La continuité du voyage - Partie 2

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Pendant les deux semaines qui suivirent, Rina ne croisa plus que rarement l'homme avec qui elle avait partagé le repas. Jamais plus il ne lui avait demandé compagnie ce qui la ravissait.

- Mademoiselle Grintofk ?

Tiré de ses pensées, son regard traversa la petite cabine pour se déposer sur la douce amie qu’elle s’était faite durant le voyage et qui venait d’arriver dans sa cabine.

- Oui Maria ? Que se passe-t-il ?

- Avez-vous empaqueté vos affaires ? Le capitaine m’a prié de vous dire que nous arriverons au port dans une trentaine de minutes.

- Parfait, tout est fin prêt.

- Avez-vous besoin d’aide pour transporter vos affaires au-dehors ?

- Tout est déjà arrangé, en arrivant un domestique de mes hôtes viendra s’en occuper.

Malgré les indications de la jeune fille, la cuisinière semblait peinée et nerveuse.

- Qu’avez-vous Maria ? Vous sentez vous mal ? Vous êtes blanche comme un linge.

Rina s’était levé pour lui donner un soutien si elle en ressentait le besoin, elle l'entraîna vers le lit pour qu’elle se repose quelques instants.

- J’avoue que je suis ennuyé de vous voir partir.

- Ah oui ? Pourquoi cela ? Je ne suis pas la dernière personne à fouler le pont de ce bateau.

- Bien qu’elle essayait de dérider sa compagne avec un léger rire, celle-ci se renfrogna davantage.

- Pardonnez-moi si je vous parais brusque mademoiselle, je trouve juste que vous êtes devenue une personne importante à mes yeux. Cela doit vous paraître maladroit et surtout impoli mais vous m’avez permis d’améliorer mon langage et même de nourrir l’espoir d’un meilleur avenir.

- Approchez.

Elle enlaça la jeune femme, les mots de Maria venait de toucher profondément Rina qui lui était vraiment reconnaissante de sa compagnie plus qu’agréable durant le séjour, elle se languissait de devoir la laisser derrière elle car elle avait trouvé en elle une amie précieuse. Quand elle avait reçu des nouvelles de sa famille, elle s’était empressé de répondre par une demande peu commune :

- Tin, mon très cher Tin, Je me languis déjà de vous tous, que ces moments vont être longs sans vous ! Je me porte comme un véritable charme, ne vous en faites pas pour moi et il se trouve que j’aurai un petit quelque chose à te demander. Penses-tu qu’une gouvernante pourrait être la bienvenue au manoir ? J’ai eu cette pensée en lisant combien Mino se sentait seul. Ladite intéressée n’est aucunement au courant pour ne pas nourrir un espoir sans issues, notre petit bout de frère pourrait être intéressé et nos parents ne pourront pas éternellement espacer leurs missions pour être avec lui. Je sais qu’elle ne pourrait venir qu’à mon retour mais je ne sais ce que je ferais à ce moment-là, si je dois être maintes fois occupé, le pauvre continuera seul encore une fois.
La personne dont je te parle se nomme Maria, une femme tout à fait remarquable qui se trouve être la cuisinière du bateau sur lequel je me trouve. Elle est à peine plus âgée que moi et sa gaité est d’une fraîcheur telle qu’elle donne une bonne humeur écrasante à quiconque passe sur son chemin et le parcourt quelque temps à ses côtés.
Elle aspire à de nouveaux horizons pour son avenir sur le moyen et long terme et je me suis demandé si je ne pouvais pas lui trouver cela à nos côtés. Elle est devenue une amie précieuse en qui j’ai grandement confiance même si je ne lui ai aucunement divulgué l’objet de mon voyage. Elle m’a déjà dit avoir de la famille part chez nous et je pense qu’elle adore les enfants, même si Mino n’est plus aussi petit que ça il pourrait y trouver une forme de distraction.
Je garderai ceci secret tant que je n’aurais pas de réponse de ta part, si c’est un refus elle n’en sera donc pas affectée. Ne t’en fais pas, Tessa est déjà au courant pour mon voyage depuis un moment !
Avec tout cela, je te souhaite une merveilleuse année 1899, avec légèrement de retard, à vous tous, je reviendrais bien vite à vos côtés.
Avec tout mon amour,

Rina.

