Premier contact

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A des kilomètres de là – treize virgule neuf kilomètres très exactement de l’emplacement de la scutigère au centre de la baraque où elle se trouvait – le docteur Miranda s’habillait. Une lumière oblique léchait ses jambes, exacerbant les contrastes cuivrés de son bronzage sans trace, à peine troublé par le passage rapide d’un string qui en roula sur toute l’interminable longueur. Un doigt expert vint placer la ficelle de la lingerie au centre de la fente de ses fesses, la faisant disparaitre entre ces deux masses rondes composée du mélange parfait de graisse et de muscle. La face avant du sous-vêtement, en dentelle sombre, vint masquer la fine toison pubienne parfaitement taillée qui lançait un voile de mystère sur la fente lubrique de la scientifique.

Elle se retourna en face d’un long miroir à pied qui lui reflétait l’entièreté de son buste jusqu’au niveau du cou. Elle fit la moue, soupesa ses deux petits seins entre ses paumes pour les remonter et les écraser. L’effet de ce push-up éphémère sembla lui suffire à oublier la seule partie de son corps qui lui laissait encore quelques complexes, bien qu’elle eût assez vus de regards masculins – et pas que – lorgner sur ces deux bosses de chairs pour ne pas douter de leur effet dévastateur. Mais malgré une taille menue, ses boobs avaient la rondeur et la forme parfaite. Une vraie cale pour les mains baladeuses, l’anatomie idéale.

Elle les détailla encore un instant, parut satisfaite. Retourna à son dressing.

Dehors, le soleil rageur de l’été laissait place au ciel mauve du crépuscule. Des groupes de sérotines sillonnaient les cieux à la recherche de leurs casse-croûtes diptères tandis qu’au loin deux corneilles croassèrent avant d’être chassées par le vol silencieux d’une Effraie. Moins loin, entre les troncs alignés des thuyas qui entouraient la maison du docteur Miranda, le mouvement furtif d’un insecte. D’un insecte ? Miranda aurait haussé les yeux au ciel si elle eût entendu ça : le « truc » n’avait ni six pattes, ni des ailes, ni aucune de toutes ces caractéristiques qui fait qu’un insecte est un insecte. Il s’agissait précisément d’un myriapode, un de ces machins à beaucoup trop de pattes, qui marche beaucoup trop vite et qui a une gueule de putain d’alien terroriste. Plus précisément d’une scutigère, ou pour les biologistes en herbe latinistes, une Scutigera coleoptrata.

Le docteur Miranda ne la remarqua pas, là, sous ses thuyas déjà envahis d’araignées qui pénétraient sa chambre et se punaisaient sur les murs en crépi pour la terroriser à son réveil. Elle ne la remarqua même pas lorsqu’elle se faufila entre les deux battants de la fenêtre entrouverte, probablement attirée par les odeurs de nourriture qui suintaient de cette ouverture artificielle. Le mille-pattes disparut presque aussitôt sous une plinthe.

Si elle l’avait noté, la scientifique se serait sans doute approchée, malgré son plus simple appareil. Un coup d’œil expert à ses tergites en forme de boucliers et à sa manière de se déplacer en mode formule un. Sans doute lui aurait-elle tourné le dos sans l’écraser – ce qu’aurait fait la plupart des femmes et hommes dotés de conscience dans ce monde et aurait évité le désastre qui a suivi – et aurait continué ses essayages en se répétant son nom latin en boucle, à haute-voix. Elle trouvait sexy, le latin. Parfois, elle s’amusait à parler la langue morte à un amant attaché à la tête de lit tandis qu’elle se trémoussait autour de lui en blouse blanche de laboratoire. Et elle avait déjà remarqué l’effet que faisait cette nerd touch sur le membre viril de ses conquêtes.

Mais elle ne l’a même pas vue.

Elle se contenta d’enfiler la dernière touche à sa tenue : un coup de parfum sur sa nuque et entre ses cuisses, puis disparut en éteignant la lumière derrière elle. Les ténèbres devinrent le royaume de la scutigère.

