L'attaque

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Notre vie à la ferme se passe plutôt bien. Chacun de nous assume son rôle et ses corvées au sein du groupe sans protestation. Bien sur, Mushu et moi râlons et nous nous chamaillions, mais dans l'ensemble, nous avons trouvé tous ensembles, un équilibre et nous nous complétons. Mes amis soufflent un peu. Un an que nous sommes ici et qu'aucune inquiétude ne pointe le bout de son nez.

J'ai, il va de soi, tenté à plusieurs reprises de dresser mes volatiles au combat et à l'attaque. Isabelle où Léa m'ont dénoncé systématiquement, faisant avorter dans l'œuf mes projets. J'ai vite abandonné avec les poules, ces gallinacées sont trop stupides. Les oies m'ont bien donné quelques espoirs, qui n'aboutirent jamais. J'ai supplié Louis. Il me refuse toujours le chien malgré mes sérieux arguments. Il n'a aucune confiance en moi sur ce point. Ou plutôt, il sait trop bien ce que j'ai l'intention de faire.

Nous sommes heureux et nous nous détendons. Les villageois alentours ne se préoccupent guère de nous, le peu de sorciers et magiciens alentours ne nous ont pas détecté. Inès a parfaitement réussi son sort et mon odeur ne nous trahit plus. En plus, grâce à mes capacités de détection fine d'aura et surtout mon intuition, quand un inconnu nous suit, je le perçois et mes amis agissent pour brouiller les pistes.

Nous sommes en train de bronzer entre filles sur le gazon quand les oies se mettent à caqueter bruyamment annonçant la venue de quelqu'un de magique. Nous n'attendons personne. Les volatiles sont extrêmement agités. Coccola se sent très mal. Elle ressent plusieurs personnes hostiles qui se rapprochent à toute vitesse. Marie nous ordonne Léa et moi de nous mettre à l'abri.

Mon amie et moi obéissons sans discuter et hurlons après les garçons, à l'intérieur en train de papoter. Les garçons accourent aider les trois autres filles. Notre dôme de dissimulation est attaqué au même instant, provoquant des petits tremblements de terre. Observant à la fenêtre, je compte dix assaillants. Huit au sol, deux qui volent, dont un sur une sorte de planche de ski. Ils lancent des boules de magie façon Dragonball et de puissants éclairs.

Je vois le dôme se colorer de taches noires qui se résorbent aussitôt. Les deux sorciers volant sont les plus puissants. Je n'ai pas de pouvoirs, mais il y a un vieux fusil dans le salon et je tente de déstabiliser les deux oiseaux de mauvais augure. Je touche l'un d'eux à l'aile gauche et fait tomber le second de sa planche. Je ne peux pas en faire plus au risque de blesser mes amis. Léa tente de projeter sa peur sur les ennemis. Je l'aide à se concentrer pour que sa peur devienne une rage et qu'elle soit prête à attaquer.

Avec mon aide, elle se canalise et envoie ses ondes de terreur sur un assaillant au sol qui perd sa concentration et reçoit de plein fouet le sort d'une de nos amis. Le combat fait rage. Les sorts fusent de tous les côtés et ricochent sur les murs de la ferme ou sur le dôme. Je perçois des flash de toutes les couleurs. Un feu d'artifice se déroule autour de moi. Je me réjouirais du spectacle s'il n'était pas aussi mortel. Ça pétarade. Ça explose. Le ciel s'illumine. Un vrai quatorze juillet. Gaëtan s'est divisé en cinq. Je vois chacun de ses doubles esquiver les attaques et en lancer, ébouriffant ses adversaires d'un vent violent qui les fait reculer.

Inès fabrique des icebergs. De hautes colonnes de neige et de glace s'abattent sur les assaillants et les pétrifient de froid. Isabelle est un serpent venimeux qui mord les assaillants puis un aigle qui crève leurs yeux avec ses serres et enfin un éléphant qui charge. Mushu s'est transformée en lave, je reste interdite et fasciné par sa magie. De tous, il est le plus impressionnant. De chaque côté, c'est une déferlante de magie.

