209 - une fille

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On arrive en marchant à la Paillote pour se rafraîchir.

  • Édith ne veut jamais courir avec moi.
  • Et moi je ne veux jamais courir avec Mary.
  • Tu vas avoir des ennuis.
  • J’ai trouvé une excuse spirituelle. Mais moi non plus j’aimerais pas que Édith traîne avec Mary.
  • On va les surveiller. Mais Mary est de l’Est, elle est sage, non ?
  • Oui, elle est de Sylvania, comme moi, je viens des quartiers nord et elle du quartier latin. J’ai juste un peu mal tournée en venant me brûler à l’Ouest.
  • Me brûler, j’ai aussi cette impression. J’ai plein d’opportunités et je ne les saisis pas, à Russell. J’ai la tête ailleurs.J’ai du mal à trouver du sens. Je n’ai pas d’ambition, pas d’envie.
  • Mais c’est super, t’es une jolie jeune fille de ton époque. C’est fini la course à la performance. Et la prochaine guerre n’est pas pour demain. Alors c’est bien Jessie. Laisse-toi vivre. Et écoute bien Lily, elle est toujours de très bon conseil.
  • Oui, des fois je l’appelle la nuit, en changeant ma voix.

Et on se met à rire. On finit nos verres et on rentre à vélo par la route, retrouver nos vies et nos rôles.

  • Paloma, ça va avec Jessie ?
  • Non, elle me fait courir. Elle est complètement perdue cette petite. Heureusement qu’elle a Lily. Et Édith bien-sûr. Chacune a son rôle.
  • Et toi. Vous avez l’air proches.
  • De temps en temps, oui. Mais je sens qu’elle va vite me zapper et passer à quelqu’une d’autre. Elle se cherche une mère, un pilier. Je ne pense pas que je suis à la hauteur. Et elle est déprimée. Hier soir je l’ai regarder fixer la flamme d’une bougie pendant de longues minutes avec une expression désespérée. Sans son Édith elle serait complètement fermée. Édith est une fenêtre sociale, Lily un soutien et moi je ne sais pas. Rien, sans doute.

On est des orphelines. Mais elle, elle a connu sa mère. Et la mienne, elle a réapparu. Je continue de chercher de mon côté pourquoi je me sens si proche d’elle. Elle aussi je pense, dès sa première confidence, elle était intime. Mais j’avais raison. Les jours passent et elle m’ignore. Tant mieux, au moins ça ne dégénère pas dans le psychodrame ou autre. Je vais essayer de zapper aussi. Mais je repense à moi avant, quand j’avais Antoine. Et bien maintenant je sais, j’ai entrevue ce que c’était que d’avoir une fille. Voilà, c’est ça. J’ai trouvé. Mon esprit retrouve la paix et mon corps s’endort dans Marylène.

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