Une annonce doit rester secrète exclusivement si personne ne se trouve en danger

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 Une semaine plus tard, quand Rina fut de retour chez elle après une énième promenade aux côtés d’Angelica, elle constata que monsieur Gling n’était pas présent et qu’elle était attendue pour le dîner, apparemment ils allaient passer dans la salle à manger.

— Bonjour Rina, avez-vous passé une bonne journée ?

— Fort bonne, grand-père, et vous ?

 Elle tira sa chaise avant de s’y asseoir, elle n’avait pas encore l’habitude de la multitude de domestiques qui s’occupaient de tout dans la maison et elle ne leur laissait jamais le temps de tirer son siège.

— Parfaite, je vous remercie. Sauriez-vous me dire quel jour sommes-nous ? Je vous avoue que je me perds avec toutes mes réunions.

— Nous sommes le jeudi trois février.

— Je vous remercie.

 Le repas commença tranquillement même si Rina appréhendait, elle devait leur annoncer la si bonne nouvelle qu’elle avait apprise avant de partir. Elle aurait dû le dire plus tôt mais elle n’en avait pas eu l’occasion, sa famille au grand complet n’était pas revenue depuis le jour de son arrivée. Elle entendait ses cousins discuter et montrer leur impatience de rencontrer leurs cousins.
 Rina toussota pour obtenir l’attention de tout le monde, les yeux se tournèrent vers elle rapidement et elle prit une grande inspiration. La discussion qu’elle avait entendue l’avait poussé à en parler, c’était une occasion en or.

— Excusez-moi de vous interrompre, mais je dois vous parler de quelque chose.

— Est-ce important ?

 Cesilia semblait anxieuse, elle regarda ses enfants à tour de rôle pour savoir s’ils pouvaient écouter la conversation.

— Ne vous en faites pas, ça les concerne et ce n’est rien qui pourrait les choquer.

 Minas lui fit un geste de la main pour l’encourager à poursuivre sa lancée.

— Voilà, vous savez que je suis ici par ordre de Sa Majesté mais aussi pour autre chose, quelque chose que nous avons évoqué le jour de mon arrivée.

 Elle posa ses mains sur la table, tous les regards étaient rivés sur elle et les questions commençaient à se lire sur les visages. Elle espérait qu’ils ne s’attendaient pas au pire.

— Voyez-vous, quand j’ai rencontré l’Impératrice, elle m’a parlé en compagnie de mon frère aîné et nous avons discuté de votre exil. Sa Majesté m’a prévenu qu’elle en avait discuté avec ses conseillers ainsi que son mari, le roi Yvans, mais qu’elle ne souhaitait pas vous le dire dans la lettre pour que je puisse vous l’annoncer directement. J’ai le plaisir de vous informer que votre exil est terminé.

 La stupéfaction était à son paroxysme. Rina venait de lancer la bombe qui devait changer leur existence avec une rapidité déconcertante, comme si elle leur apprenait ce qu’ils allaient manger au petit déjeuner.

— Pardon ?

 Jocelyne, sa grand-mère, lui adressa un regard comme si elle l’avait insulté les yeux dans les yeux.

— Est-ce une blague Rina ?

— Comment oserais-je faire dire une telle bêtise sur un sujet qui vous touche autant ? J’ai vu à quel point ce sujet vous impactait au plus profond du cœur. M’en croyez-vous réellement capable, grand-mère ?

 L’air renfrogné de Jocelyne lui montrait que le sujet était plus sensible que prévu et qu’elle marchait sur des bris de verre presque littéralement.

— Comment pouvez-vous prouver vos dires ?

 Au lieu d’acclamer l’idée de rentrer avec joie, ils étaient quasiment terrifiés, même Lyria n’osait rien dire. Elle sortit un manuscrit de la poche de sa robe avant de le montrer à tous en suivant les lignes qu’elle voulait montrer du bout du doigt.

— Une preuve ? Bien entendu. Voici une copie du traité que j’ai signé avec sa Majesté l’Impératrice. Elle spécifie bien les accords du traité avec votre empereur ainsi que le fait qu’elle exigeait impérativement votre retour. Ici, il est marqué « Même si notre accord de paix et d’alliance ne se déroulerait pas comme escompté, j’aimerais que vous accepteriez tout de même une chose importante. Je souhaiterais le rapatriement et donc la fin de l’exil de Minas et de Jocelyne Tryni ainsi que de leur descendance Lorenzen, Cesilia, Eren et Agnès Uren. Il va de soi que Lyria Mulligan verra son voyage prendre fin en même temps que celui de sa famille d’adoption. Je vous prie d’accepter cette requête en premier, mon empire souhaite enfin tourner la page sur son passé peu glorieux. » Je pense ainsi ne pas rire de vous.

 Enfin, les membres se regardaient avec plus de joie dans les yeux, comme si un rêve idiot prenait réalité avec un simple bout de papier. La perspective d’être enfin réunis sur leur terre natale les faisait rêver depuis tant d’années qu’ils avaient de la peine à y croire.

— Maman, pourquoi pleurez-vous ?