Nos amis ripostent avec brio et le dôme se maintient tant bien que mal quand soudain, je ne parviens plus à respirer. Je subis une attaque personnelle. Or, les sorciers ne peuvent me voir. Je suis cachée à l'intérieur de la maison. Je cherche dur regard une aura pour trouver d'où vient le souci. Je tombe sur les genoux, mains au sol comme un chien qui halète.

J'ai froid, tellement froid, l'air me brûle les poumons comme des couteaux de glace qui s'insèrent en moi et m'empêchent de respirer. J'ai l'impression de congeler sur place et d'être en plein milieu d'une tempête de neige en arctique. Je ne parviens plus à bouger les doigts ni à parler. Un faible gémissement sort de ma bouche et attire enfin l'attention de Léa.

Léa s'aperçoit de ma détresse et appelle Mickaël qui tente de m'aider en parant l'attaque de ses flammes. Je suis entourée d'un brasier et je gèle. Ma détresse rend mes amis fous de colère et ils utilisent toute leur puissance pour mettre fin à cette attaque.

Marie décolle du sol tandis que Louis ralentit la vitesse des assaillants, elle explose telle une supernova dans un éclair de lumière aveuglant et les indésirables sont assommés sauf un qui s'enfuit. Tous foncent pour les ligoter tandis que Mushu essaye de me réchauffer dans ses bras. Mes lèvres sont bleues ainsi que mes mains. De la buée sort de ma bouche. Je pleure, non de douleur, mais de rage face à mon impuissance. Fort heureusement pour moi, Mushu parvient assez rapidement à me redonner le rose habituel de mes joues.

En m'appuyant sur son bras et sur celui de Gaëtan, je rejoins le reste de la bande en tremblotant sur mes jambes. Je suis fébrile et j'ai mal partout. Une sensation de m'être fait renverser par un bus ou d'être passé dans un lave linge en période essorage. J'ai envie de vomir et mes idées ne sont pas très claires.

Mes amis interrogent les prisonniers qui se révèlent être des subordonnés du frère de Louis. C'est d'ailleurs lui qui s'est enfui et qui m'a attaqué ou plutôt il a détourné l'attaque givrante d'Inès sur moi. Nous n'avons attrapé que des sous-fifres dont la transformation n'est pas complète, des traits humains subsistant encore dans leur visage. Ils doivent avoir maximum cent cinquante ans. Des ados au royaume des magiciens. L'un d'entre eux m'attire le regard, il m'est familier. Léa sent ma curiosité malsaine et me demande de rester à distance, mais c'est plus fort que moi.

Arrivée devant lui, je le dévisage avec attention. Je sens la rage monter en moi. Toutes mes forces reviennent en un quart de seconde et mes idées s'éclaircissent soudain. Mushu et Louis se sont mis derrière moi, mais ils ne sont pas assez rapides et l'homme se prend une gifle monumentale qui le fait tomber à terre.

- Coccola, c'est cet abruti de Loïc. Dis-je en me tournant vers mon amie.

- Les garçons, fermez les yeux s'il vous plaît. Ça ne va pas être beau à voir. C'est son demi-frère humain. Enfin, c'est ce qu'on croyait. Il est censé être mort.

Léa perçoit ma rage. Elle me connaît assez pour savoir ce que j'ai l'intention de faire et ce que je ressens à cet instant. Il a tué nos parents. Il m'a menti. Il a voulu tuer Léa. Il a voulu me tuer. C'est lui cette impression familière lorsqu'on serra mon cou. Il devait me surveiller ou surveiller Léa. Je vais l'interroger à ma manière. À coup de pied dans les burnes. Jusqu'à ce qu'il parle. Je vais le massacrer. Je vais...

Rien faire parce que Mushu me soulève avec poigne pour me poser sur ses épaules et m'éloigne de ce salopard malgré mes protestations virulentes. Je me débats si violemment que je manque de faire tomber Mushu. Il me permet enfin de rejoindre le plancher des vaches et me tient les poignets pour m'empêcher de fuir.

- Et après, on dit que c'est moi qui ai des problèmes de gestion de la colère... Mais t'es pire que moi, petite peste. Ce n'est pas ton frère. Il l'a sûrement tué et prit son apparence. Laisse Marie et Louis le questionner. Tu auras tes réponses.

