Ses premiers pas, sa renaissance

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 En descendant le pont avec prudence, la jeune fille observait autour d’elle, normalement elle devrait apercevoir quelqu’un avec un écriteau pour lui indiquer la marche à suivre. Tandis que l’air iodé faisait voleter ses longs cheveux avec douceur, elle faisait balader son regard qui cherchait un quelconque indice sur le bord du pont.

— Mademoiselle Grintofk ! Mademoiselle Grintofk par ici !

 D’un mouvement de tête, Rina aperçut une jeune femme, qui ne devait pas être vraiment plus âgée qu’elle, qui lui faisait de grands signes sur le bord de l’esplanade. Un grand sourire illumina le visage de Rina au moment de descendre rapidement à sa rencontre, bien qu’elle ne la connaissait pas, elle semblait merveilleusement chaleureuse.

— Votre voyage s’est-il bien passé ?

— Très agréablement, je dois dire, mademoiselle… ?

— Angelica, mais appelez-moi Angel si vous le voulez bien.

— On m’avait avertie que quelqu’un viendrait m’aider à débarquer mes effets personnels, est-ce vous ?

— Oh non, c’est Jessy qui s’en occupe.

— Jessy ?

— Un des domestiques de sa Majesté l’Empereur. Il est très discret, si vous ne l’avez pas vu c’est normal.

— Oh je vois.

 La jeune femme semblait pleine de vie et c’était ce qui fallait actuellement à Rina pour passer outre la morosité et la nervosité de cette nouvelle vie qui allait s’installer.

— Allez venez mademoiselle, je dois vous emmener au palais avant de me faire sonner les cloches.

— Nous n’attendons pas Jessy ?

 Elle l’avait appelé monsieur mais elle avait un doute, elle se doutait qu’Angelica la corrigerait si besoin.

— Oh non, nous avons pris deux voitures exprès, voyez-vous, si vous avez beaucoup de bagages, c’est ce qui nous faudra.

— Mis à part quelques livres et habits, je n’ai pas grand-chose, je comptais faire ma garde-robe ici.

— C’est parfait, ce n’est pas souvent qu’un invité de sa Majesté l’Empereur n’a pas besoin de la réquisition de trois voitures, enfin bon. Allons-y !

 La fraîcheur de sa compagne faisait tourner la tête à Rina, par les Dieux qu’elle était vive ! Mais c’était avec le sourire qu’elle s’installa à ses côtés dans un magnifique fiacre à deux places très confortable. En attendant le début du voyage, elle pouvait aisément admirer l’élégance de sa compagne. Une merveilleuse robe d’un rouge sanglant qui semblait terriblement coûteuse pour une simple domestique. Sa toilette était très raffinée et lui allait tout bonnement à ravir, peut-être qu’elle était richement vêtue pour représenter l’Empereur ? En tout cas, ses cheveux d’un rouge profond produisaient un contraste saisissant avec ses yeux verts, elle était magnifique.

— Sa Majesté l’Empereur nous attend dans moins d’une heure alors nous devons nous hâter, en ce moment avec les discussions politiques avec sa Majesté l’Impératrice d’Astril il est très occupé.

 D’un signe de tête, Rina acquiesça tandis que la dites Angelica donnait ses instructions au chauffeur, direction le palais impérial.

 Elles arrivèrent en peu de temps, elles avaient discuté tout le long du chemin. Le temps était au beau fixe pour un pays réputé pour ses pluies fréquentes, Angel n’avait pas tardé à lui faire part d’une plaisanterie.

— Je préfère votre venue avec le soleil qu’avec votre célèbre neige, mademoiselle !

 Le palais impérial se voyait de très loin tant il était imposant, il était d’une beauté à couper le souffle. À seulement quelques kilomètres d’Edim, la capitale, il se situait en pleine campagne, mais il en imposait par sa stature époustouflante. Il était tout de blanc vêtu et construit en un U presque parfait. Le regard de Rina se promenait d’un bout à l’autre de la construction. Elle semblait réellement émerveillée par tant de suprématie et de puissance, elle savait à présent pourquoi son empire voulait absolument s’allier avec eux.

— Mademoiselle ?

 La voix d’Angelica sortit la jeune fille de sa minutieuse contemplation.

— Vous vous sentez bien ? Vous avez l’air… je ne sais comment dire.

