Tana - Destin

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Le guerrier aux yeux noisettes et au sourire enjôleur,

du haut de son trône juge et condamne les siens.

Pourtant, c’est içi même qu’il a acquis ce droit de seigneur,

dans cette même salle, par la main de l’un des miens.

On entendait le brouhaha de la salle principale à travers les murs. Des dizaines, peut-être même des centaines de personnes, étaient venues assister à la cérémonie. Tana se trouvait dans un petit vestiaire, affublée d'une grande robe blanche immaculée et d'un capuchon qui couvrait ses cheveux. A ses côtés, dans la même tenue, attendait un jeune garçon prénommé Bermit. Tana le cotoyait durant les leçons de combat de son oncle mais elle ne l'aimait guère. Il était arrogant et prétentieux, et déjà bien ventripotent pour son âge. C'était le fils ainé de la cadette de la maison Lockstaff. Le doyen de sa famille fut le plus jeune primarque jamais nommé, à l'âge de 20 ans, des suites d'expéditions victorieuses dans les mines des Montagnes Bleues. Il pu profiter de toutes ces années pour enrichir considérablement sa maison. Elle qui, il y a encore à peine une centaine d'année, ne faisait pas partie des grandes familles de la cité.

Deux prêtresses entrèrent dans la pièce et prirent Bermit par les mains. Elles le conduisirent jusqu'à l'estrade circulaire qui trônait au centre du grand hall du forum. Tana fut également conduite par deux nouvelles prêtresses dans la pièce mais fut priée de s'assoir en retrait du promontoire. Bermit était seul au centre du hall. Tana, elle, avait choisi d'être accompagnée de Bashu. Le jeune noble patientait, droit et fier.

Face à Bermit, sur huit trônes certies d'or et de pierres précieuses, siègaient les primarques de la cité. En arc de cercle face au jeune noble, tous affublés de vêtements de circonstances, les maîtres de la cité étaient prêts.

Dès son entrée dans la salle, Tana avait cherché à croiser le regard de sa mère, mais celle-ci ne la considérait tout simplement pas. Elle restait ancrée dans son fauteil, les yeux rivés sur Bermit, qui avait à présent relever son capuchon pour laisser apparaître un crâne totalement nu, rasé pour l'occasion. Tana se tourna pour voir la foule derrière elle, et comme elle l'avait revé, des centaines de personnes avaient pris place dans le hall. Une tribune était situé sur un des côtés de la salle et étaient totalement occupés par les nobles et autres éminentes personnalités de la cité. Le hall était somptueusement décoré, de grandes tapisseries recouvraient les murs et de gigantesques braseros flamboyaient au pied de chacun des piliers de la salle, qui en comptait plus d'une cinquantaine. Les peintures qui ornaient le plafond du hall, représentaient sous la forme d'une fresque, l'évolution de la cité. Depuis sa création par le grand sorcier Grymnor et jusqu'à aujourd'hui, plusieurs événements majeurs de la vie de la cité été représentés. La fresque était en perpétuelle expansion, ainsi tout un pan du plafond restait encore à réaliser. L'histoire et l'avenir de la cité se lisait au plafond du grand hall.

Les huits primarques se levèrent comme un seul homme, et immédiatement le silence se fit. Seul les crépitements des braseros venaient perturber ces quelques secondes de silences anxiogènes.

Tana nota sur l'instant, une différence par rapport à ses rêves, derrière chacun des primarques étaient postés leurs lames ombres respectives. Elle ne put s'empêcher de sourire face à la pensée optimiste qui naissait en elle, à savoir, le potentiel caractère erroné de ses rêves.

- Bermit Lockstaff, tu te présentes face à la cité et son peuple. Nous, primarques de Grymnoria, neuvième et plus grande cité des hommes, allons t'éprouver et découvrir ta destinée.

C'était Hun Banegrey, grand prêtre suprême de Grymnoria et premier primarque, qui avait entamé la cérémonie. Tous les primarques levèrent leurs mains en direction de Bermit et les incantations commencèrent. Un halo lumineux se forma au dessus de Bermit jusqu'à l'entourer totalement. La raie de lumière oscillait de couleurs, prenant des teintes allant du jaune éblouissant jusqu'au bleu marine. Des boules de puissance dansèrent dans le rayon lumineux et se mirent à tourner autour de Bermit, de plus en plus vite. Rapidement, Bermit se mit à léviter. Il s'éleva de quelques centimètres d'abord, puis de presque un mètre. Tana ne voyait son camarade que de dos mais ressentait de sa place le souffle magique de l'incantation en cours. Les chants des primarques prirent soudain une tonalité plus forte. Leurs voix à l'unisson formaient un grondement. Ce qui était au départ une douce mélodie, s'était changé en un orage guttural.

