Chapitre 3

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    Les jours suivants furent atroces. Le noir qui m’entourait m’oppressait, me remplissait, me saoulait. J’aurais donné n’importe quoi pour obtenir seulement la faible lueur d’un cierge. Mes yeux ne me servant plus à rien, je pris rapidement l’habitude de les garder fermés.

    Je restais prostrée au sol, contre le mur, attendant un signe, un son, quelque chose… Mais absolument rien ne changeait. Mon ténébreux univers était totalement figé. Les heures passaient lentement… En réalité, chaque seconde me paraissait interminable. Je perdis rapidement la notion du temps, comment aurait-il pu en être autrement… J’essayais de trouver des occupations, afin que l’éternité daigne s’écouler plus vite, dans l’attente d’une délivrance qui ne surviendrait peut-être jamais.

    C’est ainsi qu’il m’arrivait de me concentrer à en avoir mal au crâne, pour essayer de me souvenir. Ou bien je refaisais inlassablement le tour de ma cellule, espérant encore trouver une échappatoire. "Il y a toujours une solution."Ce proverbe stupide trottait dans ma tête comme un refrain cynique, auquel je ne pouvais renoncer. Il y avait forcément une faille ! Même si tout semblait m’indiquer le contraire… Ces explorations inutiles s’achevaient souvent sur un torrent de larmes que je ne pouvais faire taire. Je criais souvent, aussi, suppliant, implorant mes bourreaux, s’ils pouvaient m’entendre…

    Jusqu’à ce que je connaisse la faim et la soif.

    Pas ce petit creux qu’on ressent sur le coup des onze heures et demie, non, la véritable faim, celle qui fait tant crier le ventre qu’elle vous assomme de fatigue, vous réduit à néant. Et cette soif insatiable, brûlant ma gorge et mon cerveau…

    J’avais cessé de m’époumoner, dès qu’elle était survenue, économisant le peu de salive qu’il me restait. C’est lorsque j’arrivai au paroxysme de la déshydratation que je la vis pour la première fois, la petite otarie jaune. Devant moi, à quelques pas, je pouvais presque la toucher. Elle nageait joyeusement dans un bassin d’eau claire et fraîche. Je n’eus pas le temps de réfléchir une seconde que je m’étais déjà jetée dans l’eau, puis sur l’otarie (si j’étais parvenue à la tuer, j’aurais pu la manger !!).

    Je m’écrasai lourdement sur le métal froid.

    A partir de là, des hallucinations, toutes plus improbables (mais comestibles !) les unes que les autres, me rendaient visite continuellement. Elles torturaient ma raison et mon estomac, me laissaient sombrer lentement mais sûrement dans une folie sans retour.

***

    Je ne sais pas combien de temps passa, avant que cette énième hallucination ne survienne.

    Je n’avais désormais ni le loisir ni la force de faire autre chose. Dormir. Les cauchemars me réveillaient brusquement, de temps à autre. Je m’asseyais, ouvrais les yeux, espérant entrevoir quelque chose, puis constatant que non, évidemment, mes paupières s’abaissaient de nouveau, lentement, comme deux rideaux protecteurs recouvrant mon malheur.

    Cette fois-ci quand j’émergeai, une intuition si forte m’enveloppa, que je me forçai à rester éveillée encore quelques instants, afin d’identifier sa source. Les yeux fermés, immobile, je tentai d’ouvrir mes sens. Mon ouïe, mon odorat, et particulièrement mon toucher se développaient petit à petit, puisque ma vue était hors service. Une odeur infime, discrète, chatouilla mes narines. Cela sentait… Non, impossible !

    Pourtant… J’avançai, me traînant à quatre pattes doucement, jusqu’à ce qui me semblait être une sorte d’hallucination olfactive. Quand j’atteignis le centre de la pièce, mes doigts heurtèrent un objet au sol. Sur le coup, je ne me demandai même pas comment il avait pu atterrir ici. Mes mains avaient immédiatement reconnu la forme qu’elles palpaient, et rapidement, elles coururent vers l’intérieur de l’assiette, car c’est bien de cela qu’il s’agissait.

    J’identifiai en une seconde et demie son contenu : une cuisse de volaille et des petits pois. Il n’y avait pas de couverts, mais je ne m’en inquiétai pas. Mon cerveau étant descendu dans mon estomac, je me jetai frénétiquement sur la nourriture odorante et brûlante, pleurant presque de plaisir et de soulagement.

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