Chapitre 31 - 1760*

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Chapitre 31

Je passe mon après-midi à la plage. Mon océan n’est pas le même en été, il perd son charme, sa liberté et son calme. Il fait chaud et des touristes ont envahi le sable. Les cris stridents des enfants qui jouent me saoulent. Nous ne manquons pourtant pas d’espace car c’est marée basse et une baïne s’est formée à côté de nous.

Pendant que mes potes surfent, je fais l’animation du petit groupe de filles qui essaient de bronzer tranquillement sur leurs serviettes. La plupart sont encore blanches alors que ma peau est déjà noircie par le surf que je pratique régulièrement. Je mets rarement de crème de protection sauf sur le visage, mais je n’attrape jamais de coup de soleil.

Elles espèrent être au calme, mais avec moi à proximité, c’est totalement impossible ! Je ne tiens pas en place et il me faut de l’action.

— Qui pour un Loup Garou ? je propose, enthousiaste.

— Non, je bronze ! refuse direct Marion.

— Allez !

J’insiste en visant les bouts de seins de Dakota avec quelques grains de sable.

— Je joue !

Elle accepte en m’observant par-dessus ses lunettes de soleil.

— Cool, qui d’autre ?

— Pourquoi tu rejoins pas les gars qui surfent ? râle Jenny, la petite brune qui sort avec Ashton depuis trois jours.

Je n’aime pas sa façon de faire. Elle parle d’une manière hautaine et ne se considère pas comme une merde.

— J’ai pas pris ma planche et j’ai pas envie aujourd’hui ! Tu joues ?

— Moi, je crois que t’as d’autres raisons de pas surfer et je plains trop Dakota ! persifle Alicia, une Première.

— Ah, oui et pourquoi ?

— On connaît toutes tes intentions ! m’attaque Marion.

— Elle aussi ! je confirme en consultant Dakota.

Celle-ci se relève pour nous dévisager en coupant court à la conversation :

— On joue ?

Dakota agit avec beaucoup d’assurance. Les autres filles la regardent faire en coin. Ça ne les choque pas vraiment qu’elle se balade Topless puisque nous ne sommes pas très loin de la plage naturiste. Ce qui les incommode, c’est que nous affichions clairement notre attirance physique devant Marion qui baisse les yeux pour répondre :

— OK !

Les tensions montent entre ma meilleure amie et ma crush et ça me fait marrer. Marion est possessive et ça motive Dakota à gagner du terrain. Cette situation est loin de me déplaire.

Marion, en meneuse de jeu, prépare les morceaux de papier pour chacun d’entre nous. D’un côté, nous aurons le camp des villageois et de l’autre les Loups Garous. Les uns devant éliminer les autres. Je m’installe entre ma meilleure amie et Dakota.

— Qui reste dormir ce soir ? je demande en attendant la répartition des rôles.

En distribuant les cartes, Marion annonce qu’elle ne peut pas.

Finalement, sur les six filles présentes, seules Jenny, la copine d’Ashton et Dakota camperont. Le jeu tourne court pour moi, éliminé au premier tour des quatre parties. Ces garces se sont liguées contre moi et ça les fait pouffer de rire de m’éjecter. Rien ne m’énerve plus que de perdre, je suis mauvais joueur. Je pique les lunettes de soleil de Dakota et je n’ai pas d’autre choix que de surfer sur mon téléphone en attendant désespérément la manche suivante. Je garde malgré tout un œil sur la poitrine de la sœur de mon pote qui m’inspire une multitude de pensées cochonnes. L’après-midi se termine lorsque les gars reviennent enfin. L’équipe se divise, entre ceux qui rejoignent l’arrêt de bus pour rentrer et ceux qui se dirigent vers le célèbre « camping du curé ».

Lorsque notre petit groupe passe le portail vert et rouillé, nous constatons une intrusion dans le modeste jardin. Une minuscule tente s’est dressée cet après-midi à côté de notre grande alcôve. Je jette un coup d’œil du côté de la maison du prêtre, mais il n’y a aucun signe de vie, même pas à l’intérieur de la chapelle. Nous ne pouvons donc pas lui demander d’explications.

— Speed, tu attendais quelqu’un ? m’interroge Jimmy.

— Non !

Je réfléchis à la personne qui tape l’incruste à côté de nous, mais je n’ai aucune idée de qui ça peut être.

— Mais le curé t’a rien dit ? insiste Dylan.

— Il est chez lui, il fait ce qu’il veut !

Je me dirige vers la tente ennemie pour voir si je peux identifier à qui appartiennent les affaires.

— Tu fais quoi ? m’interroge Jimmy en marchant dans mes pas.

— Rien, je regarde si je les connais !

Je remonte la fermeture éclair de la moustiquaire, j’écarte la toile des deux mains et passe la tête dedans.

— Laisse ça, Speed, s’ils arrivent, ça va foutre le bordel ! essaie de me retenir Jimmy.

— Tiens, attrape !

Je lui balance une bouteille de whisky dans les mains. Après tout, l’alcool coûte cher, le camping est désert, personne ne saura que c’est nous.

— Speed, remets ça en place !

Il me tend la bouteille mais j’ignore totalement son geste. Je n’ai pas volé depuis l’épisode de l’iPhone, mais l’occasion est trop belle pour ne pas la saisir.

