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—Assis-toi ! lança-t-il d’une voix grave et puissante.

Il la contemplait avec une rare intensité, presque malsaine. Torse nu, il tournait autour d’elle en tenant une lanière de cuir entre ses mains puissantes, viriles.

—Tu vas enlever le haut, lentement, délicatement, ordonna-t-il en donnant un petit coup de lanière sur la jeune femme de cuir vêtue.

La chambre était à peine éclairée, il était difficile de distinguer quelque chose. Il n’y avait que pour seule lumière un néon rouge sombre dans un angle de mur. On pouvait à deviner un lit à baldaquin dans le coin de la pièce. Une musique dans le style baroque résonnait dans la petite chambre. La jeune femme sur le sol s’exécutait tout en regardant son partenaire. Son regard était à la fois tendre, excité et charmeur. La jeune femme devait avoir une vingtaine d’années. Sa peau était pâle, délicate.

—Tu es magnifique, tu ne dois pas avoir honte de ton corps, montre-le ! lança l’homme avec force et conviction. Tu sais ce que l’on a dit, si tu dis le mot d’alerte on arrête tout.

—Je sais ! Je te veux tout de suite, annonça la jeune femme d’une voix fébrile et excitée.

Son partenaire profitait du spectacle, il avait une vue parfaite sur tout son corps nu, sur chaque partie dont il pouvait disposer comme bon lui semblait.

—Que veux-tu que je fasse de toi cette fois-ci ?

—Attache-moi ! avec les cordes comme tu sais si bien le faire, supplia la jeune femme à genoux devant son partenaire.

Au même moment, une voix lointaine se fît entendre, elle semblait venir d’un autre monde, à peine audible :

—Judith ! Reviens sur terre ! Ce n’est pas le moment de penser à Paul et à ce que vous pourrez faire ce soir, annonça Pauline sa collègue en esquissant un petit sourire.

Elle pausa une main sur son épaule et de l’autre elle montrait la salle encore en désordre.

—Il nous reste encore beaucoup de boulot.

Judith eu un léger tressaillement à peine perceptible, un subtil fourmillement traversa son corps.

—tu n’as pas l’air d’aller bien, ça va ? interrogea Pauline soucieuse.

—Oui tout va bien, je suis un peu distraite en ce moment. Il ne t’arrive pas de te demander comment aurait été ta vie si tu n’avais pas fait le choix d’être comptable ? Si tu n’avais pas décidé de vivre à Clermont ? interrogea Judith profondément mélancolique, presque abattue, elle qui il y a quelques heures était pleine de joie et d’entrain.

—Pourquoi me demandes-tu ça ? Non, je suis bien dans ma vie, j’ai mon mari, mes enfants je ne peux pas rêver d’une meilleure vie. Pourquoi ? Tu regrettes la tienne ?

Judith aux bords des larmes faisait son possible pour ne pas céder devant Pauline qui ne comprenait pas pourquoi elle était dans cette état.

Pourquoi maintenant ? Pourquoi elle ? Se demandait Judith tremblante au milieu du bar. Tandis qu’elle rangeait des verres, elle se rappelait un vieux souvenir qui la renvoyait à ses vingt-trois ans. Elle avait l’impression de recevoir un grand coup au visage, soudain, brutal. Toute sa naïveté, sa fragilité sons insouciance s’emparaient de tout son être. Elle se voyait l’année de ses vingt-trois ans, jeune, désirable ; du moins elle avait cette impression quand elle était confrontée à son entourage. Tout était si simple, sans pression du lendemain, elle jouissait de cette infime partie de l’enfant qu’elle avait été. Elle s’agrippait encore à cette fébrile naïveté qui avec l’âge se terni et disparait pour faire place à l’amertume et le doute. Le regard ailleurs, elle cherchait dans le tréfond de sa mémoire à quel moment tout a basculé.

—Ma chérie ! lança Pauline en lui donnant une tape amicale sur l’épaule, si tu ne vas pas bien /rentre chez toi je vais finir, ça va aller.

—Non je dois t’aider, attend, tu ne vas pas tout faire !

—Si tu as des soucis je peux comprendre, c’est au sujet de Paul ? s’enquit Pauline curieuse et inquiète pour son ami.

Judith toujours un peu perdu dans ses pensées, revoyait ce jeune homme dont elle était éperdument amoureuse. Elle entendait dans sa tête sa voix, grave et mélodieuse.

— Dois-je serrer les cordes à fond ?

Aujourd’hui tout lui paraissait si lointain, presque inconnu, comme si elle voyait la vie d’une autre femme. Et pourtant, c’était bien elle attachée par des cordes tressées nue devant un jeune homme. C’était elle qui le suppliait de faire ce qu’il voulait, comme il le voulait.

—Bais…

En s’entendant dire ses mots Judith se redit et laissa tomber un des verres. Tout en se confondant en excuse, elle ramassa les débris en s’agitant.

—Je suis maladroite, je suis navré !

—Rentre chez toi quelques heures tu reviendras quand tu te sentiras mieux ! Je m’occupe du reste, va, ne t’en fais pas.

A contre cœur Judith quitta momentanément le bar avant de le causer plus de dommage. Consciente qu’elle n’avait jamais été aussi perturbée, il lui fallait trouver une solution, elle devait penser à l’équilibre de sa famille et à son bien-être.

Tout en marchant dans les rues de Clermont, elle se posa une question pertinente et par la même occasion effrayante : Comment Jack avait fait pour la retrouver ? Alors que pourtant elle avait soigneusement effacé ses traces pour l’empêcher de l’atteindre de nouveau.

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