— Je suis juste contente ma chérie.

 Cesilia semblait au comble de l’émotion, elle n’en revenait pas d’enfin pouvoir revoir sa sœur bien aimée.

— Pourquoi ne pas nous l’avoir dit plus tôt Rina ?

 Cette dernière n’avait plus pipé mot, elle observait ses hôtes au comble de la joie, n'osant pas les distraire de ce sentiment, quand elle regarda Lyria, elle vit deux yeux tristes. La joie que Rina s’attendait à voir n’était pas du tout présente, elle avait totalement perdu son sourire.

— Je pensais que tu serais heureuse de rentrer, je voulais te faire la surprise.

— Alors que je risque d’être encore plus rejeté ?

— Tu ne le seras pas, mes grands-parents ainsi que le reste de cette maison vont retourner dans leurs habitations respectives mais toi tu peux venir au manoir.

— Au manoir ? J’ai déjà causé assez de soucis à ta famille tu ne crois pas ?

 Elle semblait véritablement abattue, tant et si bien que Rina ne savait pas comment la réconforter.

— Ne dis pas de bêtises, tu pourras habiter où tu veux et même revoir tes parents si ça te dit.

 Rina entendit que sa tante retournerait dans sa maison situé dans la périphérie d’Hiisop avec sa famille et que son grand-père retournerait dans son corps de ferme, qui était dirigé depuis son exil, par son bras droit.

— Je ne sais pas Rina, ils ne répondent toujours pas à mes lettres, à part Tessa c’est tout ce que j’ai.

— Tin souhaite que tu viennes quelque temps, histoire que tu retombes sur tes jambes et ça ira mieux après tu verras. Quelque temps je t’en prie.

 Elle suppliait son amie des yeux, elle voulait vraiment que Tin la revoie, elle lui manquait tant.

— D’accord, on fait ça, je m’organiserai depuis chez toi.

— Tin sera tellement heureux !

 Elle tapota dans ses mains avec son beau sourire mais maintenant le plus ardus restait à faire, organiser un départ après quinze ans de vie loin de chez soi.
 Elle prit sa fourchette dans sa main et tritura du bout de l’ustensile ce qui se trouvait dans son assiette. Les discussions fusaient autour de la table comme si cette nouvelle donnait un coup de fouet à la bonne humeur générale. Enfin, pour Rina ce n’était pas grand-chose mais pour eux c’était une bénédiction des Dieux.

— Quand devrons-nous partir Rina ?

 La jeune fille vit son grand-père qui la regardait avec des yeux pétillants d'excitation, ça se sentait qu’il se sentait déjà de retour chez lui.

— Le plus rapidement possible, un mois ou deux maximums, le temps de faire les préparatifs. Avant de partir, je dois rendre visite à sa Majesté l’empereur d’Econne pour voir le traité avec lui et je dois préparer quelques petites choses pour mon retour. Une soixantaine de jours devrait vous laisser le temps de vous organiser ? Nous sommes le trois, disons que nous devons être prêts pour le trois avril dernier délai ?

— C’est largement faisable effectivement, après cette nuit je commencerais à donner des ordres pour commencer les préparatifs.

— Nous ferons pareil.

 En effet, Cesilia, Lorenzen et leurs enfants n’habitaient pas la grande maison du chef de famille en Econne mais plutôt une grande maison de campagne, comparable à celle qu’il avait à Omnège, à quelques kilomètres d’Hiisop.

— À la suite du dîner, je préparerais différentes lettres, une pour nos deux empereurs et une pour ma famille. Je demanderais une audience, j’annoncerai notre retour dans deux mois à notre impératrice et je demanderai à Tin de s’arranger avec vos domestiques pour que tout soit prêt à votre retour. Comme ça vous n’aurez qu’ici à mettre en ordre.

— Nous te remercions, Rina, pour tout ce que tu fais.

— Je vous en prie.

 Elle inclina légèrement la tête en signe de respect et le repas continua son cours. À plusieurs reprises, Rina avait glissé discrètement sa main sur celle de sa voisine, afin de lui montrer qu’elle n’était pas seule. Ç'avait le don de la faire sourire sa compagne et d’apaiser Rina, en quelque sorte.

 À la fin du repas, elle avait salué sa famille plus tôt que prévu, elle ne voulait pas tarder à envoyer son courrier pour ne pas retarder leur voyage qui devait être très rapidement préparé. Elle s’installa à son bureau, prit plusieurs feuilles vierges ainsi que sa plume qu’elle plongea dans l’encre noire avant de respirer et de commencer à écrire.

Votre Majesté, Empereur d’Econne.
Je vous envoie ceci pour vous informer du départ de ma famille pour le royaume d’Omnège. Je souhaitais par ailleurs vous demander audience pour discuter à nouveau du traité pour que nous mettions les dernières clauses au clair.
Nous souhaitons partir au plus vite, je suis donc entièrement à votre disposition si besoin est.
Avec tout mon respect,

3 février 1899.
Rina Grintofk,
Envoyée de l’Impératrice d’Astril.

