CHAPITRE 2

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« Réveille-toi ! Aujourd’hui tu vas en cours ou tu diras au revoir à ton téléphone, c’est compris ? »

  Encore une journée qui commence avec les louanges de ma mère. Je tourne ma tête et vérifie l’horloge. Deux heures et demie. Je n’ai dormi que deux heures et demie. Et encore, je me suis couchée tôt comparé à d’habitude.

  Je ne veux pas aller au lycée. Je n’y suis pas allée depuis au moins deux semaines. Ma mère, voyant que je ne me lève pas, tire mes cheveux et me dirige vers la salle de bains.

« Commence par te doucher ! »

  Je me contente de marmonner mais je prends du courage et pars me laver. Oui, je sais, ce n’est sûrement rien pour vous, mais pour moi, c’est beaucoup. Je n’arrive pas à prendre soin de moi, ni de rien. Ma chambre est en bordel, je ne mange plus mes repas correctement, je grignote, je ne me coiffe pas…

  L’eau chaude coule sur mes blessures. Ça pique énormément. Je tente de garder le silence, mais malgré cela, un léger bruit sort de ma bouche. Mes traces deviennent rouges, certaines enflent même. Je diminue considérablement la chaleur de l’eau, elle devient carrément glacée. Ce n’est pas grave, ça fait beaucoup moins mal, c’est le principal.

  Après être sortie de ma salle de bain et habillée avec des vêtements sales de quelques semaines, je prends un Kinder, mon sac avec quelques stylos et un cahier de brouillons, et je sors.

  Au bout de la rue, je vois mon bus à l’arrêt. Il va redémarrer. Je cours le plus rapidement possible, mais rapidement, je m’essouffle et vois le véhicule passer sous mes yeux.

  Imaginez deux secondes une grosse asthmatique courir une demi-heure. C’est impossible. J’arriverais en retard, mais jamais je n’irais au lycée à pied. J’avance jusqu’à l’arrêt et m’assois, ma tête posée contre la vitre.

  Quelques minutes après, je monte dans le bus, glisse un ticket dans la machine et pars m’asseoir tout au fond. Il fait trop chaud. En même temps, en cette saison d’été, j’ai mis un gros pull histoire que cacher mes lésions au bras.

  Accueillie par une surveillante sévère du lycée, je me prends directement une heure de colle pour être arrivée en retard et avoir laissé mon carnet chez moi. Je vais en salle de permanence, là où tout le monde m’observe. Ils doivent se demander pourquoi j’ai été absente si longtemps.

  La surveillante aux cheveux de paille et au lunettes aussi carrées que sa mâchoire rajoute une couche à mon malaise en criant à sa collègue :

« Regarde qui j’ai trouvé à l’accueil !

- Avec quarante minutes de retard, en plus ! rétorque son adjointe.

- Jade, la prochaine fois, tâche d’être à l’heure. »

  Je baisse les yeux, tous les élèves me regardent, j’en entends qui marmonnent. Je pars m’installer sur une table bien éloignée. Discrètement, j’attrape les écouteurs dans mon sac, les glisse dans ma manche et parviens à écouter un peu de musique.

  Les regards persistent, les jugements se font parvenir à mon oreille. Ils me font perdre le contrôle de moi-même. D’un coup, d’énormes maux de têtes viennent alors, j’ai peur de rester ici. Mes mains deviennent moites et mes jambes se transforment en chamallow. Je m’effondre au sol, à bout de forces.

***

  Je me réveille à l’infirmerie de l’école, aux côtés d’Emily, la seule personne que j’aime bien dans cet établissement. Elle me comprend, et ne m’a jamais forcée à faire quelque chose. Emily est déjà passée par là, c’est ce qui fait que je suis très à l’aise avec elle.

« Je suis contente de te revoir au lycée, tu sais ?

- Quelqu’un heureux de me voir ? Ça change de d’habitude…

- Dis-moi, pourquoi tu n’es pas venue pendant si longtemps ?

  Elle prend ma main, et la serre dans les siennes.

- Je… je ne sais pas. Je déteste l’école. Quand je viens, il y a toujours des yeux plongés sur moi. Les gens me jugent, avec leurs amis, ou même juste dans leur tête.

  Emily n’a même pas le temps de répondre que la directrice entre dans la petite salle.

- Bon, ça va mieux ? me dit-elle, insouciante de mon mal-être

- Oui, je réponds sans grande conviction

- D’accord, mais je pense que ton état ne te permet pas de rester ici. Nous avons appelé ta mère, elle t’attend. »

  Je serre fort la main d’Emily, je ne veux pas voir ma mère. Je me lève tout de même, forcée par les paroles de Mme Casiet.

  Près du portail, j’aperçois ma mère, souriante, contrairement à d’habitude.

« Tu vas bien, Jade ? Je me suis inquiétée ! » Je ne la regarde même pas et fonce dans la voiture, la tête baissée. Elle me suit aussitôt, après avoir remercié les autres adultes.

  Une fois dans le véhicule, elle me donne brusquement une gifle.

« C’est quoi encore ce cinéma ?! A la maison, je te préviens, ça va être ta fête ! »

  Je verse une larme, mais reste silencieuse jusqu’à la fin du trajet.

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