Résolution

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Prask s'en voulait déjà d'avoir accepté. Même si c'était pour la bonne cause. Il y avait de la musique, des gens qui dansaient et des nobles bavares qui discutaient politique. Le ministre aurait préféré être n'importe où plutôt qu'ici. C'était un bal. C'était l'enfer.

Deux jours avant, il était briévement sorti de son bureau pour se rendre chez Lakr. Dans un besoin vital de discrétion, il prit un fiacre. Ce dernier était tiré par des warfers. Pask s'était raidit. Il ne s'habituerai jamais à ces bêtes là. Leur fourure sombre, leurs yeux rouge et leurs dents luisantes ne lui inspiraient pas confiance. Il se força à détourner le regard de ceux qui allaient être son moyen de transport et regarda le cocher. Ce dernier, portant une capuche sombre qui masquait son visage, ne le salua pas. Parfait, cela signifait qu'il était assez anonyme pour voyager sans gène. Après que le ministre soit monté et eu dit une destination, le cocher frappa ses montures de son bâton à pique, l'instrument essentiel pour qui veux se faire respecter d'un warfer, et le fiacre parti. Le voyage fut rapide. Il dura exactement 38 minutes et 51 secondes, calcula Prask. C'était l'avantage de ces bêtes. Elles pouvaient être violente et avoir mauvais caractére mais une fois domestiquées, c'étaient de formidables atouts. Si seulement elles étaient moins intimidantes.

Prask arriva ainsi au manoir de son ami. Enfin, manoir, le mot était faible. Ce qui se dressait face à lui était plutôt un château. Un petit, certes. Mais un château tout de même. Prask paya le conducteur sans broncher. Il fallait bien que son argent serve à quelque chose de toute façon. Enfin, quelque chose de légal, pour qu'on ne se demande pas où son argent partait. Mis à part ce détail, il savait parfaitement quoi en faire.

Il monta les marches menants à la porte. Lakr l'y attendais avec son majordome, Gralgor, un jeune démon typé Legarien, au vu de ses ailes.

- Prask, je suis ravi que tu ais réussie à trouver un instant pour te libérer !

- J'ai pris un peu trop d'avance dans mon travail, je n'ai plus aucun dossiers. Mais ne te berce pas d'illusion, j'en aurais demain.

- Je n'en doute pas. fit Lakr gaiement. Profitons donc du moment présent, dans ce cas. Gralgor, apporte nous deux tasses de thé. Entre, Prask ! Nous serons mieux pour discuter dans le salon que devant la porte.

Prask entra. Cela lui faisait toujours aussi étrange. Allant chez un ami, il ne se sentait plus aussi seul. Presque accepté. Il se sentait plus vivant lorsqu'il parlait à Lakr. Plus fort aussi. Alors il profitait de chaque moment en sa présence. Les deux compères traversèrent le hall, richement décoré, sans trop en faire. Lakr avait bon goût. Ils s'assirent et commencèrent à converser. Sur la cour. Sur leurs travaux respectif. Sur le dernier livre qu'ils avaient lus. Quiconque ignorait le trafic qui les liait n'aurait pas compris qu'il s'agissait d'échange sur des livres interdits, habilement noyés au milieu de sujets ordinaires. Les points abordés étaient de plus en plus sensible. Puis, une fois certain qu'ils étaient vraiment seuls, ils purent parler librement. Ravi de pouvoir partager des idées si dangereuses, dans ce monde où tout est contrôlé, Prask souriait.

Jusqu'au moment où Lakr lui parla de son projet.

- Il est de plus en plus difficile pour nous d'avancer. Nous manquons de soutien et de moyen. La démoniapole a réussi à arrêter encore deux de nos hommes. Ta présence à nos côtés est plus que nécessaire. Mais il nous faut recruter à présent. Nous devons pouvoir compter sur l'appui d'un autre noble.

- Un noble, hein. Et comment comptes-tu faire ? On ne peux pas risquer de se dévoiler. Ou c'est fini pour nous. La seule solution serait d'infiltrer quelqu'un à la cour et tu sais que c'est loin d'être facile !

- Sauf si ce quelqu'un y est déjà.

- Qu'est-ce que tu veux... oh.

Prask venait de tout comprendre. Et le regard légèrement implorant que Lakr lui lançait depuis tout à l'heure pris tout son sens.

- Non ! C'est hors de question ! lança-t-il en se levant brusquement. Je ne remettrais pas les pieds à la cour ! Ces mondaineries me dégoûtes et tu le sais très bien !

- Allons, Prask ! C'est pour la bonne cause. Et tu ne seras pas seul, je t'épaulerais. Mais tu es la seule personne en qui j'ai confiance, ainsi que la seule qui puisse retourner à la cour. Je suis, moi, probablement déjà surveillé. Tu es plus influent et surtout plus discret. Personne peut faire ça à ta place. Prends ça comme une résolution de la Tilfrana ! Tu n'as qu'à dire que tu veux sortir de ta solitude. Précise peut-être même que c'est sous pression de ta direction.

Prask l'écouta, renfrogné. Le raisonement de Lakr était logique. Et c'était probablement nécessaire, après tout la noblesse avait encore beaucoup de pouvoir et pourrait grandement aider la résistance. Mais se fondre dans la foule... c'était trop difficile. Trop ingérable. Parler comme si de rien n'était à ces mêmes gens qui le haïssait en secret, danser à leur bras, supporter leur regard... Comment le pourrait-il ?

- Tu me sûrestimes... lacha-t-il dans un souffle.

- Non, mon ami. Au contraire, je te vois comme tu es. Fort et fiable. La personne dont j'ai besoin.

Prask n'en pouvait plus. Il fit quelque pas dans la grande salle. Puis se rassit face à Lakr.

- Combien de temps notre réseau peut survivre sans cette aide ?

Lakr réfléchit.

- Je dirait à peu près six mois avant que la démoniapole n'arrive jusqu'à moi. Ou peut-être cinq. Et encore.

- Alors je te trouverais quelqu'un dans trois mois. dit sèchement Prask.

Lakr lacha un cri ravi

- Alors tu acceptes ! Merci mon ami, merci ! Je sais le sacrifice que c'est pour toi.

Prask ne répondit rien. Non, il n'en savait rien. Il ne savais que ce qu'il lui avait dit. Ce qui le tenais éloigné de la cour était bien plus fort que la foule, bien plus repoussant que des nobles insupportables.

Car ce qui le tenait éloigné de la cour, c'étaient des fantômes du passé.

- Je n'en suis pas si sûr, Lakr. Seulement, je dois le faire. Ta cause est la mienne. dit-il en regardant sa montre. Je dois partir.

- Reviens dans deux jours, j'organiserais un bal ! Je pense que c'est l'idéal pour que te préparer à ton retour à la cour.

Prask hocha la tête. Lakr souriait, mais il connaissait bien ce sourire. C'était son sourire de façade qu'il lui servait pour la rassurait quand tout aller mal. Celui qui produisait à chaque fois l'effet inverse depuis que le ministre savait le déchiffrer.

- N'oublie pas de cacher tous les livres pour le bal. conclu-t-il en sortant.

Ils avaient discuté pendant 42 minutes et 13 secondes. C'était bien moins longtemps que d'habitude, mais Prask n'avait plus aucune envie de rester. Il se sentait comme... trahit. Quel étrange sentiment que le ressentiment...

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