Le village, et mon travail

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Après une journée bien remplie, c'est enfin l'heure d'aller dormir. Comme chaque soir Elena et moi aidons Mme Veyrent avec les plus petits de la maison : à les doucher, les habiller et les mettre au lit avec une berceuse que je leur chante. Les enfants adorent cette mélodie, je ne sais pas comment je la connais ni où je l'ai entendue, mais je tiens à cette musique comme un fragment important de ma mémoire. Puis quand tout le monde est enfin endormi, je pars pour la ville après un bref au revoir à Mm et à Elena. Je dois traverser les bois, ce qui me fait toujours un peu peur mais le retour est encore pire, rien que d'y penser j'en frisonne déjà. Quand j'aperçois enfin les lumières du village je me sens plus légère et rassurée.

Enfin arrivée à destination je contemple très vite l'entrée de l'auberge au centre-ville, il est appelé "Le Barbe Rousse", j'y travaille le soir en tant que serveuse de 21h à 3h du matin même parfois 4h cela dépend du nombre de clients. Ce n'est pas un travail de tout repos, l'odeur de cigare et d'alcool donne mal à la tête, les clients ne sont pas commodes surtout quand ils ont abusé de la boisson du chef, sans parler du salaire qui n'est pas très élevé. Mais étant âgée de 15 ans, étant la plus vieille, je dois travailler pour ramener de quoi nourrir les plus jeunes. Et aucun n'autre établissement n'a accepté d'embaucher une orpheline.

Je dois faire face au regard haineux et méprisant des villageois à chaque fois que je viens travailler. Nous les orphelins de cette petite maison reculée ne sommes pas appréciés, nous sommes appelés « les sans nom » abandonné par nos parents, par la société, nous n'avons aucun droit juridique ou existentiel à leurs yeux. Nous avons tous été recueillis par Mme Veyrent, je suis la première à avoir intégré l'orphelinat alors que je n'étais qu'un bébé, puis les autres ont suivi. Elena qui a 13 ans est la dernière à être arrivée, il y a 3 ans ses parents son mort dans un éboulement de terrain. Nous sommes une vingtaine d'enfants et le peu d'argent que Mme Veyrent gagne ne suffit plus pour nous entretenir.

Enfin le travail presque fini je nettoie le sol pendant que les 2 derniers clients sortent, puis je vais remettre ma vielle robe. L'uniforme est très beau, c'est une robe noire et élégante qui m'arrive aux genoux, un petit tablier la surmonte pour ne pas la salir, c'est la plus belle robe qui m'a été donner de porter jusqu'à aujourd'hui.

Comme à chaque fin de soirée le chef vient me voir avec un petit paquet blanc, que je récupère toujours avec le plus grand sourire, nous discutons un bref instant avant de reprendre nos routes respectives, lui vers le centre du village et moi vers ma forêt sinistre. Le chef est quelqu'un de bien, joyeux et très gentil, il est trapu et rondelet, il est très respecté dans les environs. Le chef sait ce que c'est de perdre des êtres chers, lui-même a perdu sa femme et son unique fille d'une maladie, c'est peut-être la raison pour laquelle il est si gentil avec moi.

Soulagée d'arriver à la maison je passe la porte pour monte directement dans la chambre commune et me glisser sous les draps, retrouver mon lit moelleux et chaud, rien qu'à cette pensée je somnole déjà. Mais celui-ci était déjà occupé par Elena, chaque soir elle essaye de m'attendre et finit par s'endormir. Je la secoue un peu pour la réveiller, contrairement à moi un simple petit coup la réveille aussitôt, heureuse de me voir elle m'enlace. Sans faire de bruit nous quittâmes la chambre pour se réfugier vers l'arbre au centre de la clairière, en se posant contre celui-ci j'ouvris le paquet.

Dedans nous pouvions découvrir deux magnifiques pâtisseries qui brillaient de mille feux, elles paressaient tellement appétissantes avec ces fruits et ce nappage en chocolat. Le chef m'en offre souvent, et c'est toujours un tel plaisir de découvrir ce qui se cache dans ces petits paquets blancs.

- « Alors comment c'était le travail aujourd'hui ? » me demandait Elena tout en prenant une bouchée

- « Comme toujours, les clients sont horribles, à croire il non jamais été éduqués ! on ne regarde pas les autres de travers, en plus ils pensent que je ne les entends pas quand ils murmurent leurs mauvaises plaisanteries et leurs insultes ! » rétorquais-je visiblement de plus en plus énervé.

- « Calme toi, il ne faut pas les écouter ce ne sont que des mauvaises langues » tenta Elena qui remarqua ma colère

- « Excuse-moi, je préfère ne pas parler de ça ... sinon comment trouves-tu les gâteaux aujourd'hui ?»

- « Super bon comme toujours... tu sais dans 1 ans j'aurais l'âge de travailler alors je viendrais te donner un coup de main »

- « Non ! tu n'auras pas l'âge de travailler, si je le fais c'est parce que nous n'avons pas le choix. Je ne veux pas que tu sois toi aussi obligée de supporter ça, Mme Veyrent sera d'accord avec moi. »

- « Je suis tout à fait capable de ... »

- « Non c'est non » m'empressais-je de dire avant qu'elle ne finisse sa phrase

Agacée elle se leva.

- tu n'es pas ma mère ni mon père pour me donner des ordres! je veux t'aider toi et tous les autres, je veux pouvoir contribuer, au lieu de dépendre de-vous, de votre travail !

- « Tu ne te rends pas compte que tu fais déjà ta part de travail. Tu prends soin des fleurs qui sont une grosse partie des revenus. Qui prend soin des enfants pendant que Mme Veyrent travaille et que moi je dors ? c'est toi, tu es ce qui se rapproche le plus d'une mère pour tous les orphelins ici, tu veux les abandonner ? tu veux aller travailler et les laisser ? »

- « Non j'aime m'occuper d'eux et des fleurs mais je voudrais faire plus ... tu comprends Maevie, je voudrais leur acheter des jouets de nouveaux vêtements » me dit-elle en prenant une voix plus calme presque inaudible.

- « Je comprends mais nous n'avons pas le choix et je peux parier qu'il y a des enfants plus malheureux qu'eux dans le village à côté, plus malheureux que nous » dis-je en prenant une voix entrainante pour lui redonner le sourire.

Nous nous regardâmes avec un sourire plutôt tristes, puis décidâmes de passer sur des sujets plus joyeux, comme la moustache de Mme Veyrent ou quelques ragots que j'ai pu entendre pendant mon service. Mais comme chaque soir nous finîmes par parler de nos parents. J'essayai d'imaginer les miens, qui m'avaient donné de tels cheveux papa ou maman ou encore ma peau si pâle, ma mère était peut être un vampire qui sait, cette blague fait toujours rigoler Elena. Elle me racontait ses meilleurs souvenirs que je commençais à connaitre par cœur au bout de 3 ans, mais qui étaient toujours aussi passionnants, puis nous allions nous coucher.

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