Chapitre 39 - 1648*

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Chapitre 39

Nous sommes maintenant mi-juillet et je me dis qu’il faudrait que ça avance un peu, du côté de Dakota, parce qu’hormis les galoches enfiévrées que nous échangeons régulièrement, nous n’avons guère fait beaucoup plus. La raison principale est que nous avons Jimmy constamment sur le dos, et quand ce n’est pas lui, c’est Marion.

Notre dernière virée camping ayant été gâchée par le mauvais temps, nous avons choisi de réitérer l’expérience ! Notre fine bande monte les tentes dans le jardin du curé qui nous est toujours ouvert. Marion propose de faire une tente pour les meufs et une pour les garçons, ce qui foire totalement mes plans du week-end avec Dakota.

Pendant que quelques gars surfent à la tombée de la nuit, moi je préfère profiter de la soirée sur le sable pour chicaner les deux filles. Elles sont en train d’installer le pique-nique sur des serviettes et je les regarde faire.

— J’ai la dalle, c’est bientôt prêt ?

J’adore les provoquer en ne faisant aucun effort pour les soutenir…

— Si ça va pas assez vite, t’as qu’à te bouger le cul et nous aider ! me lance Marion, habituée à ce genre de réflexions de ma part.

— Chacun son boulot ! je continue, allongé sur ma serviette, les bras croisés derrière la tête. Faire à bouffer, c’est celui des femmes !

— Tu te crois encore au Moyen-Âge ! T’as qu’à tout faire, pour la peine ! Je touche plus un truc du week-end !

Marion me jette tout ce qu’elle portait : les baguettes de pain, les poches de chips et de gâteaux apéritifs, puis elle enfile un sweat et s’assoit en tailleur sur le sable pour m’affronter.

— Moi, j’ai monté les tentes, chacun son job ! C’est comme le ménage !

— Mais t’es con ou tu le fais exprès ? s’énerve soudain Dakota, restée jusqu’à présent silencieuse.

— Non, je le pense ! j’affirme sans bouger. Le ménage, la bouffe et les gosses, c’est pour les femmes !

— Et toi, merdeux, tu fais quoi alors ?

En prononçant ces mots, Marion s’est agenouillée pour se préparer à me sauter dessus. Je sens qu’elle va m’étrangler, mais ce n’est pas pour autant que je vais ravaler l’énormité que je prévois de leur sortir depuis le début :

— Moi ? Je vous fais des gosses…

— Déjà, faudrait que tu saches les faire, connard !

Marion rage. Elle me frappe sur le ventre. Ça m’oblige à m’asseoir pour me protéger des coups qu’elle commence à m’asséner. D’abord avec ses poings sur mon torse, mais je les évite en me pliant. Elle ne me fait aucun mal… Je rigole même de la voir s’énerver. Puis elle tente une gifle que je maîtrise aussitôt en écartant ses mains. Je les maintiens fermement dans les miennes pour l’attirer contre moi. Je plonge mon menton dans sa chevelure blonde qui sent l’eau de mer. Nous nous retrouvons enlacés et j’en profite pour lui proposer :

— Tu veux que je te montre !

— Jamais un mec comme toi m’en fera un ! lâche-t-elle en se dégageant de mon emprise pour partir bouder.

— Pas grave, je vais en faire un à Dakota… je déclare sûr de moi, histoire de l’achever.

Ce que je viens de dire est complètement con, mais c’est tellement marrant et facile de mettre en rogne les filles avec ce sujet ! Qui plus est, je suis convaincu que faire la bouffe, le ménage ou s’occuper d’un gosse, ce n’est pas pour moi, donc c’est forcément pour elles.

— T’es plus que lourd, Tonio, me reproche gentiment Dakota qui cache parfaitement son exaspération.

C’est ce moment que choisissent les gars pour sortir de l’océan et nous rejoindre. En arrivant, décontractés et totalement ignorants des propos ridicules que je viens de tenir, Jimmy met les pieds dans le plat :

— Alors, on bouffe quoi, les meufs ?

J’explose de rire, d’abord parce qu’il m’associe à Marion et Dakota en utilisant le mot « meufs », et surtout car c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase trop plein de Marion. Ses yeux fusillent Jimmy quand elle lui lance sans ménagement :

— Oh, toi ! Ta gueule, t’es aussi con que ton pote.

Je n’avais pas vu Marion dans cet état d'énervement depuis longtemps, probablement depuis le baiser avec Whitney au vieux château. Cela m'amuse toujours au début de la faire rager, mais la culpabilité prend vite le dessus et je me sens très vite obligé de trouver un moyen pour rattraper le coup.

