70 - Burning Fire

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 – Tu devrais apprendre à décoder les signaux. Si je ne réponds pas, c'est que je n'ai pas envie de te parler.

 – Oui, je comprends, tu as raison.

 Circonspect, je fronce les sourcils : comment ça, il comprend ? Et pourquoi est-il tout à coup si enclin à aller dans mon sens ?

 – Ce n'est pas le moment où tu devrais dire que j'exagère ? relevé-je.

 – Reviens à la maison. J'ai discuté avec Claire, elle est prête à te laisser revenir.

 – Et pourquoi aurait-elle changé d'avis ? Elle semblait plutôt déterminée, hier.

 William évite mon regard.

 – Disons que j'ai su me montrer persuasif...

 Je retiens un rire en essayant de m'imaginer la scène. William, persuasif ? Que lui a-t-il encore promis ?

 – Tu as vendu ton âme en échange ?

 – Quelque chose comme ça...

 Alors là, j'ai du mal à y croire. Depuis quand est-ce que Will se préoccupe de quelqu'un d'autre que de lui-même ? Et il va me faire croire qu'il a fait ça pour mon bien ?

 – Même si ça peut te paraître étrange, je t'assure que je peux me montrer sympa parfois. si c'est pour mon petit frère.

 Et maintenant il joue au sauveur après m'avoir lâchement abandonné la veille ? C'est carrément louche.

 Will se passe une main dans les cheveux et semble hésiter. Ca sent mauvais. Je n'aurais pas dû m'arrêter. J'aurais dû passer mon chemin, nier son existence, filer dans les bras de Corentin en l'ignorant proprement. J'en viens à me détester. Je sais déjà que je vais le regretter.

 – En fait j'aurais besoin que tu me rendes un petit service...

 Un sourire désabusé étire mes lèvres. Je ne sais pas si je dois me féliciter d'avoir eu raison ou pleurer d'avoir un tel frère. En même temps je ne peux m'en prendre qu'à moi-même...

 – Un petit service comment ?

 – Disons que j'aurais besoin que tu ailles à l'aéroport.

 – A l'aéroport ? Pourquoi est-ce qu'on pense toujours à moi quand il faut aller à l'aéroport...

 Il attrape mon poignet, comme pour me retenir avant que je ne tourne les talons.

 – Louise arrive dans deux jours, et j'ai vraiment besoin que tu ailles la chercher.

 – Louise !?

 Cette fois-ci, mon cerveau se met à bugger. Je dévisage mon frère qui me renvoie un vague expression de gêne. Il a du mal à soutenir mon regard, et j'ai sincèrement du mal à le comprendre. Je finis par retirer mon bras d'un coup sec.

 – Hors de question.

 Je me disais bien aussi que toutes ces intentions ne pouvaient pas être gratuites. Je fais volteface, prêt à le planter sur place, quand il me hèle d'un ton outré :

 – Tu te rends compte que c'est ta belle-sœur ?

 – De quoi ? Qu'est-ce que tu racontes encore ?

 – Tu serais prêt à l'abandonner ?

 Je prends une expression horrifiée.

 – L'abandonner ? Tu n'as qu'à y aller, toi ! Et quelle belle-sœur ? tu veux dire ma seconde belle-sœur, c'est ça ? Tu fais quoi de Laura ?

 – C'est un détail...

 – Un détail... plaisanté-je en ayant le sentiment d'halluciner. Je crois que toi et moi on a   définitivement pas les mêmes notions de détail.

 Il finit par se calmer et sa voix devient presque suppliante.

 – Max, crois-moi, si ce n'était pas super important, je ne te demanderais pas.

 – Si c'est aussi important que tu le dis, pourquoi tu n'y vas pas toi ?

 – Je ne peux pas...

 Je l'interroge du regard, incrédule. Il prend soudain un air pitoyable, et je me demande comment il peut avoir l'air si misérable après toute l'attention que lui a donnée Claire.

 – J'ai un rendez-vous ce jour-là.

 – Bah décale-le, repousse-le, annule-le, j'en sais rien moi !

 – Je ne peux pas.

 – Comment ça, tu ne peux pas ?

 – Je ne peux pas, insiste-t-il en levant l'avant-bras gauche.

 – Il a quoi ton bras ?

 C'est à peu près à ce moment-là que les pièces du puzzle commencent à se replacer dans ma tête. Le retour à l'appartement, le violon qui reste étrangement dans son étui. Une place prestigieuse perdue. Malgré moi, je deviens blême jusqu'à en perdre mes mots.

 – Tu veux dire...

 Il hoche la tête.

 – Exactement ce que tu penses. C'est la raison de mon retour, et c'est exactement pour ça que je ne peux pas annuler mon rendez-vous.

 – Mais tu te rends compte ?

 Je prends conscience de mes mots un peu tard. Bien sûr qu'il se rend compte. Il a probablement passé les derniers mois un couteau sous la gorge. Perdre son bras quand on est violoniste, c'est signer l'arrêt de sa carrière.

 – Maman...

 – Elle n'est pas au courant et je ne veux surtout pas qu'elle le sache.

 Son regard est grave. Il est rare que William ne plaisante pas, même à demi-mots, y compris dans des situations difficiles. Mais à l'instant, il n'a pas une once d'humour dans la voix. Son visage est fermé, son éternel sourire a disparu.

 – Je peux peut-être encore sauver ma carrière si je parviens à me soigner, mais pour ça j'ai besoin de temps et je dois voir un spécialiste. Le rendez-vous tombe le jour où Louise arrive à l'aéroport. C'est pour ça que j'aimerais que tu t'y rendes à ma place.

 – Tu te rends compte dans quelle situation tu me fous ? Si elle apprend pour Laura, ça fait quoi de moi ?

 – Elle n'en saura rien.

 – Tu crois que ce genre d'histoire reste éternellement sous silence ? Les gens finissent toujours par savoir, et même quand ils ignorent, ils finissent par avoir des doutes. Elle va rencontrer Claire, Claire va mettre son nez là-dedans...

Claire va mettre son nez là-dedans...

 La phrase reste en suspend sur mes lèvres tandis que je réfléchis à toute vitesse aux options qui s'offrent à moi. Que j'intervienne ou non, Claire finira de toute façon par rencontrer Louise. Et si elle rencontre Louise, elle se désintéressera probablement de mon cas pendant un moment, ce qui me laissera un instant de répits pour passer le concours. Rien de tel pour détourner l'attention que de trouver histoire plus attrayante que la mienne.

 – Au fait, tu ne m'as pas dit. Pourquoi est-ce que Louise vient déjà ?

 – Elle est enceinte.

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