 Elle souffla un coup, elle ne savait comment formuler ses mots avec cet empereur qui semblait si pointilleux sur les formes. Elle posa sa première feuille plus loin et en prit une autre, plongea sa fine plume dans la noirceur et recommença sur sa lancée.

Très chère Impératrice d’Astril.
Je vous envoie cette lettre pour vous informer que tout se passe comme prévu. Comme convenu, je me suis entretenu avec l’empereur d’Econne à mon arrivée et je viens tout juste d’annoncer à ma famille la fin de leur exil.
Je vous informe donc que nous partirons le plus rapidement possible, dans deux mois au maximum, après avoir terminé les dernières finitions avec le traité, nous reprendrons le bateau pour rentrer dans notre beau pays. Pour vous donner une estimation, au mois de juin nous devrions être à vos côtés.
Je vous reste entièrement disponible, votre Majesté, si besoin est.
Avec tout mon respect,

3 février 1899.
Rina Grintofk,
Votre humble servante.

 Le mois de juin semblait si loin qu’elle peinait à y croire, deux mois de préparatifs et deux mois de bateau semblaient interminables mais il le faudrait bien. Tin devait attendre impatiemment sa lettre qui lui informerait de son retour alors elle s’empressa de prendre sa dernière feuille.

Mon cher Tin.
J’espère que vous allez pour le mieux.
Je souhaitais vous dire que je rentrais plus rapidement que prévu, j’ai annoncé ce soir même à notre famille que l’exil prenait fin. Ils étaient très heureux et projettent déjà leur futur pour le retour au pays. Je devrais être à la maison dans le courant de juin de cette même année. J’ai donné deux mois à notre famille pour qu’ils fassent leurs préparatifs à partir d’aujourd’hui, aux alentours du trois avril nous devrions partir pour deux mois de bateau interminables.
Je ne peux m’éterniser plus longtemps, je vais donc être très brève.
À mon retour, je serais accompagné de Maria, ne l’oubliez pas. Par ailleurs, pourriez-vous rendre visite aux domaines de nos grands-parents ainsi que de notre tante ? Pour mettre leur arrivée au point.
Maintenant, je vais m’adresser à toi Tin et j’aimerais que tu m'aides dans une recherche. Il y a quelque temps, sur le bateau, j’ai rencontré un homme du nom de Marius Gling. Apparemment, il vient de part chez nous et j’aimerais que tu me dises qui il est. Il semble avoir de bons rapports avec notre famille mais je ne me sens pas à l’aise à ses côtés et j’aimerais que tu te renseignes.
D’après ce qu’il m’a dit, il possède une entreprise familiale mais il ne porte pas le même nom que le gérant qui paraît être son cousin. La description physique ne devrait pas te servir mais il est blond avec de longs cheveux, très grands avec des yeux bleus. Je ne sais pas le nom de l’entreprise mais je soupçonne le fait qu’il m'ait menti sur son nom alors ne t’y fie pas de trop. Je sais que tu penseras à Kizune en premier alors quand j’enverrai une lettre je parlerai de cela avec brièveté pour voir s’il fait une erreur dans ses paroles.
Je vous embrasse infiniment et je te remercie pour ton aide.

Rina.
3 février 1899.

 Elle reposa sa plume et récupéra trois enveloppes. Elle utiliserait un oiseau du domaine pour l’empereur et Zlune pour les deux autres, il se rendrait d’abord chez elle puis au palais impérial. Elle ferma les trois enveloppes avant de les cacheter du sceau de sa famille.
 Le seau était une copie presque conforme à celui du royaume, une étoile cardinale avec une fleur de lotus était représentée, la seule différence était la représentation miniature du manoir en bas à droite du tampon.

— Bon ça c’est fait, ensuite je vais…

 L’évidence d’une erreur lui vint à l’esprit, elle avait omis un léger détail. Elle soupira et se réinstalla sur sa chaise, plume à la main avec et une nouvelle feuille devant elle.

Mon amour.
J’espère que tu te portes comme un charme et que tu ne t’accables pas de travail comme tu en as l’habitude.
Je m’inquiète affreusement de ton silence face aux lettres que je t’envoie. Je ne passe que peu de temps sans penser à toi et au fait que je rentrerai bientôt. Tu devrais me revoir avant la moitié de cette année.
Par la même occasion, je voulais te demander quelque chose. Un jeune homme du nom de Marius Gling que j’ai rencontré sur mon bateau m’a abordé en prétextant faire partie d’une entreprise familiale vers chez nous mais je ne sais de quoi il en découle, peut-être en as-tu entendu parler ?
Je t’embrasse amoureusement,

Rina.
3 février 1899.

 Elle s’en voulait, elle avait probablement fait quelque chose de mal et il devait lui en vouloir. Elle espérait que ça n’attiserait pas sa colère et qu’il serait clément dans une prochaine lettre. Tout en soupirant, elle se leva de nouveau, cacheta la nouvelle lettre et alla se préparer pour se coucher. Elle savait d’ores et déjà qu’elle aurait une peine monstrueuse à trouver le sommeil mais elle ne pouvait s’attarder davantage, la nuit étant déjà bien trop entamée.

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