Elle ne savait pourquoi elle avait préparé cela mais ça lui avait tenu à cœur. Elle avait eu le droit de changer sa ligne de vie alors pourquoi pas demander si elle le souhaitait aussi ? La réponse de son frère n’avait pas tardé à arriver avec une réponse plus que positive tout en lui souhaitant une très bonne année. Tin trouvait, tout comme ses parents, l'idée merveilleuse. Apparemment Mino avait paru réticent au départ mais il se laissait tenter, surtout quand Tin a avancé l’atout de la cuisine. Malgré tout, son frère l’avait averti sur un point, pas de Ziny, il était catégorique. Rina avait levé les yeux au ciel en lisant ça, c’était de la logique même.

- Voyez-vous, ma famille est divisée par les professions qui forcent les aînés à partir et donc mon plus jeune frère se voit à se retrouver bien seul la plupart du temps dans le domaine de ma famille. Vous m’aviez bien dit que vous aimiez les enfants ? Mon frère n’est plus aussi petit que cela mais tout de même.

L’air intrigué ne quittait plus le visage de Maria qui ne comprenait pas vraiment où son amie voulait en venir, pourtant elle décida de répondre docilement à ses questions.

- Pour sûr oui, j’ai moi-même plusieurs personnes dans ma fratrie, pourquoi cela ?

- Ils sont bien tous au royaume ?

- Bien sûr, oui, je ne les vois que quelques fois par an à cause du travail sur le rafiot, mais sinon oui.

- Seriez-vous d’accord de rejoindre le pays au quotidien ?

- Mais comment ? Il n’y a pas de travail dans cet endroit pour moi.

- Justement c’est de cela que je voulais vous parler.

Interloquée, la cuisinière l’avait regardé avec un air bizarre sur le visage tandis que Rina s’efforçait à ne pas rire.

- Pardonnez-moi, mademoiselle, malgré tout le respect que je vous dois, puis-je vous demander d’être plus clair ?

- J’aimerais, si vous l’acceptez, que vous deveniez la gouvernante du manoir familiale, pour tenir compagnie à mon petit frère et retrouver vos proches. Je suis bien d’accord que c’est assez culotté de ma part mais je ne me serais pas pardonné de ne pas vous en avoir fait part.

- Votre famille est-elle au courant ?

- Mais bien sûr ! Je leur ai demandé avant et même mon cadet est enchanté à condition que vous pratiquiez la cuisine à ses côtés.

- Je ne sais quoi dire…

- Mais j’ai une condition, si vous acceptez.

Rina s’était permise de la couper dans son élan, elle avait eu un ton si catégorique et autoritaire que Maria ne lui connaissait pas, ce qui la fit frémir.

- Dites-moi ?

- Connaissez-vous les Sokl ? Et si oui, qu’en pensez-vous ?

La question ainsi posée, elle ne pouvait savoir dans quel camp elle se situait, elle ne pouvait l’influencer selon le ton de sa voix et ni par les mots employés.

- Oh vous savez, moi je ne m’en préoccupe pas. Je n’en ai jamais vu et en vérité je m’en fiche un peu. On raconte tout plein de trucs sordides sur eux mais s’ils étaient si horribles que ça on en parlerait avec plus d’actualité. Pouvez-vous m’en dire plus ?

- Les Sokl sont ceux qui possèdent une source de magie et vivent le plus souvent en communauté. Nous appelons aussi Ziny ceux qui veulent voir les Sokl disparaître de la surface de la Terre. Enfin, nous avons les Jiklo, ceux qui n’ont pas de pouvoirs et qui en fin de compte ne s’en préoccupent pas, ils ne ressentent pas particulièrement de haine ou de colère pour les Sokl. Vous vous situez où ?

- Si on devait me donner un de ces surnoms, je dirais les Jiklo comme vous dites. Du moment qu’on ne m’embête pas, moi je ne m’en occupe pas.

- Parfait.

- Pourquoi mademoiselle ?

- Je vous expliquerai tout cela en bonne et due forme.

Un bruit de corne fit sauter Rina sur ses jambes, prête à partir fouler du pied le nouveau pays qui l’attendait.

- Je vous enverrais une missive dès que possible Maria, je dois rester un long moment ici mais dès que je peux revenir dans mon village natal je vous contacterais, je vous le promets. Pour le moment, je vous salue avec toute ma plus tendre amitié.

Tout en inclinant poliment la tête, Rina quitta la cabine en laissant une jeune fille stupéfaite derrière elle. Son avenir venait peut-être de changer du tout au tout en seulement quelques minutes, elle n’en revenait pas. La domestique du bateau se retint de faire éclater sa joie et faillit tomber en sanglot mais se reprit, le domestique de la jeune demoiselle allait arriver alors il ne fallait pas se laisser aller. Le vingt-six janvier 1899, elle allait commencer sa nouvelle vie.

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