— Je suis très impressionné par la grandeur du palais, je comprends pourquoi mon pays d’origine vante la puissance de votre Empire.

— Je savais que notre territoire était réputé au-delà de nos frontières, mais pas à ce point-là.

— Vos royaumes sont d’une grande puissance que nous n’avons rien à envier, et je n’ose parler des Empires qui y règnent.

— J’ai effectivement déjà entendu parler de ça quelque part et j’ai aussi entendu que vous veniez pour des raisons diplomatiques c’est cela ? Vous parlez de ce sujet avec tant d’aisance que c'en est déconcertant.

— Effectivement, et j’avoue que la surprise sur les visages quand j’évoque le sujet devient assez lassante, mais je verrai cela avec sa Majesté l’Empereur.

— Bonjour mesdemoiselles, je vous prie d’accepter ma main, mademoiselle Grintofk.

— Jessy !

 La porte s’ouvrit sur un jeune homme. Angelica avait laissé son sérieux pour son visage rayonnant en apercevant le domestique qui s’efforçait de ne pas partager sa joie communicative. C’était un homme de grande taille au corps sculpté par les efforts. Il avait les cheveux châtains et les yeux marron clair.

— Je vous en prie, mademoiselle Angelica, soyez plus discrète.

— Oh Jessy par tous les dieux ! Nous nous côtoyons depuis notre plus jeune âge, déjà que vous me forcez à vous vouvoyer en public, je ne vais pas montrer l’air hautain que vous me recommandez à longueur de temps. Et appelez-moi Angel !

— Vous devriez, les femmes de votre…

— De mon rang, oui, je sais.

 Pour le coup, la jeune femme semblait vraiment vexée, ce qui semblait attrister le jeune homme qui ne savait que faire pour ne pas attirer l’attention des aristocrates qui se trouvaient non loin.

— Je vous en prie mademoiselle, je suis obligé d’être ainsi en public si je ne veux pas perdre mon travail, vous savez à quel point il m’est important. Même pour votre prénom, je sais que vous détestez cela mais je n’ai pas le choix, ils vont penser que c’est un manque de respect de ma part sinon.

 Dans un soupir, l’intéressée répondit à l’affirmative et en lui proclamant qu’un jour il pourrait l’appeler ainsi sans jugements avant de regarder Rina qui s’était quelque peu renfrogné dans le véhicule pour les laisser dans leur intimité, même si bien évidemment elle avait tout entendu.

— Venez, mademoiselle Rina, je vais vous conduire jusqu’à la salle de réception.

 Angelica était déjà descendu, en prenant la main de Jessy, Rina lui adressa un doux sourire pour lui remonter le moral, le pauvre garçon semblait abattu d’avoir tant contrarié son amie.

— Dites-moi Angel, puis-je vous poser une question ?

— Je vous en prie.

 Elle paraissait perdue dans ses pensées en s’avançant vers l’immense entrée du palais mais Rina se délectait de connaître la réaction qu’elle pourrait avoir dans quelques instants.

— Quelle relation avez-vous avec Jessy ? Vous paraissez à la fois si proches et si distants.

 Elle avait apparemment visé juste, ses joues s’empourprèrent en quelques instants.

— Disons que nous nous connaissons depuis notre plus tendre enfance. Il était le fils des domestiques de ma famille, il avait quatre ans quand je suis né et nous nous sommes plus séparés depuis. Il me contraint à adopter des manières distantes face à lui pour qu'il ne perde pas son statut dans la famille impériale et que je ne me fasse pas déshonorer. Voyez-vous, je ne supporte pas les regards hautains que l’on porte aux domestiques. Enfin voyons, c’est grâce à eux que nous vivons une vie aussi confortable ! Alors agir comme cela envers lui me révolte mais je ne semble pas avoir le choix selon lui. Pour lui, la fille d’un Duc ne peut se dévoiler ainsi.

— D’un Duc ? Mais je vous nomme par votre prénom !

— Et alors ? Oui, je m’appelle Angelica de Gorguet mais je n’aime pas me baisser à ces formalités contrairement à ce qu’en pense les autres dames de mon âge.

