Comme à mon habitude, je me force encore à écouter les hurlements de ma mère :

« Qu’est-ce que j’ai fait pour que tu deviennes comme ça, hein ? Tu ne fous rien de ta vie !

- Qu’est-ce que tu veux que je fasse…

- Va te doucher au moins ! Déjà que t’es moche, alors si tu pues…

Je baisse la tête, rouge de honte.

- Dépêche-toi ! »

  Elle me pousse violemment, si fort que ma tête se cogne au coin de la table du salon. Tremblante, je me relève, mes affreux maux n’arrangent rien.

  Je vais dans ma chambre en claquant la porte, puis je m’effondre sur mon lit, en plongeant dans mes pensées.

  En fait, ma mère a raison : je suis nulle, je suis moche, je suis trop grosse, j’ai le visage couvert de boutons d’acnée, j’ai des cheveux emmelés…

  Je suis tellement laide.

« Ça va mieux ? » demande la petite voix dans ma tête. J’aime bien lui parler, j’ai l’impression que c’est la seule qui me comprends, elle me rassure.

- Non, ça ne va pas. »

  En ce moment, enfin, depuis trois ans environ, je vais très mal. J’essaie de fuir mes problèmes, mais je ne fais que me renfermer sur moi-même.

  Depuis la mort de mon père, j’ai l’impression que tout s’effondre. Dans ma tête, tout est mélangé et autour de moi c’est bien pire. Ma mère n’est vraiment plus la même.. Elle était auparavant très souriante, et elle m’a toujours soutenu. Elle est devenue violente, me rabaisse tous les jours, me répète qu’elle ne m'aime pas, qu’elle regrette de m’avoir eue.

  Depuis plusieurs mois, elle se noie dans l’alcool et les cigarettes, et c’est à partir de ce moment que ma famille s’est complètement détruite.

  Je chuchote « Qu'est-ce que j'aimerais pleurer, pouvoir verser une larme, juste une. C'est impossible, voilà des mois que je ne pleure plus. J'ai déjà tout versé, on pourrait dire que mon corps est déshydraté. »

  Bien sûr, rien ne sort de mes yeux alors je m'énerve. Je frappe mon lit, crie dans mon oreiller, rien ne marche, je suis toujours agacée. Mon casque aux oreilles, je prends mon téléphone et mets ma playlist favorite. En fermant les yeux, je tente de m'apaiser avec “Lost on you” de Lewis Capaldi.

***

  Il est 3h du matin, et moi, je suis toujours éveillée. Mes pensées prennent le dessus : qu'est-ce que je suis laide, qu'est-ce que je suis nulle, je suis chiante, je ne mérite rien, et je n'ai jamais rien mérité.

  Je suis en trop dans cette vie. Je ne sers à rien et puis, si je meurs, ça changera quoi ? Hein ? ce serait même mieux, je rejoindrai mon père renversé par cette foutue voiture.

 Je veux me punir, me punir d'être là mais de ne servir à rien, me punir car c'est moi qui empêche ma mère de vivre normalement, du moins c'est ce qu'elle m'a toujours dit...

  Je prends une grande respiration et avec la lame de mon ancien taille-crayon, je me coupe. J'ai tracé un trait que j'appelle “moi”, un autre que j'appelle “maman”, puis le dernier, “papa”. Je barre Papa, je le gribouille, il n'est plus là ; voilà mon bras maintenant plein de coupures. J'enfonce la lame dans mon poignet, sur Maman. Je la détruis, je la frappe, je la mord, mon poignet devient bleu. Ça m'a éclaté le bras, mais qu'est-ce que ça m'a fait du bien. Du sang sort de partout, mon bras en est tout rouge.

“ - Putain Jade, pourquoi t’as fait ça ?

- Arrête de me faire culpabiliser. Tu sais très bien pourquoi. Imagine toi souffrir, mais tu peux faire une chose qui te permet de déverser toute ta haine. C’est ce que je viens de faire, tu comprends ?”

- Oui, je comprends... bonne nuit maintenant.”

  Fatiguée, je disparais dans mes rêves... et mes cauchemars.