Chapitre 32 - 2069*

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Chapitre 32

Les gars reviennent sous l’orage qui commence à tonner sévèrement. Les éclairs illuminent le ciel et la plage, le spectacle serait magnifique si le vent ne pliait pas la tente dans tous les sens. Vers une heure du matin, nous éteignons nos portables pour essayer de dormir un peu. Jimmy et Dylan, complètement à gauche, sombrent les premiers. Juste à côté de moi, j’entends Ashton et Jenny, se galocher sans cesse. Dakota, très à l’aise contre moi, me fait vite oublier les petits bruits suspects. Je n’ai pas pris mon traitement et je n’arrive pas à trouver le sommeil.

— Tu dors ? je murmure en me tournant vers elle.

— Pas déjà !

Je m’installe sur le côté pour me retrouver face à elle, je suis si proche que nous échangeons nos souffles.

— J’ai envie de t’embrasser, je lui chuchote.

— Speed, tu touches un cheveu de Dakota, je t’étripe ! gueule Jimmy.

— Tu m’as entendu ?

Je suis surpris qu’il ait perçu mes intentions. Il a l’ouïe fine, ce con !

— T’es tellement discret !

— Dors ! je lui réplique en caressant le bras de Dakota.

— Range tes sales pattes tout de suite ! me menace-t-il.

Je n’ai pas le temps de protester, car Dakota a posé ses lèvres affamées sur les miennes. Je réponds aussitôt à son baiser, oubliant totalement Jimmy. J’essaie d’être le plus silencieux possible dans notre échange de salives et ce n’est pas facile. Heureusement, les bruits de l’orage, de la pluie et du vent couvrent le débordement d’affection dont ma partenaire fait preuve. Lorsqu’elle descend sa main le long de mon torse pour arriver jusqu’à l’élastique de mon caleçon, je suis chaud comme la braise. Une sensation d’eau froide qui m’obstrue l’oreille me ramène à la réalité. Je sursaute et quitte la bouche pulpeuse de Dakota. Bien qu’il fasse noir, je me retourne pour regarder du côté de Jimmy, mais les quatre autres personnes de cette tente semblent s’être endormies. Personne ne bouge.

— Qu’est-ce qu’il y a ? me demande Dakota.

Je ne prends pas le temps de lui expliquer quoi que ce soit et plonge à nouveau sur ses lèvres. Nos langues redémarrent une gymnastique circulaire alors que la main de Dakota caresse encore une fois l’élastique de mon caleçon, craignant de forcer l’entrée. Je sais que ce n’est pas ce soir que je vais conclure avec elle. Nous sommes six dans la tente et ce n’est pas le bon moment, mais je n’hésite pas à saisir ses doigts pour les descendre un peu plus bas sur Popol qui a tellement envie qu’elle s’occupe de lui… À nouveau, une goutte vient me surprendre et je soupçonne ces enfoirés de Jimmy et Dylan de se foutre de moi en m’aspergeant régulièrement. C’est pourquoi je ne réagis pas cette fois-ci, préférant me concentrer sur la cadence agréable que je donne à la main de Dakota qui me touche au travers du caleçon. Plus le rythme s’accélère et plus je me prends de l’eau froide dans la tronche, si bien que Dakota finit par en recevoir aussi et stoppe tout mouvement. Je gueule, énervé qu’il nous interrompe dans ce moment intime :

— Bordel, Jimmy, tu fais chier !

— Quoi ? demande-t-il à moitié endormi.

— Arrête de balancer de l’eau, c’est bon !

— Je balance rien, t’es con ou quoi ? dit-il en se retournant.

J’allume la torche de mon téléphone pour éclairer la toile et je découvre qu’une gouttière s’est formée juste au-dessus de ma tête. Le vent s’est renforcé et un côté de la tente menace de s’arracher.

— On a un problème, les gars ! je leur signale. Faut aller chercher des trucs pour consolider, sinon la tente va pas tenir toute la nuit !

— Non, mais il pleut, on va être minables ! refuse Ashton.

— Moi, j’y vais en maillot, sérieux ça caille, mais c’est trop drôle ! je leur annonce en me levant.

