Premières fois

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– Attends, attends deux secondes…

Al s’arrêta, la main plongée dans un vieux sachet plastique troué où s’entassaient une centaine d’emballages de capotes dont la bonne moitié devait être périmée. Il la retira en heurtant le levier de vitesse.

– Quoi ?

Il releva les yeux sur Jeanne, qui s’était détournée comme pour lui priver de la vue de ses seins. Rares, ses seins. Rares et menacés, comme ces putains de peluches vivantes qu’on entasse dans des pseudos-réserves naturelles chinoises pour les engraisser de bambous. En voie de disparition, des seins pareils. Ce port haut, combattant avec l’aisance d’un Kubrick au meilleure de sa forme la gravité, aux auréoles généreuses ponctuées en leur centre d’un téton dur comme une pointe de rubis. Leur lourdeur que l’on devinait à la forme arrondie qu’ils prenaient, pendant sur cette poitrine. Lourds. Et leur léger empâtement, là où le sein de gauche empêchait celui de droite : un acte de dieu. Un pur putain d’acte de dieu.

Elle se retourna pour le fixer. La lumière pâteuse d’un lampadaire lointain éclairait de jaune ses pupilles vertes, dessinant une large ombre sur la moitié de son visage. Là, dans ces ténèbres, l’avarice de la lumière empêchait de détailler les imperfections qui constellaient sa face. Al se rappelait d’ailleurs s’en être moqué, avec ses potes, il y a quelques mois. Ils l’appelaient la calculette, dans son dos. La binoclarde acnéique.

– Je suis vierge.

Al sourit. C’était exactement à quoi il s’attendait. Une vierge. Une putain de vierge. Demain, il pourra s’en targuer devant tous ses potes. Il l’avait défloré. Il avait décapsulé la calculette.

– Je m’en fiche, jolie, fit-il en lui passant une main dans les cheveux.

En y pensant, il sentit une giclée de sang supplémentaire irriguer son pénis déjà dur en diable. Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur pour s’assurer que la ruelle était toujours vide. C’était bien le cas. En vrai, cette impasse n’était fréquentée de personne d’autre qu’une poignée de clodos dormant désormais dans le centre de nuit et leurs cousins les rats, infestant les poubelles qui s’entassaient de part et d’autre de la rue. Ils ne risquaient pas grand-chose. Et d’ailleurs, la buée commençait à faire son œuvre en courant les vitres et le pare-brise d’une épaisse purée de petits pois.

– Tu me remercieras plus tard, lâcha-t-il en baissant son pantalon.

Jeanne descendit lentement son regard le long du torse musculeux d’un blanc laiteux d’Al, jusqu’à s’arrêter sur la grosseur allongée qui déformait son boxer. Elle n’avait jamais vu ça. Son sexe, son sexe dépassait du sommet de l’élastique de son sous-vêtement, comme une étrange bestiole dépourvue de fourrure, un rat-taupe nu peut-être, rosâtre, arrondi comme une fraise Tagada, qui se frayait un chemin jusqu’à l’air libre. Bien qu’elle ne pût, l’espace d’un instant, détacher ses yeux de la forme qui tendait le tissu, son ressentit n’était qu’ambivalent. Excitée, sûr qu’elle l’était. Elle sentait même de la mouille s’échapper de sa fente et couler le long de ses cuisses. Mais un autre sentiment se mêlait à celui-ci. Un sentiment plus sombre, qui s’apparentait à de la colère, à de la colère assortie de violence.

– Ne bouge pas, qu’il fit en baissant cette fois-ci complètement son boxer. En émergea une bite longue mais affûtée, ressemblant à un Caran d’Ache mal taillé, veiné de manière exagérée si bien qu’elle songea, l’espace d’un instant, qu’elle ne pouvait pas être gonflée qu’avec du sang. Il devait bien il y avoir de l’hélium dans cette étrange baudruche de chairs. Qu’il suffisait d’une petite aiguille, d’une seule petite aiguille pour la faire exploser. Mais il se leva, enjamba le levier de vitesses et passa sur son siège à ce moment, l’arrachant à ses pensées. Elle avait une bite à cinq centimètres du visage.

