La Tilfrana

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Le temps sembla passer rapidement. Était-ce parce que Prask avait beaucoup de travail et de propagande à faire ? Possible. Le fait était que le jour fatidique arriva.

Le boulevard manant au palais était décoré du drapeau du régime et de boules rouge vif. Elles représentaient le sang offert à Karalagam, le dieu de la guerre et de la force. Il aurait souvent favorisé les démons au détriment des humains, et pour cette raison le Nouvel Empire Ancestral en avait fait la nouvelle figure majeure du Panthéon. La religion... Voilà bien un domaine qui n'intéressait pas Prask le moins du monde. Karalagam, Jikalko, Kramarjala, tous ces dieux n'avaient cure de ce monde. Existaient-ils seulement ? Qu'en savait-on vraiment ? Bien sûr pas question de dire cela à voix haute, ou c'était l'arrestation assurée. La démoniapole n'était pas la seule police à craindre, dans l'Empire.

Toute la capitale, Kranodépolis, était écarlate à présent, tellement que cela en devenait aveuglant, comme si toutes les autres teintes avaient disparues. Le rouge était déjà la couleur officielle du pays, il avait fallu en plus que ce soit celle de la Tilfrana.

Prask était penseur, légérement à l'écart en haut des marches réservées aux haut-fonctionnaires. Tout le gouvernement était rassemblé, la cour aussi, autour de la tribune officielle. Celle qui servait aux discours. Légèrement en hauteur, d'à peine quelques mètres, elle établissait une hiérarchie claire : l'Empereur, le gouvernement, la noblesse, et enfin le peuple. Tout le monde assistait à cette fête. Prask détestait ça. Tous ces gens, tout ce bruit. Ça grouillait, hurlait, piaillait. La Tilfrana était décidément une vraie corvée, elle représentait tout ce que Prask haïssait dans l'Empire. Le sang, la religion, et les gens.

Enfin la foule se tût. L'Empereur Wakatrash avançait sur l'esplanade. Il semblait fier et conscient de sa puissance dans son manteau de velour rouge. Une autre couleur aurait été surprenant. Il portait également son célèbre masque d'argent au multiple rayures qui faisait ressortir sa peau d'ébène. Ses très long bras auraient presque put toucher terre s'il n'était pas si grand et ses cornes sombres se courbaient vers le sol. Prask voyais rarement l’Empereur. Non pas que ce dernier se cachait, au contraire, il organisait souvent des bals et autres réunions mondaines autour de lui. Mais justement, ce type de divertissement n’était pas fait pour Prask et il n’y allait jamais. Tout murmures cessèrent lorsque Wakatrash prit la parole.

- Chers sujets, bienvenus. Aujourd'hui nous célébrons Karalagam, notre dieu. Aujourd'hui nous célébrons la fin de la ridicule collégialité avec les hommes ! Nous autres démons sommes plus puissants, avisés, sages, et disposons d’une longévité supérieure aux humains. Si Karalagam nous a fait de la sorte, c'est pour que nous ayons un avantage sur eux. Trop longtemps nous avons laissé le choix à ces vermines d'influé dans nos affaires. Mais par la grâce de Karalagam, l'Empire Ancestral est maintenant ressuscité, et les humains n'ont plus rien à faire avec nous. C'est pour cela que nous lui devons toute notre reconnaissance. Et pour cela que la Tilfrana a lieu chaque année. Avant même que les royaumes démoniaques ne soit unifié, nous priions Karalagam en particulier. Sans aucun doute possible, c'est sa force et sa grandeur qui nous ont permi de remporter la guerre. Alors gloire à Karalagam.

Le discours continuait, interminable comme tous les discours politiques, lorsque Prask sentit quelqu’un lui tapoter l’épaule.

- Désolé du retard, mon ami.

- J’ai cru que tu ne viendrais jamais, Lakr. Tu prends des risques, si les gardes t’ont vu arriver si tard, ils vont se douter de quelque chose.

- Voyons, Prask, tu sais bien que je ne prends aucun risque qui ne soit nécessaire.

Prask grimaça. Si seulement c’était la vérité. Son ami avait le don de se mettre dans des situations impossibles. Avec les démones, notamment. Ses cheveux blonds, ses cornes d’argents et son visage d’enfant devaient jouer. Peut-être aussi son élégance, même son masque, plein de belles arabesques, et ses vêtements étaient sophistiqués. Ou alors c’était son rang. Sa position dans la noblesse faisait des envieux et puis, surtout, il possédait un des sangs les plus précieux de l’époque. Même si ce n’était pas exceptionnel, la noblesse n’avait plus autant de magie que dans le temps… En tous cas, il ne manquait pas d’air.

- Nous n’avons pas la même définition de nécessaire. La mienne est bien plus absolue.

- Voilà qui est vrai. Tu devrais peut-être de dérigidifier de temps en temps.

- Tu es déjà la deuxième personne à me dire ça cette semaine. grommela Prask

- Oh, tu as parlé avec deux personnes cette semaine ? Pardon, je te taquine. se reprit Lakr en voyant le regard noir du ministre. Mais je reste sur mes positions. Tu devrais trouver quelqu’un dans ta vie.

- Je pourrais te dire de même, ton inconstance est célèbre. Rappelle moi la liste de tes conquêtes ?

- Tu marques un point. Mais ce ne sont pas des conquêtes. Seulement… des atouts sur notre échiquier.

Prask lui fit signe de se taire. L’Empereur avait terminé. Il venait d’inviter la grande Dekog, la responsable du culte de Karalagam. C'était une très belle démone aux cheveux de jais, vêtue de blanc et de rouge. Prask ne put cependant pas réprimer une grimace de dégoût. Cette femme était loin d’être aussi innocente que le laissait croire le blanc de sa tenue. Il balaya la scène du yeux. Tous les regards étaient braqués sur elle. C’était le moment parfait.

Il sortit discrètement de son long manteau noir deux livres. Sans un mot, sans même un regard, Lakr les prit, et les dissimula sous le sien. L’échange fut rapide, discret, imperceptible.

La grande Dekog commença à mener la prière. Tous, y compris Prask et Lakr, la suivirent. Gloire à Karalagam, disaient-ils.

Mort à l’Empire, pensaient-ils.

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