Deux heures plus tard, l’homme qu’elle avait harponné via Tinder se trouvait à la position des milles amants qui l’avaient précédés: totalement nu, les jambes légèrement écartées pour former un angle à peine inférieur aux nonantes degrés, les bras entravés par deux menottes de cuir à la tête de lit et les chevilles au cadre de lit. Aucun mouvement n’était possible, si l’on excluait les quelques centimètres à gauche ou à droite que permettaient les entraves. Et dieu sait si elles étaient solides : Miranda choisissait rarement des Don Juan mal charpentés. Tablettes de chocolat dessinés avec la définition d’un Rodin, bras gonflés de testostérone, jambes musclées – il n’y avait rien de plus dégueulasse pour la scientifique qu’un fitness addict qui skippait la session jambes et se retrouvait avec le syndrome jambes de poulet – belle gueule selon la définition la plus objective du terme, cheveux courts, barbe de bûcheron pas trop longue, surtout pas de pornstache à la mode. Bref, il se ressemblaient tous et la seule réelle surprise qui l’attendait au moment du déballage était la taille de la verge du monsieur. Souvent, elle n’avait guère été surprise : faut dire que les gars qui ont des choses à compenser se remarquent aisément avec un peu d’expérience… Trop de signes extérieurs de richesse, une voiture trop exubérante, une trop grosse gueule. Mais rarement elle avait été déçue. Elle aimait même à dire que plus ils l’avaient petite, plus ils savaient s’en servir habilement. Théorie qui marchait seulement au-dessus d’un certain seuil tout de même.

Lui – Jean ? Non, il avait un prénom biblique mais certainement pas Jean – en avait une de bonne taille. Dix-huit, dix-neuf elle dirait. Quelque chose comme ça. Deux mains sur la longueur ne suffisaient pas à la couvrir totalement et elle aimait bien ça. Ce qu’elle aimait également, c’était les déshabiller et les attacher rapidement, avant qu’ils ne bandent, et les prendre en bouche immédiatement. Ainsi, elle les sentait grandir en elle. Elle sentait, sur sa langue, puis jusque dans sa gorge, l’effet qu’elle produisait sur le membre de ses monsieurs. Et ça, les gober et les sentir se gonfler, ça la faisait tout de suite tremper ses culottes.

Lui – Ezechiel peut-être ? Elle devrait checker sur l’appli avant de faire une bourde – elle l’avait fait jouir en dix minutes. Entre ses lèvres. Elle avait avalé une partie, elle adorait le goût du sperme généralement, sauf quand il était trop aigre. Celui d’Ezechiel (ou Noé ?) était parfait. Un sucré salé étrange, presque troublant. Son sexe reposait désormais entre ses cuisses écartées, mi-vaincu, mi-glorieux, avec une traînée de sperme entrain de sécher sur les draps.

- Tu veux un thé ?, lui demanda-t-elle en disparaissant à la cuisine, prenant soin de bien dandiner son cul avant de se laisser avaler par l’encadrement de la porte.

Mais il n’y eût aucune réponse. Faut dire que le bonhomme était bâillonné par une boule de plastoc attachée par une bandelette de cuir qui lui faisait le tour de la tête.

- Dis-moi si t’es mal à l’aise, je te détacherai hein.

Toujours aucune réponse, comment aurait-il pu.

Pendant ce temps, dans la chambre, entre odeurs de corps s’ayant aimés et de draps mouillés, la scutigère fut tiré de ses songes arthropodes et s’extirpa lentement de sa plainte. Elle traversa avec la vélocité d’un éclair l’étendue de parquet qui la séparait de l’ombre salvatrice du lit, puis s’agrippa au pied du lit de ses multiples pattes parfaitement synchronisées. Y grimpa. Mathieu – était-ce réellement Mathieu ? – ne remarqua rien.

Rien du tout.

Du moins jusqu’à ce qu’elle émerge de la couverture, pile entre ses jambes ouvertes par les menottes refermées sur ses membres. Il eût un mouvement de recul qui ne lui fit que taper violemment sa tête contre le crépi du mur. Il voulut crier, mais aucun son ne franchit le bâillon sinon un timide chuintement ridicule et un filet de bave qui s’échappa de ses lèvres.