Nous passons une bonne partie de la soirée sur la plage, puis nous rentrons nous rincer au tuyau d’arrosage du jardin du curé, pour finir dans la boîte de nuit de la petite station balnéaire. Je suis très surpris que les videurs me laissent entrer aussi facilement, malgré mes presque quinze ans. Je dois avouer que l’un des deux vigiles est l’oncle de Dylan, ce qui simplifie pas mal les choses. Dans la discothèque, nous nous éparpillons chacun de notre côté. Il y a énormément de monde, essentiellement des touristes plutôt alcoolisés. La boîte de nuit n’est pas très grande, séparée en deux parties. Un peu en contrebas, du côté de la piste de danse, Marion retrouve deux filles de son groupe de hip-hop avec qui elle part se déhancher sous les projecteurs.

Dylan, Jimmy et moi avons repéré deux Allemandes, côté bar. Elles ont facilement dix-huit ans et nous nous disputons sur qui arrivera à choper l’une d’entre elles.

Je me lance le premier pour leur faire la conversation, mes deux potes étant bien plus timides que moi et surtout limités sur la façon de les aborder. Ces deux connards me poussent vers elles et me collent aux basques, prêts à récupérer mes miettes. Les deux blondes aux robes moulantes regardent la piste de danse en se parlant à l’oreille. Il est clair qu’étant donné mon âge, je ne suis pas en mesure de leur offrir un coup à boire, il ne me reste que mon imagination pour les séduire. Elles ne sont probablement pas françaises et je choisis donc de les aborder en anglais.

— Hi ! Do you want to have a blast with me ? je prononce avec un accent plus que pourri, mais suffisamment fort pour qu’elles puissent m’entendre malgré la musique.

Je les interpelle sans ménagement et un brin à la loose, sous-estimant le très bon anglais des deux étrangères qui comprennent aussitôt mon allégorie. Elles ne se démontent pas pour autant et me répondent ensemble dans un éclat de rire :

— Sorry ?

— Ok, welcome in France ! je poursuis sûr de moi. I am Tonio !

Je m’avance suffisamment pour être certain qu’elles m’entendent avec le volume de la musique un peu trop fort.

— Tu peux parler français, tu sais ! me casse la plus grande et la plus mignonne des deux en posant sa main sur mon avant-bras pour se retenir de rire.

Clairement, elles se foutent de ma gueule. « Fille qui rit à moitié dans ton lit » me répète souvent Paulo, et vu le fou rire qu’elles partagent, c’est plutôt bien parti pour moi.

— Ah, vous êtes françaises, en fait ? je reprends alors que Jimmy et Dylan, qui n’entendent rien de ce que nous disons, s’approchent pour taper l’incruste.

— Bonne déduction ! me rétorque la plus petite.

— T’es un rapide, toi ! ajoute l’autre.

— Justement, vous n’allez pas me croire mon surnom, c’est Speed !

Jimmy et Dylan s’avancent et se présentent quand je lève la tête pour croiser le regard de Dakota qui n’est pas seule. Merde ! Un inconnu est en train de lui parler à l’oreille et c’est peut-être le moment pour moi de m’y intéresser...

Dakota qui se laisse draguer par un adulte mystérieux alors qu’elle est censée être folle de moi, c’est tout simplement impossible ! Elle est là, appuyée contre un pilier de la discothèque, un pied remonté sur le mur, accolée à ce mec qui la fait sourire. J’aperçois son profil adorable et ses lèvres qui articulent quelques mots à l’oreille du gars bien plus âgé qu’elle. Dans tous les cas, ils font connaissance et bientôt, peut-être plus.

Jimmy et Dylan profitent de mon inattention pour prendre le relai dans la conversation avec les deux blondes. Je décide de les leur laisser pour m’avancer tranquillement vers ma crush de vacances. Je m’arrête face à elle, un verre de whisky coca à la main. Je viens de le piquer sur le bar à un mec bourré qui ne s’est rendu compte de rien.

Quand Dakota m’aperçoit, elle change radicalement de comportement. Elle se redresse et pose son pied à terre ; elle répond à peine à son interlocuteur qui finit par se retourner pour comprendre que c’est moi qu’elle regarde. J’aime ce genre de situation, lorsque l’ambiance se tend et que je domine un gars de dix-huit ou vingt ans en lui cassant son plan drague ! Pourquoi ce connard s’intéresse-t-il à une meuf de seize ans ?

Je le salue avec mon verre d’alcool. Il détourne les yeux et continue de dire quelques mots à Dakota en posant sa main sur son épaule avant de partir comme si de rien n’était. Pendant ce temps, je m’enfile ce verre cul sec, en espérant qu’il n’y ait pas une drogue quelconque dedans. Mon frère Paulo me fait toujours la morale sur les verres qui traînent dans les soirées. Je prends le risque de boire, même si c’est totalement con.

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