Le halo lumineux devint noir et des éclairs entouraient maintenant Bermit qui semblait pris d'un hoquet. Son corps tremblait sur la cadence des chants magiques. Tana était à la fois subjugué et inquiète de ce spectacle. La magie qui opérait içi était sans conteste la chose la plus extraordinaire qui lui eu été donné de voir. Pourtant, elle ne pouvait réprimer ses craintes, et la vue de son camarade ainsi tétanisé, n'arrangeait pas les choses. Elle regarda autour d'elle pour étudier les comportements des gens autour d'elle. Bashu ne semblait guère impressionné, tout comme les autres lames ombres présents dans la pièce. Les prêtresses étaient elles, en pleine transe et semblait imiter les primarques dans leurs chants, sans pour autant émettre le moindre son. La foule était totalement circonspète, tous avaient les yeux fixés sur le corps tremblotant de Bermit et ce spectacle à la fois prodogieux et effrayant.

Soudain, les primarques se turent et la salle sembla rester figée dans le temps. Même les braseros ne semblaient plus en feu, mais simplement arrétés. Après quelques secondes, les ténèbres autour de Bermit se dissipèrent et il tomba lourdement sur le sol. Il se releva difficilement mais parvint à se redresser afin de faire à nouveau face aux maîtres de la cité.

- Bermit Lockstaff, dit Hun d'une voix encore bien trop grave pour être naturel, tu as passé l'épreuve des sens avec succès.

A ces mots, la foule se mit à crier et à applaudir. Bermit se retourna et salua les gens l'acclamant. Un sourire malsain se dessinait sur son visage. Hun indiqua de la main à la foule de se calmer.

- Nous avons vu ton passé mais aussi ton destin, reprit Hun.

- Tu seras un digne représentant de la cité et la mer sera ton domaine, enchaina Zaa. Tana leva aussitôt la tête vers sa mère, mais à cette instant, elle n'existait pas. Tu parfairas ton apprentissage et fera l'honneur de Grymnoria en entrant dans l'école marine des peuples de l'eau. Tu feras tes adieux à ta famille dès aujourd'hui et partira ensuite. La cité compte sur toi.

Les huits primarques se rassirent dans leur trône et Bermit quitta l'estrade en s'inclinant. Il reparti accompagné des prêtresses vers le vestiaire et sa nouvelle vie. Tana ne put s'empêcher de penser à ce qu'avaient pu voir les primarques pour prendre cette décision et qu'allait-t-il se passait maintenant que c'était son tour ?

Les deux prêtresses dans le dos de Tana se levèrent et lui firent signe de s'avancer. Elle monta sur l'estrade et fit face aux trones. Bashu était à ses côtés, quelque peu en retrait. Le silence se fit à nouveau dans la salle. Les huits primarques étaient debouts.

- Tana Daggerfall, tu te présentes face à la cité et son peuple. Nous, primarques de Grymnoria, neuvième et plus grande cité des hommes, allons t'éprouver et découvrir ta destinée.

Les chants commencèrent et le halo de lumière ne tarda pas à envelopper Tana. Au fur et à mesure que la lumière gagnait en intensité, Bashu semblait lui, au contraire disparaître. Lorsque la lumière prit des teintes colorés, Bashu avait disparu. Tana ne tarda pas à s'élever, seule, face aux primarques en pleine incantation. Sa vision se brouilla et ses sens devinrent complètement perturbés. Elle se mit à sentir des odeurs de fleurs et de mets divers, puis sa vision ne lui permettait plus de voir, c'était le noir complet. Elle n'entendait rien, si ce n'est l'incantation magique des primarques. Et puis, tout à coup, le silence se fit autour d'elle et dans sa tête. Des étoiles dansaient devant ses yeux, elle ne sentait plus son corps et n'entendait plus rien. Elle se sentait vide, de toute envie et souhait. Elle étouffait. Ce calme surnaturel était tellement oppressant qu'elle eut envie de crier, d'hurler, de faire que tout ceci s'arrête. Alors, elle hurla.

Son cri résonna dans le grand hall et au milieu des ténèbres qui l'entouraient, petit à petit, une sphère blanche émergea et la recouvra. Elle continua de croître tout en chassant la noirceur des nuages et des éclairs qui formaient un orage autour d'elle. La sphère éclata en un fracas lumineux et auditif, dissipant au passage toute les ténèbres. Tana s'écroula au sol, en pleurs. Les primarques furent coupés dans leurs chants et projetés violement en arrière. Plusieurs emportèrent leurs trônes dans leur chute. Tana releva la tête et regarda autour d'elle : les prêtresses, qui l'avaient quelques instants auparavant conduite à l'estrade, gisaient inanimés au sol. La foule reprenait peu à peu ses esprits et des cris de paniques commençèrent à fuser. Les gens des premiers rangs jonchaient le sol, sans bouger. Du sang coulait déjà ça et là sur le sol. Tana était horrifiée et désemparée. Dans son dos, elle entendit :

- Saisissez-la, d'une voix ferme et furieuse.

