Chapitre 41 - 1369*

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Chapitre 41

Je mets du temps à enfiler mes Converse pourries. J’ai la tête dans le cul. Je suis en boxer, assis sur mon skate, à tenter d’émerger pendant que tous mes potes pioncent encore. J’ai une grosse envie de pisser, mais une flemme pas croyable. Me recoucher ne servira à rien, je ne dors jamais quand il fait jour et je vais m’énerver de ne pas sombrer dans le pays des rêves.

Il fait chaud et lourd ce matin, les températures n’ont pas baissé depuis hier soir. Un orage se dessine au loin sur l’océan qui se déchaîne. J’aimerais m’en approcher, mais je dois d’abord me soulager… Je me lève en titubant pour me diriger vers le mur de la chapelle.

Putain, ça fait du bien ! J’ai un fou rire qui monte en repensant une fois de plus à une super expression de Paulo : « Que tu l’égouttes ou que tu l’agites, la dernière goutte, c’est pour ton slip ! » Un jour, il faudrait que je les recense toutes ! Je ne sais pas d’où il sort ces proverbes à la con, mais ils me font marrer. C’est en rangeant Popol que je lève la tête pour découvrir que ce dimanche matin, la chapelle n’est pas vide. Au travers du carreau teinté, je distingue Superman avec sa cape verte sur les épaules, en train d’officier derrière l’autel pendant que tous les paroissiens me regardent médusés, pisser sur la maison du Seigneur. Oh bordel de merde ! Le curé va me tuer ! Je ne savais pas qu’il célébrait encore des messes dans cette chapelle…

Je déguerpis de la fenêtre aux vitraux colorés pour enfiler rapidement un short que je trouve au fond de mon sac resté dehors. Puis je pars en skate chercher des chocolatines dans une boulangerie de la station balnéaire alors que le vent et une averse m’accompagnent.

Décidément, le camping nous porte la poisse ! Cette année, nous avons un abonnement pour la pluie chaque fois que nous montons les tentes. Je file vite dans les rues désertes, ma poche de viennoiseries sous le bras. En revenant dans le jardin du curé, les paroissiens sortent de la chapelle et ça me fait rigoler de croiser tous ces étrangers qui désormais connaissent, eux aussi Popol.

— Santo Tonio, viens un peu par ici, m’interpelle le prêtre encore déguisé en superhéros.

En vérité, ce surnom est ironique, car il n’a rien d’un surhomme avec son allure grassouillette et son visage joufflu. Il est cependant très grand et dégage une certaine force. Nous partageons le même humour et nous aimons bien échanger sur des sujets généraux ou d’actualités. Je reconnais que sa conversation est intéressante.

Je fonce aussitôt dans sa direction et m’arrête à la limite de ses pieds dans un puissant dérapage contrôlé.

— Hey Superman, comment tu vas ?

Je le salue sans gêne malgré ce qui s’est passé une heure auparavant. Il me sourit d’un air moqueur.

— Tu aurais pu venir faire un tour à la messe plutôt que nous montrer ton petit oiseau à la fenêtre, me reproche Monsieur le Curé en m’attrapant l’oreille.

J’éclate de rire en repensant à la scène de tout à l’heure et je me dégage de son emprise en baissant la tête.

— Je vais pas à la messe, moi !

Je me frotte le lob, il m’a fait mal, ce con ! Ça faisait longtemps que l’on ne m’avait pas corrigé. Venant de quelqu’un d’autre, je ne me serais pas gêné pour riposter…

— Qu’est-ce tu fais ce matin ?

— Attendre ! Il pleut et mes potes dorment. Tu as du wifi ?

Le réseau est vraiment mauvais là où nous sommes et avec l’orage qui se prépare, ça ne va pas aller en s’améliorant.

— Oui, me confirme-t-il en réfléchissant.

— Je t’échange une chocolatine contre un peu de wifi.

Il sourit et m’indique la porte d’entrée de sa petite maison attenante à la chapelle.