- Patiente mon chou, si tu rebandes quand j’arrive peut-être que je te permettrait de me la mettre…

Miranda savait pertinemment que les gars adoraient qu’elle les suce, mais qu’une fois ce c’était fait c’était dans sa vulve qu’ils désiraient jouir. Pourtant, Gabriel – le gars quoi – ne se débattait pas pour ça. Lui assistait au spectacle terrifiant de cette boule de pattes devancée de mandibules massives s’avancer vers son sexe. L’insecte (il savait que ce n’était pas un insecte mais ne connaissait pas le nom de ces monstruosités) continuait, malgré ses mouvements. Peut-être avait-il compris qu’il était entravé, qui sait ? N’empêche qu’il s’avançait. S’avançait. Encore. Encore. Jusqu’à frôler le bout de son gland. Il voulut hurler, plus fort, mais cela ne provoqua rien que l’augmentation de la pression sanguine dans son encéphale, qui colora son visage en carmin presque fluorescent et fit sortir une veine battante au niveau de sa tempe.

Les membres tactiles du bidule – quelques centimètres seulement, mais il parut énorme à l’homme entravé – tâtaient le sperme qui maculait le drap blanc. Il aurait juré qu’il voyait la bestiole le boire. Mais oui ! C’était ça ! Il voyait clairement le mouvement spasmodique de ses mandibules avaler l’espèce de slim couleur crème qui s’était écoulé de son pénis à moitié flasque. Goulument, il l’avalait. Et à mesure que son liquide séminal disparaissait dans le corps de l’insecte, ses pattes ondulaient pour le rapprocher toujours plus du gland à moitié au repos de son sexe.

A nouveau, il banda tous ses muscles, fit exploser les influx nerveux pour activer ses cellules musculaires, gonfla ses pectoraux, ses biceps et ses cuisses, mais rien ne fit. Le cuir se contentait de mordre un peu plus dans la peau de ses articulations sans lui permettre la moindre marge de mouvement.

Et indubitablement, l’insecte progressait. Jusqu’à ce qu’il ne touche son sexe.

C’en était trop.

Il respirait trop fort. Beaucoup trop fort. La sueur perlait sur son front. La veine qui paraissait à la surface de sa tempe semblait sur le point d’exploser. La pression globale dans son encéphale avait triplé, faute à ces cris qu’il tentait d’éructer sans que la boule de plastique ne permette au moindre son de passer la barrière de ses lèvres.

Son corps, à l’interne, comprenait le danger que représentait cet insecte si près de ses parties génitales, mais était plus inquiété par ses valeurs vitales : taux d’oxygène dans le sang beaucoup trop bas, acidité maximale du plasma sanguin, pression à la limite de l’inacceptable et taux de sucre dans le sang en chute libre. Quelque chose se passa dans son cerveau, comme un fusible qui saute, probablement pour éviter qu’il se vomisse dessus et finisse étouffé. Ou qu’il se bute en se faisant exploser la cafetière. Il tomba dans les pommes. Tous ses muscles se relâchèrent, y compris ses muscles périnées, ce qui eût pour effet de lâcher une petite coulée de sperme supplémentaire par le méat de son gland.

La scutigère fût étonnée par ce mouvement subit, puis comprit qu’il s’agissait là de la source de sa nouvelle nourriture si protéinée. Elle passa ses mandibules, puis sa tête tout entière dans l’ouverture percée au sommet du pénis de l’homme attaché. Puis, se contorsionnant de manière presque comique, elle disparut totalement dans le canal urinaire du monsieur. La bite s’agita quelques instants sous les mouvements de ce nouvel hôte interne, peut-être aussi car les sensations créées par ces dizaines de pattes en raclements synchrones titillaient quelque peu les nerfs situés dans cette région.

Lorsque Mélinda réapparut, elle ne comprit rien de ce qui s’était passé.

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