Sa première pensée fleurit à cause de l’odeur qui l’assaillit soudainement. Sa bite puait. Une odeur prenante, salée, mêlant odeur de fromage et relents de vieilles marées. Elle avait déjà senti sa chatte, une fois, en revenant d’un camp de ski avec l’école. Elle s’était assise pour pisser et, étonnée par une odeur particulière, y avait frotté l’index et le majeur et se les étaient ramenés au nez. Elle avait bien cru dégueuler. Mais là, là c’était pire. Après tout, c’est peut-être une loi de la nature supplémentaire, complètement logique au final : si une teub ça ne puait pas, on finirait plus qu’à tous faire du sexe oral, on n’est pas fous. Et si on ne faisait plus que du sexe oral, ce serait la fin de cette putain d’MST appelée engrossement. Fin des bébés. Fin des Hommes en général. Fin du monde. De notre monde à nous, j’entends. Donc la sacro-sainte loi de l’évolution s’est emparée du problème et d’un coup de baguette magique a trouvé la solution : elle a donné plus de reproduction aux gars qui puaient de la teub. Ceux qui sentaient bon du zguegue ont fini par disparaître, la faute à une descendance aussi rare que les poils de bite sur un pubis de cancéreux, et les fromageux-d’la-queue ont explosé.

Bref.

Alors oui, la teub ça pue en général… Mais la sienne, Jeanne se dit qu’elle…

Mais à nouveau elle n’eût le loisir de maïeutiquer ses pensées qu’elle se retrouva avec une bite dans la bouche cette fois-ci. Dans la bouche. Et vu sa tête, ses yeux révulsés d’étonnement et sa mine dégoûtée, il y avait fort à parier que le goût était guère mieux que l’odeur. Et ce membre, chaud, roulé comme une étrange baguette de pain tiède, se retrouvant ainsi propulsé entre les lèvres innocentes de Jeanne ne fit qu’enfler la sensation de malaise qu’elle ressentait avant, cette salade d’excitation et d’énervement crasse.

Pourtant elle ne le repoussa pas.

C’était la première fois qu’un garçon lui mettait son membre dans sa bouche et ça risquait de ne plus arriver de sitôt, elle n’était pas cruche. Elle savait que ce troufion d’Al la traitait de calculette en classe. Elle le savait pertinemment. Elle était également au courant de ses remarques continues concernant son tour de taille un peu trop kinderbuenoisé et ses fesses qui faisaient des tsunamis lorsqu’elle marchait.

Alors voilà, Al était un connard mais Al acceptait de la ramoner. Et cela ce n’était pas rien. Une fois ce sale moment passé, elle serait au moins délivrée du poids d’être encore pucelle. Ça la travaillait tellement, cette connerie. Parfois, elle en faisait des insomnies. Et plus elle regardait des films de Zach Efron, plus elle regrettait de ne pas trouver d’étalon pour lui faire péter la rondelle. Non, non décidément…

(A ce moment elle se dit : j’ai une bite dans la bouche et je ne bouge pas, et cette phrase interrompit ses pensées).

Là où elle voulait en venir, avant de commencer à branler Al avec sa bouche activement, était que sa virginité était un poids. Elle n’osait pas en parler, elle feignait toujours l’avoir déjà fait, plein de fois même, et connaître plein de trucs, et puisqu’elle traînait parfois sur des sites porno et qu’elle sortait du vocabulaire spécifique, ça réussissait à faire illusion. En plus, elle avait eu des plans avec des gars, des puceaux eux-aussi, sans qu’il ne se passe jamais rien et sans qu’eux-mêmes ne sachent qu’elle était vierge. Et ça c’était la couverture parfaite pour dissimuler aux yeux des autres sa propre virginité.

Là où l’innocence du pucelage relevait jadis d’un honneur et d’une obligation, c’était désormais pour les filles d’aujourd’hui, baignée dans une société pornophile malade, l’exact opposé. Dommage que l’intersect des deux propositions, soit un libre choix à garder sa virginité le plus longtemps possible ou au contraire son don aux plus offrants, ne soit pas devenu la norme, loin du jugement, des railleries ou de la honte.