— Marché conclu ! Tu rentres dans la cuisine et tu as la Livebox juste sous la fenêtre. Tu laisses ouvert en partant, j’ai d’autres messes à célébrer, mais je te fais confiance.

— Super !

Je le remercie en lui tendant la poche de chocolatines pour qu’il se serve.

— Au fait, tu ne touches pas aux alcools, me menace-t-il avec son index. Et tu ne me vides pas ma cartouche de cigarettes comme la dernière fois !

— Non, non, promis, juré, craché, Superman ! je lui réponds en levant la main droite.

— Et sois sage, Santo-Tonio !

Je passe la matinée à l’abri dans la cuisine mal rangée du curé, à bouffer et à surfer sur internet, en attendant que mes potes se réveillent. La Sainte Vierge posée sur la cheminée me surveille, mais ne m’impressionne pas. Il y a aussi deux crucifix et des icônes, accrochés partout sur le mur en pierre. Une baguette d’encens est en train de brûler. Je déteste cette odeur. Ça pue le renfermé. Sur la nappe cirée de la table est empilé tout un tas de papiers écrits à la main. Celui du dessus ressemble à une prière. C’est vraiment une maison de vieux, pourtant il n’est pas encore un ancêtre. Je suis absolument certain qu’il a moins de trente-cinq ans.

Toutes les demi-heures la cloche de la chapelle sonne pour rythmer ma matinée.

Vers midi, je ne tiens plus. Je pique un paquet de clopes dans la cartouche que le curé a négligemment laissé traîner sur la table et je pars réactiver tout le monde. Les têtes des gens au réveil m’ont toujours amusé. Surtout les filles avec leur maquillage qui a coulé. Je ne me prive pas de leur faire savoir pendant que nous mangeons le reste des chocolatines et des gâteaux apéro de la veille. Jimmy est celui qui a le plus de mal à se lever. Il n’arrête pas de râler en me voyant trop proche de sa sœur.

Pour changer, il pleut et nous devons nous réfugier toute l’après-midi dans les habitacles et nous occuper avec des cartes, serrés les uns contre les autres. J’adore la promiscuité de la tente où je suis collé à Dakota. Je chicane tout le monde dans les parties parce que je ne veux pas perdre. Je suis le plus grand tricheur de tous les temps ! J’ai mes combines. Pendant notre poker où nous jouons des bonbons, je questionne Dylan et Jimmy sur leurs conquêtes d’hier soir.

— Elles se sont foutues de ta gueule, car tu les as prises pour des Allemandes, se marre Jimmy.

— Deux blondes, ici, en plein été, j’étais pas loin du compte ! je me défends en distribuant. Vous les avez chopées ?

— Ça te regarde pas ! me remballe Jimmy en faisant signe à Dylan de ne rien dire.

— Vous avez tâté un peu ?

J’insiste pour les emmerder, ce qui est loin de plaire à Marion qui ne supporte pas de m’entendre parler ainsi de ses acolytes féminines.

— Mais ta gueule, Tonio ! m’ordonne-t-elle, déjà agacée par ce que je pourrais dire.

J’ignore totalement ma pote et je continue de m’aventurer sur cette pente glissante, mais tellement drôle pour moi, puisque mes deux copains ne veulent rien me dire. J’avoue que je suis trop curieux…

— T’as pris laquelle, Jimmy ?

— La petite ! finit par lâcher Dylan, plus bavard.

— Sérieux ?

En les obligeant à discuter, ils ne savent plus si je bluffe sur mes cartes ou si je m’esclaffe sur le fait que Jimmy ait enfin pécho.

— On les revoit ce soir ! se vante Dylan.

— Vu le temps, vous pouvez écrire : « Dommage » ! Va falloir dégager…

Je me moque d’eux en soulevant la porte en toile de la tente pour constater qu’il pleut de plus belle.

— En tout cas, merci tout le monde de m’avoir laissée tomber pour la soirée ! C’est pas la peine de partir tous ensemble pour passer la nuit chacun de notre côté ! nous reproche Marion énervée.

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