À cet instant précis, je préfère rester en vêtement de plage, ça m’évitera d’avoir tous mes habits trempés, et surtout plus rien de sec à me mettre pour terminer la nuit. Et puis la pluie froide va me rafraîchir les idées et vite calmer Popol…

— Regarde, Jimmy, il a raison ! approuve Dylan en montrant le côté de la toile qui commence à s’arracher. Je te suis, Speed !

— OK, on y va tous les trois !

Il pleut à torrents et j’ai voulu faire le malin en sortant en maillot. L’averse gelée me fouette tout le corps. Chaque goutte me pique violemment surtout sur le visage et le dos. Il fait nuit noire, nous ne voyons rien à plus de trois mètres. Je patauge dans la boue et j’ai les chaussures mouillées.

La ville est calme. Vu le temps qu’il fait, aucun fêtard ne traîne à l’extérieur. Jimmy, Dylan et moi sommes libres d’errer comme bon nous semble dans la station balnéaire.

Je vais rouler un pétard, nous annonce Jimmy.

— On se met à l’abri où ? je questionne mes potes au premier coin de rue, en frissonnant. Putain, j’aurais dû prendre un sweat !

— Y a un abri de jardin, là ! nous indique Dylan.

Il rentre sa tête dans ses épaules pour se préserver comme il peut de la pluie qui a totalement trempé son T-shirt.

Nous nous posons tous les trois sur un salon de jardin protégé, d’une villa non clôturée. Les éclairs quadrillent le ciel et tombent autour de nous en éclairant l’horizon par intermittence. Les détonations puissantes me rendent électrique.

Mon regard se promène autour de la maison à la recherche de n’importe quoi qui pourrait faire l’affaire pour maintenir notre tente. Il y a une brouette à côté du barbecue et deux parpaings contre un muret. Ils doivent peser sacrément lourds, mais nous rendraient bien service.

— Les gars, y des parpaings qui nous attendent !

— Pas mal !

Jimmy tire tranquillement sur son joint, alors que Dylan secoue ses cheveux longs qui dégoulinent.

— On va se jouer la vie pour les ramener ! râle Jimmy en recrachant la fumée.

— Y a une brouette ! je leur propose en me levant pour la tester. On n’a qu’à les charger !

— On va pas commencer à tout piquer, Speed !

Mes deux amis échangent un regard inquiet, ils savent que je n’ai pas beaucoup de limites et que la situation peut vite dégénérer. Je tente de les rassurer et leur indique que nous pouvons juste l’emprunter la ramener après utilisation.

— OK, approuve finalement Dylan en m’aidant à charger les parpaings dans la brouette.

En terminant le pétard, nous décidons de repartir vers le campement pour consolider la tente.

— Dylan, monte ! je lui suggère. Je te porte !

— Tu te prends pour Superman, jamais tu me portes !

— Allez ! Vas-y, on essaie !

— Monte, lui ordonne Jimmy. Tu verras bien… Il se prend pour quelqu’un de fort !

— Je te pousse jusqu’à la tente, on n’est pas loin !

Dylan finit par s’asseoir et j’arrive à lever la brouette. Sous la pluie qui tombe à flot nous nous marrons tous les trois avec cette brouette. Je fais exprès de tanguer pendant que Dylan gueule et s’accroche pour ne pas basculer.

— Bordel, va tout droit, Speed ! m’exhorte mon pote en se cramponnant aux rebords.

— Je fais comme je peux ! Jimmy, monte !

Nous arrivons à proximité de notre campement et je me sens fort malgré l’eau, la boue et le chargement que je pousse.

— Non, on va exploser la brouette ! refuse-t-il.

— Vas-y, je vous porte tous les deux !

— Mais t’as de ces idées ! se marre Jimmy en grimpant sur Dylan. On va chavirer !

— Putain, vous êtes lourds, les gars ! je dis en forçant à mort pour pouvoir lever la brouette.

— Tais-toi et pousse ! m’ordonne Jimmy. T’as voulu jouer les mecs, montre-nous que t’as des couilles !

— Ouais… Je vais te les montrer en vrai, ça va te faire tout drôle ! Je vous pousse jusqu’à la tente, même si j’en peux plus !