N’empêche que dans cette voiture perdue comme un radeau flottant dans une mers de déchets au fond d’un estuaire dessiné par ce cul-de-sac détraqué, Al se trouvait les pieds nus de part et d’autre du siège de Jeanne, le buste recroquevillé par-dessus le siège, la tête de l’autre côté de l’habitacle et les mains tenant avec fermeté les joues de Jeanne pour qu’elle le suce avec force. En vrai, plus qu’elle ne le suçait, il lui violait la bouche, sa bite effilée tapant au fond de la gorge de la petite déclenchant en elle à plusieurs reprises des réflexes de déglutition. Ses coups de reins faisaient claquer ses couilles contre la pomme d’Adam inexistante de Jeanne qui, les yeux fermés, endurait le calvaire avec cette seule idée qui dessinait un semblant de fond du tunnel : dans une demi-heure max je ne suis plus vierge.

Et tandis qu’il accélérait les allées et venues dans sa bouche, elle pensa à l’inévitable. L’inévitable drivé par trop de films à l’éclairage pété ronflant sur un sofa noir où s’enculaient deux bestioles accouchée par notre société déviante : le mâle phallo-centré gonflé de testostérone jusqu’au col roulé des couilles dominant la belle blonde fine au gros cul et seins botoxés. Et le spectacle numérique filmé à la pisse de finir en apothéose finale traduite en raz-de-marée de sperme dans la bouche (ou mieux sur la bouche) de la conquête.

Et elle savait que ça se passerait ainsi. Qu’il ne la préviendrait pas, ce connard. Ce trou du cul adolescent, trop maigre, trop gras, trop insignifiant, puant de tous les pores et surtout de cette graisse blanchâtre qui ceignait son gland. Elle le sentit se tendre. Entendit le grognement trop aigu qui s’échappa de sa gueule orthodontique. Puis sentit la première giclée gluante enduire le fond de la gorge. Et un instant, elle crût que ça allait passer, qu’il allait jouir au fond de son gosier et qu’elle n’aura pas à subir l’amertume âcre de ce sperme trop longtemps fermenté au fond de ses couilles mal-vidées. Que l’étrange béchamel organique allait finir directement dans son œsophage sans passer par la case pupilles gustatives, déjà bien mises à mal par l’odeur même de sa teub. Mais le connard se retira trop tôt, si bien qu’il gicla encore deux fois : une fois contre ses molaires, une fois au beau milieu de sa langue. Et sa bouche se retrouva bientôt tapissée de ces glaires séminales épaisses dont elle ne savait comment se débarrasser. Avaler ? Avaler cette merde blanche pour en oublier le goût ? Ou cracher, cracher le plus vite possible ? Mais où ?

Elle choisit la première option. Tenta de s’éviter de vomir. Eût deux soubresauts. Voulut dégueuler encore.

Il ne se rendit même pas compte.

Mais pourtant une image se fixa immédiatement dans l’esprit de Jeanne. Une image qui l’avait hantée souvent, issue d’un vieux powerpoint usé jusqu’à la moelle, projeté lors d’un cours de santé sexuelle. L’image rosâtre présentant plusieurs formes d’hymen, ce satané hymen, barrage de chairs solides, seul témoin de sa virginité honteuse, seul témoin externe à elle-même. Ce simple bout de peau qui cachetonnait son sexe comme un tampon de cire la lettre. Elle le voyait éclater sous les coups de reins de cet amant immonde. Elle visualisait clairement ce sexe dans son sexe. Ce pieu frêle mais long. Elle voyait sa tête heurter la barrière de chairs, la sentir se tordre en elle-même. La douleur irradier son bas-ventre et elle, d’en redemander plus, encore plus. Il fallait qu’elle la détruise. Qu’elle la démonte. C’était le moment où jamais…

Pourtant, le sexe qui se balada encore devant ses yeux tandis qu’il l’enjambait dans l’autre sens pour reprendre place sur son siège ne donnait pas l’apparence fière d’un bélier moyenâgeux qui défoncerait la porte gardée de sa virginité. A moitié flasque, il pendait entre ses cuisses blafardes comme un étrange ver qu’on aurait équipé d’un col-roulé à demi-remonté. Ver dont la bouche laissait s’échapper un long fil visqueux du liquide de vie ivoire qui tapissait encore la bouche de Jeanne de son goût aigre.