 Maintenant qu’elle le disait, il était vrai que ses manières n’avaient rien d’une domestique et même si cela semblait la répugner, elle avait l’attitude d’une véritable dame du monde. Les multiples colliers et bracelets ne rendaient même pas l’ensemble trop chargé, tout paraissait fait pour elle. Le monde pouvait être à ses pieds que Rina n’en serait pas étonnée.

— Je vois, mais dites-moi, avec Jessy, vous pouvez vous voir autant que durant votre enfance ?

— Nous deux ? Nous nous arrangeons pour, quand les membres de la haute société ne sont plus dans les parages. Même sa Majesté ne parais pas contre cela, ma famille et celle de l’Empereur sont très proches alors il n’a jamais été pensé de remettre cela en question.

— Je ne sais comme cela se passe ici mais un mariage est envisageable avec une personne inférieure à votre rang ?

— Pardon ?

 Là, elle avait capté le plein intérêt de la jeune femme qui la regardait avec de grands yeux ronds alors qu’elles commençaient à gravir les marches de l’entrée.

— Qu’entendez-vous par là ?

— Rien de spécial, je me demandais juste si vous étiez éprise de lui et je ne pense pas être si loin de la vérité.

 Les joues rougies de la demoiselle répondaient à sa place, c’était l’évidence du nez au milieu de la figure.

— Pardonnez-moi de vous avoir demandé cela de but en blanc mais je ne voyais pas d’autre conclusion. Surtout que je ne vois pas d’alliance à votre main. Je supposais donc que vous n’aviez personne dans votre vie, ce qui m’étonne très fortement étant donné votre statut. De ce que je sais, les mariages se font très jeunes et souvent avant même le berceau. Vous êtes rougissante, rayonnante et naturelle face à lui, c’est très agréable vous savez.

— Votre observation est déconcertante et très peu convenable mademoiselle, vous avez de la chance de me faire face car certaines dames pourraient vous rabaisser pour un tel affront plein de curiosité mal placé.

 Cet intérêt ravissait Angelica et elle lui fit bien savoir par un sourire mais elle l’a mise aussi en garde, la Cour était loin d’être réceptive aux questions indiscrètes.

— Disons que voir quelqu’un de votre rang sans un masque, c’est assez agréable.

— Je vois.

— Vous ai-je offensé ?

 Elle montra que non d’un signe de la tête, elle avait même un sourire béat sur le visage.

— Vous avez même raison je suppose, je vous demanderai juste de ne pas l’ébruiter. Je pense que ma famille ne serait aucunement contre mais je ne souhaite pas que l’aristocratie l’apprenne. Voyez-vous, je ne risque pas grand-chose mais lui oui et c’est bien la dernière chose que je souhaiterais.

— Je serais une véritable tombe, je vous le promets. Mais je me permettrai de vous importuner avec cela.

— Si ce n’est que ça, pourquoi pas ?

 Les deux jeunes filles se mirent à rire de bon cœur avant de se calmer en passant la porte et qu’un énième domestique ne vienne les aborder en s’inclinant avec politesse.

— Qui dois-je annoncer, mademoiselle de Gorguet ?

— Informez de ma présence et celle de mademoiselle Grintofk de l’empire d’Astril je vous prie.

— Bien mademoiselle.

 En quelques secondes, il avait déjà disparu dans un dédale de couloirs sans fin. Le blanc, le doré et le rouge étaient les principales couleurs de l’entrée mais c’étaient aussi les couleurs qui représentaient l’empire. La jeune fille baladait son regard avec un essai de discrétion qu’elle avait du mal à dissimuler.

— Aimez-vous, mademoiselle ?

— Je trouve que l’architecture est d’un goût exquis, chaque élément est important et relève d’autres aspects bien caractéristiques, c’est magnifique.

— Apparemment, nous avons de nombreuses qualités chez nous.

 De multiples vases d’un blanc immaculé étaient disposés sur différentes étagères ce qui faisait ressortir la couleur éclatante des plantes disposées ici et là. Ce qui émerveillait encore plus la jeune femme, c’étaient les immenses tableaux qui ornaient les murs de toutes leurs statures magistrale.

— Je vous en prie mesdemoiselles, sa Majesté l’Empereur vous attends.

 Le domestique qui avait demandé leur nom était réapparu comme par magie en les faisant avancer dans une salle de réception de taille modeste, juste de quoi faire une réunion importante en toute tranquillité.

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