La Kabylie outragée...

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Je suis accoudé au comptoir d'un café. Je sursautais au claquement sec que des joueurs attablés faisaient en abattant leur domino, histoire de faire du tapage. La virilité du kabyle, voire le machisme se lit dans ce geste qui consiste à faire le bruit le plus caractéristique possible. Je commandai une orangina, la seule boisson avec le coca ou le thé encore acceptable dans un bar public. Pour la bière, la discrétion est de mise. On verra plus tard. Il y a un dépôt à l'entrée du souk de Boghni. Suspendu au plafond, un téléviseur montrait Aït Menguelet qui chantait. Je suis bien. Le café kabyle est le seul lieu où il existe un œcuménisme culturel et non religieux. On est entre kabyles. Je sais que dans le café il n'y a aucun arabe qui vient polluer l’atmosphère avec son idéologie et ses discours funestes et mortifères.
La rue principale qui traverse le village d'Aït el hadj est bordée de commerces. Le plus souvent de marchands de fruits et légumes. Une vieille femme m'aborde en me tendant une main. Je lui tendis un billet de deux cent dinars, même si la taille du billet est trompeur sur sa valeur marchande.Tout est relatif. Elle pourra néanmoins s'acheter des produits de premières nécessité. Je fis signe au marchand de lui servir ce qu'elle désirait. Je paierai. Quand une vieille femme me sollicite, c’est comme la providence qui vient me tester. Un test probatoire comme pour soupeser une âme. Suis je un homme ou un chacal? J'entendais derrière moi la vieille dame se renseigner sur mon identité, cherchant à savoir qui était son bienfaiteur. Quel était ce samaritain qui l'avait soulagée par un peu d'argent et beaucoup d'humanité. Je suis toujours navré de voir une femme qui tend une main pour demander un peu d'aumône dans un pays croulant sous les richesses. Le pays est riche. Le peuple est pauvre. Un homme qui fait la manche, ce n'est déjà pas supportable, mais une vieille femme dont la vocation n'est pas de faire transparaître la misère, mais de colporter la richesse car c'est elle qui la produit. La femme crée la richesse, l'homme la dilapide. Finalement, la guerre de libération a été une véritable escroquerie, me disais je. En Algérie, la femme n'est pas l'avenir de l'homme. Elle est l'éternel alibi des hommes. Quand on sait le rôle joué par les femmes, il n'est pas tolérable que ce soit toujours elles que l'on envoie au casse pipe pour pallier à chaque fois une défaillance ou l'incurie des hommes. J'enrageais de voir ce pays toujours à la remorque du FMI, faisant la manche à ces escrocs usuriers du tiers monde dont le maillon final est cette vieille femme qui venait à ma rencontre en me demandant quelque argent.

J'avais honte d'être un "immigré" riche, j’avais en quelque sorte échappé à l'entourloupe. J'étais de "l'autre coté". Je culpabilisais. J'étais du coté des fumistes du FMI.

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