Elle pensa à ses cours de yoga, respira une grande golée d’air par le ventre, ferma les yeux, expira, puis ôta son haut. Elle savait que de son corps si quelque chose pouvait bien faire bander un mort ce serait ses boobs. Ces sphères de chairs aux tétons fins qu’elle portait si haut sur sa poitrine qu’elle se demandait parfois si les conneries que son prof de physique lui racontait sur la gravité n’était pas finalement que du bullshit.

Concentre-toi, Jeanne. Oublie tout. Oublie ce putain de goût dans ta bouche et fais-le bander. Utilise ce putain de connard pour te débarrasser de ta virginité une bonne fois pour toutes.

Elle se pencha sur lui et, se rappelant les films sur lesquels elle se touchait parfois, elle commença à se malaxer les seins à quelques centimètres de son visage à lui.

- Ohhh, tu fais quoi là ?, qu’il fit.

Mais elle continua comme si de rien n’était. Les mains de chaque côté de sa poitrine, écrasant ses obus mammaires dont elle faisait tournoyer les pointes rubis à quelques centimètres à peine de sa bouche à lui, sans toutefois jamais l’effleurer.

- J’ai envie que tu me démontes, Al. J’ai envie que tu me prennes… comme une chienne.

Un relent remonta jusqu’à ses narines, probablement l’odeur de sa queue ou alors de ses chaussures dont il venait de se délester, mais l’envie de vomir se fit à nouveau présente et le goût du sperme dont elle n’arrivait pas à se débarrasser la bouche envahit son esprit. Elle reprit ses respirations abdominales sans toutefois arrêter les mouvements de ses seins.

- Tu ? Tu quoi ?

- Prends-moi connard !

D’une main, elle lâcha un sein qui ne s’affaissa nullement et fouilla entre ses cuisses pour trouver sa bite maladroitement. Elle était détrempée de ce qu’elle identifia comme son foutre, mais entre ses doigts elle le sentit très rapidement reprendre du poil de la bête. C’est tout juste si elle ne sentait pas son cœur battre au centre de sa verge.

- Ah salaud ils te font de l’effet hein. Ils te font bander ces putains de seins…

Et alors elle les écrasa contre son visage, en prenant soin de passer un des tétons contre ses lèvres. L’effet fût quasi-immédiat. Il redevint dur comme la pierre.

- Mets-la moi, putain. Mets-la moi.

Elle cracha alors dans sa main, se disant qu’elle n’était pas prête à s’attendre mouiller : plus vite l’affaire était réglée, plus vite le supplice s’arrêterait. Elle cracha alors dans sa main et en enduisit ses lèvres, à la pilosité négligée. L’aidant de son autre main, elle dirigea le sexe à nouveau érigé en direction de son trou.

- Putain attends, la capote. Mets une capote !

Jeanne soupira. Elle avait oublié ce détail et vu comment sa teub luisait de sperme, elle se dit qu’il s’agissait d’une sacrée erreur. Manquait plus qu’elle tombe enceinte de ce connard. Elle farfouilla alors dans le sachet à préservatifs et en sortit un emballage qui semblait moins vieux que les autres, l’ouvrit difficilement et tendit le bout de latex à Al qui l’enfila non sans peine.

- Vas-y ma belle, maintenant tu peux rider…

Elle eût une troisième montée de gerbe à cette phrase, mais elle se concentra. C’était le moment à ne pas foirer. Et elle comptait bien la perdre, sa putain de virginité. Elle n’avait pas enduré tout ça pour ça…

Alors elle saisit la base de la queue de ce connard, la saisit bien solidement entre ses phalanges en la serrant peut-être un poil trop – avait-il couiné ? Elle s’en branlait de toutes manières, c’était pas là-dessus qu’elle se concentrait – et se l’enfonça. D’un coup. D’un coup beaucoup trop fort. Elle eût l’impression de se déchirer de l’intérieur. Y avait-il eu un craquement ? Elle n’en savait rien. Elle passa ses doigts autour de sa vulve, sans récolter la moindre goutte de sang. Avait-elle déjà percé son hymen ?