— Mais non ! Depuis quand t’es honnête ?

— OK ! Mais viens, on se casse ! s’impatiente-t-il en se dirigeant du côté de notre camp, le whisky dans les mains.

Alors que je termine de remplir mes poches avec un paquet de clopes et un vieil iPod tout pourri, Dylan me tape dans le dos pour me demander s’il n’y a pas de boulette de cannabis.

— Pas trouvé !

— Des clopes ? se renseigne-t-il.

— Je les ai dans ma poche ! Y a rien d’intéressant ! je finis par lâcher en refermant la toile.

Pendant que Jimmy débouche la bouteille de whisky pour démarrer notre soirée, j’aide Ashton à faire un feu. Le vent est en train de se lever et l’air se rafraîchit. Le ciel est bien rouge et les nuages défilent très vite. Le clapot des vagues semble s’accentuer. Ça sent l’orage qui arrive. Si tel est le cas, je ne donne pas cher de notre vieille tente !

— Speed, comment tu bouffes ? m’engueule Dakota qui me voit m’enfiler les chips directement au paquet, comme si je faisais un cul sec.

— Quoi ? J’ai touché le feu, j’ai les mains noires…

Comme souvent, je parle la bouche pleine et je lui montre mes doigts sales.

— Va te les laver ! me reproche-t-elle en m’arrachant le sachet.

— Quoi ? Non, mais c’est Koh Lanta, les gars ! On se lave pas !

— Y a pas de chips à Koh Lanta !

— À ouais, merde ! Bon, du coup, j’y vais !

J’ai à peine le temps de récupérer le tuyau d’arrosage pour me rincer du sel et du sable collé sur mon corps que la pluie commence à tomber. La panique envahit tout le monde et nous jetons rapidement tout ce qui traîne dehors dans la tente avant de nous y enfermer tous les six.

— Ça va souffler, cette nuit ! nous prévient Jimmy.

Il finit son sandwich sans lâcher sa bouteille. Dylan pend une torche au plafond de la toile pour nous éclairer avant de rouler tranquillement un pétard. Nous sommes installés dans un capharnaüm impressionnant, assis en tailleur au milieu des paquets de gâteaux apéro ouverts. Ashton et Jenny, enlacés, ne se quittent pas tandis que je me goinfre, accolé à Dakota.

— Je sais pas qui a monté la tente, mais j’espère que vous avez bien planté les sardines, sinon, on va s’envoler.

Je m’allonge pour m’appuyer la tête sur mon sac.

— Tu dors pas là, Speed ! me prévient Jimmy qui ne veut pas que je touche sa sœur.

— Faut que tu acceptes, vieux !

J’adore le narguer et je pose mon crâne sur le ventre de Dakota.

— C’est bon Jimmy, t’es chiant ! rajoute Dakota.

Le vent souffle de plus en plus fort et la nuit tombe quand nous entendons notre mystérieux voisin arriver. Nous nous collons tous devant l’entrebâillement de la fermeture éclair pour voir à quoi il ressemble et observer ses réactions. En entrant dans sa minuscule tente, il ne met pas longtemps à remarquer qu’on l’a visitée et il commence à gueuler en allemand.

La pluie s’abat à grosses gouttes, suffisamment pour inonder la pelouse du jardin. Nous continuons sereinement à manger et à discuter, calfeutrés dans notre tente. L’Allemand râle dans la sienne, puis finit par en sortir pour se diriger vers nous. Il ouvre notre toile d’un coup sec, remontant la glissière pour nous accuser de je ne sais trop quoi dans sa langue.

— Casse-toi ! Fais pas chier, je lui dis calmement en m’allumant une clope, toujours à moitié affalé sur Dakota.

Étant au plus près de l’entrée et donc face à l’étranger, nous sommes tous les deux les plus exposés à sa violence. Il réplique encore en allemand, quelque chose d’incompréhensible pour moi, puisque je ne maîtrise absolument pas cette langue, et par-dessus tout, il est totalement ivre. Toute notre tente éclate de rire à le voir s’agiter de manière menaçante. Notre attitude l’énerve davantage, il hausse le ton et s’me montre son poing. Heureusement, je connais quelques rudiments du langage des signes international. En guise de réponse, je lui fais un doigt, clair et net, et comme je m’y attendais, il saisit parfaitement mon geste ! Il réagit explicitement en me filant un coup de pied dans la jambe.

Je ne suis pas particulièrement bagarreur, mais je ne suis pas non plus du genre à tendre l’autre joue. Je bondis sur-le-champ pour lui mettre un pousson et l’expulser hors de notre tente. Bien que plus grand que moi, il est aussi complètement bourré et s’étale dans une flaque d’eau. Je referme aussitôt la toile, pensant qu’il a compris et va dégager rapidement, mais non, pas du tout ! Le zip remonte lentement pour laisser apparaître sa tête d’ivrogne en colère. Les filles se réfugient au fond de la tente pendant que je commence à me lever. Néanmoins, Ashton et Dylan me devancent et raccompagnent le mec jusqu’à son emplacement pour enfourner dans son habitacle, manu militari. J’imagine que cette fois-ci, il a déchiffré le fond de nos pensées !

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