Elle reconnut la voix de la mère. Elle se retourna pour faire face à une lame ombre qui s'abattait sur elle. Ce moment sembla comme se déroulait au ralenti pour elle. Elle eut tout le loisir d'étudier la lame qui approchait, ce métal qui semblait emplie de ténèbres avec ses reflets mauves et ses fumerolles qui créaient un véritable flou autour de l'arme destructrice. Elle ferma les yeux, attendant le chatîment. Mais c'est un tout autre bruit qui lui fit rouvrir les yeux. Le choc fut terrible et la chaleur de l'impact entre les lames brulèrent Tana à la joue. Bashu avait paré de sa lame le coup. Les lames n'étaient qu'à quelques centimètres de son visage et elle sentait toute la puissance qu'elles dégagaient. Aussi rapidement que la parade qu'il venait d'effectuer, Bashu trancha d'un coup de taille son ennemi en deux à la ceinture. Le corps de la lame ombre se dissipa tel un nuage de vapeur, pour mieux se reformer quelques mètres en retrait. Alastor se tenait face à Bashu. Il fut rapidement rejoint par six autres lames.

- Arrêtez cette folie primarque Zaa, jura Gaze Lockstaff qui peinait à se relevait. Puis, il réalisa le nombre de lames ombres présentes. Ses yeux s'écarquillèrent et il hurla :

- Hun, maître Hun ! Elle a tué primarque Banegrey, poursuivit-il.

- Reprenez-vous Gaze, dit Zaa d'un ton bien trop calme pour être naturel. Nous allons règler la situation. Lames ombres, regagnez vos maîtres, ordonna-t-elle.

Toutes les lames ombres reprirent place auprès de leur maître. Seul Bashu restait devant Tana, arme à la main.

- Évacuez la salle, je ne veux pas d'autres blessés, commanda-t-elle.

Les prêtresses firent évacuer la salle en quelques minutes. Seuls quelques nobles et personnalités de la tribune avaient refusé de sortir et souhaiter connaître le fin mot de cette histoire. Les septs primarques restant se regroupèrent et firent face à l'étrange duo situé en contrebas. Tana s'était relevé et était posté au coté de Bashu.

- Je ne voulais pas, tenta-t-elle dire, tout s'est passé si vite, je ne comprends pas, mère, je ...

- Ne m'appelle pas ainsi en ce lieu, répondit séchement Zaa, tu n'en as pas le droit, encore moins après ce qu'il vient de se passer. Le conseil doit se réunir pour statuer de ton sort. A ce effet, tu es dépouillé de ton titre et de ton rang et de ton nom de famille Daggerfall. Ceci prends effet immédiatement et le sera au moins jusqu'à temps de jugement. Gardes, saisissez la.

Bashu n'avait pas baissé son arme et faisait face désormais aux gardes qui l'encerclaient. Tana bouillonait de rage. La peur et l'incompréhension de la scène précédente avait laissé place à une fureur inconnue, nourrie par un sentiment d'injustice. Elle sentait son corps trembler et tous les muscles de son corps se crisper, les uns après les autres. Un halo orangé commença à se dessiner autour d'elle, des fissures commencèrent à apparaître dans le sol à ses pieds. Les soldats avaient déjà entamé leur retraite devant sa manifeste démonstration de puissance. La mine de Zaa était décomposée, les pouvoirs de sa fille lui était totalement inconnu, tout comme à la première intéressé d'ailleurs. Tana fixait sa mère, canalisant sa fureur en sa direction et bientôt le halo se tranforma en véritable aura de feu. Le souffle du feu éteignit les plus proches braseros et un mouvement de panique se déclara dans les quelques spectateurs encore présents qui prirent rapidement la fuite. Les primarques, rassemblés derrière Zaa, ordonnèrent en choeur à leurs lames ombres d'achever cette scène qui n'avait pour eux, que trop durer. Les lames ombres bondirent en direction de Tana.

C'est à ce moment que Bashu rengaina sa lame, fit volte-face et posa sa main sur l'épaule de Tana. Celle-ci entendit sa voix pour la première fois. Voix qui n'en était pas une, mais plutôt un cri sourd venu des profondeurs du monde. Quelques mots furent prononcés dans une langue qui lui été totalement étrangère et un nuage de ténèbres les recouvrit aussitôt. Lorsque les lames ombres arrivèrent pour trancher les fumées, il ne frappèrent que le vide. Bashu et Tana avaient disparu.

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