Elle recommença des allées et venues sur ce pieu, contractant ses cuisses et son cul pour remonter, puis descendant avec violence jusqu’à ce que son cul claque contre ses cuisses à lui. Elle le faisait avec violence. Une violence qui devait lui assurer de rompre ce putain de bout de peau qui devait être corné depuis le temps qu’elle était vierge. Mais malgré la douleur diffuse qui brûlait son bas-ventre, toujours pas la moindre goutte de sang. Elle savait que ça arrivait. Elle avait assez lu de forums féminins pour ça. Mais pourquoi ça lui arrivait à elle putain ? Pourquoi ne pouvait-elle pas avoir la seule putain de preuve que sa virginité avait enfin été emportée dans ses entrailles, qu’elle ne la reverrait pas, cette garce, qu’elle s’en était allée pour de bon ?

Alors elle continua à s’empaler sur cette queue, de plus en plus férocement. Un instant, il le sentit se redresser, comme pour s’échapper d’elle. Elle planta alors ses deux mains sur ses épaules pour le garder à sa place.

- T’y vas fort, t’es sûre que…

- Ta gueule, baise-moi maintenant. Ta gueule.

Et à nouveau, elle passa les doigts. Et à nouveau ils revinrent vierges.

Soudain, il lui saisit le cul.

- Je vais jouir.

Elle sût que son temps était compté. Devient plus brusque encore. S’empalait comme si elle eût voulu que cette queue lui ressorte par le gosier. De plus en plus rapidement. Sans prendre garde de la douleur qui croissait dans ses entrailles.

La main qui empoignait son cul se serra un peu plus.

- Déjà ?

Jeanne semblait perdue.

- Je vais jouir maintenant. Maintenant !

Et il lâcha un long râle, plus long encore que quand elle l’avait en bouche. Sentit son machin se contracter en elle, une ou deux fois. Puis plus rien. Sans un mot, il la saisit par les poignées d’amour pour la faire se relever de dessus lui. Elle reprit sa place, dépitée. Puis se passa deux doigts. Au plus profond d’elle-même. Ils ne reçurent aucune résistance. Était-ce bon ? Est-ce que ça avait marché ?

A côté d’elle, Al retira sa capote précautionneusement pour ne pas saloper les sièges de la Pontiac de son père avec une lampée de sperme. Se branla encore un ou deux coups pour vider son méat urinaire des derniers grumeaux de sperme dans l’antre de latex. Puis, sans prendre la peine d’y faire un nœud, ouvrit la fenêtre de la caisse et balança la capote usagée dans le fouillis végétal qui s’étalait à gauche de la bagnole. Il mit le contact, les feux s’allumèrent en éclairant paresseusement le paysage poussiéreux de l’arrière-campagne de Cutterwil. Le moteur démarra, couvrant les stridulations nocturnes des criquets. Puis les pneus crissèrent et la voiture disparut, laissant ce paysage abandonné à la nuit et à l’œil inquisiteur de la lune, seul témoin de ce qui s’était passé ici.

Bientôt, quelques lapins de garenne reparurent, leur terrain de jeu enfin débarrassé de cette puante auto, et une chouette s’ébroua dans un arbre au loin avant d’hululer quelques coups. Elle s’évanouit elle-aussi dans la nuit estivale.

La capote, étrange mollusque ayant subi un atterrissage d’urgence dans la poussière légère qui encombrait les pieds des aubépines, sembla être la dernière preuve tangible du passage de ce couple adolescent dans le secteur, si l’on excluait les traces de pneus bientôt effacées par le vent. S’écrasant sur elle-même, elle laissa dégoutter par l’ourlet de son ouverture la bouillie de sperme encore tiède, qui attira les pédipalpes curieux d’une scutigère en chasse. Le mille-pattes véloce tâta l’étrange liquide salé et protéiné, et, y décelant une étonnante mais efficace source d’énergie, la lapa goulument entre ses mandibules. Ses pattes s’agitèrent en une étrange vague ondulée, le faisant s’enfoncer un peu plus à l’intérieur du préservatif, révélant une plus grande quantité encore de liquide séminal. Le myriapode en dévora la quasi-totalité, jusqu’à ce qu’il atteigne le latex en lui-même, imprégné d’un lubrifiant huileux dégueulasse.

Il s’extirpa alors de la gangue laiteuse et continua son chemin, rassasié pour la nuit. Il ne savait pas qu’en son sein les zygotes d’Al était en train de se combiner au matériel génétique de ses propres cellules.

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