J'enrage et je boude pendant que Mushu continue de me serrer les poignets. Nous nous affrontons du regard. Je sens mes poignets chauffer davantage à chaque fois que je tente d'envoyer un coup de pied à Mushu. Il soutient mon regard et si ses yeux pouvaient lancer des éclairs, je serais sous le joug d'une électrocution générale. Je l'insulte en marmonnant avec tous les surnoms affectueux que je trouve en réserve de mon cerveau si prolifique. Il me répond sur le même ton et avec la même douceur dans le choix de ses adjectifs.

- Eh les amoureux, vous me fatiguez avec vos émotions non maîtrisées. En plus, Choupette, tu devrais lui dire que Mushu est ton personnage préféré.

Je me retourne et souris à ma meilleure amie. Elle s'est mis en tête de me caser avec Mushu et utilise le moindre prétexte pour faire des sous entendus totalement faux et déplacés. Mushu ayant lâché mes mains de surprise, je saisis la bouteille d'eau à proximité pour asperger Léa qui s'enfuit en courant. Je la poursuis en riant. Elle ne s'en sortira pas aussi facilement. De toute manière, les autres ne me laisseront pas approcher des prisonniers. Léa et moi, nous nous chamaillons joyeusement pour évacuer l'adrénaline des dernières minutes. On décompresse.

Gaëtan attire Coccola à lui pour la calmer. Mushu me dit de rester sage. J'enrage de ne pas pouvoir exploser sa sale tronche au faux Loïc et aux sorciers. Mais une idée germe dans mon esprit tordu. Je ne peux pas les tabasser certes. Par contre, c'est moi qui vais faire leur repas ce soir. Il est où mon piment oiseau ? Je sens qu'il n'y a pas que Mushu qui va cracher du feu ce soir. Le pire, c'est que Mushu devient mon complice me rapportant les ingrédients sans comprendre.

En apparence, rien ne distingue le plat du groupe de celui des prisonniers. Les Magiciens et sorciers résistent au poison alors vérifions le. Mes amis mangent une délicieuse salade verte agrémenté de dés de poivrons rouges. Pour ces saletés de sorciers, c'est salade de feuilles de rhubarbe assaisonnée au piment oiseau avec une louche de noix de muscade.

Je mange tranquillement en attendant les premières réactions. Très rapidement, leurs faces blanchâtres deviennent rouges. Ils toussent et demande de l'eau. Je ricane un peu trop fort, ce qui est comme un aveu de mon crime. Mushu se risque à lécher une feuille et s'aperçoit de l'effet du piment oiseau à forte dose.

Je me fais engueuler une première fois par Louis, mais quand une demi-heure plus tard, ils se mettent à convulser et à vomir, leur estomac se transformant en sac de ciment, Louis peut dire ce qu'il veut, je ne peux m'empêcher de rire et de faire un doigt d'honneur au faux Loïc. Les magiciens sont peut-être obligés de traiter correctement leurs prisonniers, mais je ne suis pas une magicienne. De toute façon, Arthur me soutient puisqu'il pourrait les guérir, mais ne lève pas le petit doigt pour les aider.

- Tu es vraiment une saleté. Le pire c 'est que j'approuve ton plan foireux, mais ne le dis pas à Louis, me chuchote Mushu en douce.

Je lui rends son sourire. Pour une fois qu'on est d'accord tous les deux. Les sorciers sont vraiment mal en point. Louis proteste pour la forme, au fond de lui, il pense que ces enflures l'ont bien mérité. Son sermon manque de conviction et d'arguments. En plus, il se pince les lèvres pour ne pas rire devant ma vengeance. Pour une fois, mon statut d'humaine as au moins l'avantage de me permettre de ne pas suivre les lois du code d'honneur des magiciens. J'ai toujours eu une sainte horreur des règlements de toute manière. Je suis une rebelle dans l'âme.

Je me mets à délirer avec Léa qui a perçu ma référence culturelle pourrie et qui se met en recherche d'un arc et de flèches puis elle grogne comme un ours. Nous recommençons à nous chamailler bruyamment sans aucun égard pour les maux de tête des sorciers. L'apothéose arrive quand nous nous mettons elle et moi à miner le dessin animé pour raconter l'histoire à un Arthur attentif. Va savoir comment Mushu se retrouve à faire le méchant ours et Isabelle la vieille sorcière. Question de Karma.

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