Arrivé au camping, dans un ultime effort, je bascule la brouette pour envoyer Jimmy et Dylan dans une flaque. Je maîtrise bien le mouvement puisque j’évite de peu qu’ils se reçoivent les parpaings sur la gueule.

— Mais qu’il est con, celui-là ! explose Dylan en riant.

— Tu veux nous tuer ou quoi ? me blâme Jimmy.

En ouvrant le zip pour regarder les trois autres prendre l’eau, nous sommes complètement euphoriques de notre virée. La tente fuit de partout. Une cuvette s’est formée au centre de la toile et le goutte-à-goutte s’est transformé en douche. Il y a au moins deux nouvelles gouttières énormes sur les côtés. C’est la catastrophe. Je saisis un sweat que j’enfile sur moi, bien que totalement trempé, et je déclare :

— Ça caille, je vais choper la crève. Dakota, réchauffe-moi !

— T’approches pas d’elle avec tes pensées perverses, me prévient Jimmy.

Il me retient par l’épaule pour m’empêcher de me coller à sa sœur. En posant les deux parpaings sur la toile qui s’envole, je propose aux filles et à Ashton de partir avec nous ramener la brouette.

— Non, c’est bon ! refuse Dakota emmitouflée dans son duvet. Vous avez vu dans quel état vous êtes ?

— Ashton, viens avec nous ! insiste Dylan.

— Non, avec l’autre Allemand alcoolo, il nous laisse pas toutes seules, supplie Jenny.

Je suis un peu déçu que le groupe ne partage pas notre délire, mais bien résolu à continuer de profiter, après tout, la nuit ne fait que commencer.

— OK, on repart, les gars ?

Jimmy me fait signe de grimper dans la brouette :

— C’est moi qui te porte !

— Dylan, monte avec moi ! je lance en lui faisant une place.

— OK !

Il me bouscule et s’accroche à moi. À peine le portail du curé dépassé, je réussis à arracher, depuis la brouette, une touffe de fleurs d’une jardinière municipale. La pauvre plante est venue avec ses racines et la motte de terre. Je la balance en plein dans la tronche de Jimmy qui lâche aussitôt la brouette.

— Mais qu’il est con, celui-là, jure-t-il en crachant sur le trottoir la terre que je lui ai fait bouffer.

Connaissant parfaitement mes deux potes, je saute et m’échappe en courant, arrachant de nouveau une motte de géraniums.

Une bataille s’ensuit et toutes les jardinières sont sollicitées, nous dépouillons même les massifs, pris entre les fous rires et l’envie de remporter le plus grand combat de fleurs d’Aquitaine. Nos cris alertent un couple de vacanciers qui passent leurs visages par la fenêtre d’une villa en gueulant :

— Oh, c’est fini ce bordel ! Vous voulez qu’on vous aide ?

Jimmy leur répond par un bras d’honneur puis nous nous enfuyons en courant. Dylan et moi sommes en tête, alors que Jimmy essaie de nous suivre avec sa brouette. Nous tournons rapidement au coin de la rue pour rendre le bien à ses propriétaires.

Nous sommes essoufflés par notre sprint et notre bataille, toujours sous une pluie battante. Mon sweat dégouline et je suis recouvert de terre de la tête aux pieds. Nos visages sont barbouillés. Nos cheveux sont collés par la boue. Nous ressemblons à des militaires ayant fait un commando dans la gadoue. Bref, nous sommes tous les trois dans un état minable lorsque nous nous rasseyons dans le salon de jardin.

— Je vais appeler mon père vers sept heures pour qu’il vienne nous récupérer en fourgon ! annonce Jimmy en s’essuyant sa figure noire avec le bas de son T-shirt. On chargera tout dedans !

— Bonne idée, mais on a encore deux heures à attendre, je râle en me levant pour sautiller sur place.

J’ai froid et je dois me réchauffer en bougeant. Dans l’obscurité du jardin, derrière le barbecue, je devine enfin quelque chose d’intéressant. J’allume la torche de mon portable pour y voir un peu plus clair et satisfait de ma découverte, je lance à mes deux amis :

— Que la fête commence !

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