle une énorme vipère, qui aurait décidé, à ce moment précis de le faire tomber. Au moment où, il atteignait son but. Il grognait entre ses dents. Tâtant de ses mains le sol de pierre. En effet, sous le coup de la chute, son masque s’était déplacé, cachant ses yeux. Son but actuel était de sortir de la foule indemne. Tâche qui s’avérait plus difficile qu’il ne le pensait car la foule continuait à s’attrouper pour venir presque lui écraser la main. Il la souleva au dernier instant, réussissant avec difficulté à replacer le morceau de tissue aux endroits appropriés.

Sa panique ne s’arrêta pas pour autant. L’homme tâtonnait toujours pour trouver la sortie. Il se concentra, entendant les plaintes imbéciles des clients qui attendaient leurs assiettes de délectations.

— Tout va bien, monsieur ? lui demanda un monsieur en tendant son bras vers lui.

— Non ! Ça se voit ! Je ne suis pas bien ! Répond l'homme énervé. Pourquoi est-ce que je me sentirais bien quand ce monde est pourri ? Une plainte par-ci, un pied par-là et je ne vois rien il fait tout noir.

Gérôme eu de plus en plus de mal à respirer. Son pouls s’accélérait, il le sentait. Ça recommençait. Il se donnait cinq minutes pour se relever avant l’arrivée des pompiers. La première minute, il tenta de se relever en s’agrippant au bas des personnes qui l’entourait, manquant de dévoiler des sous-vêtements au passage. Dans la deuxième minute, il poussait sur ses mains pour venir s’étaler comme quelqu’un de bourré, sur le sol dur. Dans la troisième minute, il refusa d'un geste catégorique, l’aide de l’homme face à lui qui voulait le soulever et l’emmener dans un coin plus tranquille. Dans la quatrième minute, il accepta un petit coup de main, en plus d’attraper comme il le pouvait, la devanture des magasins l’entourant. Ensuite, pendant la cinquième minute, il avança jusqu’à la place de la mairie, n’oubliant pas de remercier l’aide de l’autre homme.

Il s’assit sur un banc prêt de la mairie. Il posa son étui pour le déballer. Il en sortit un trépied sur lequel il déposa sa caméra. Finissant les quelques ajustements avec une concentration si intense qu’il n’aurait pas remarqués si une personne avait collé une affiche sur son dos. Ce qui n’était bien sûre pas le cas, du moins c’est que vous croyez, mais une bande de collégiens qui passait par là, en sortant du bus, avait eu cette idée. Ils avaient gaspillé une précieuse feuille de papier, en écrivant le mot, LOOSER, en lettres capitales et en avaient ris. L’un d’entre eux avait même dessiné une crotte, pour exprimer tout son talent artistique, en pensant aux détails des mouches. La touche finale avait été rajoutée par une plus jeune collégienne, la seule à se sentir mal, lorsque tous les autres avaient tourné le dos, elle avait mis un petit cœur à côté de trois minuscules lettres au stylo bleu clair : dsl.

Ainsi, une autre humiliation s’ajoutait à la liste de l’homme qui ne s’était pas retourné au sacre de son humble dos, sans pour autant, ne pas ressentir un drôle de frisson. Sa caméra était presque installée et le premier acte de sa vengeance venait de commencer.

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