7 - Famille Smith

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 Elle en avait l'habitude, maintenant, d'avoir des trombes de larmes qui déferlaient sur ses jolies pommettes rosées. Ce phénomène était devenu tellement naturel qu'elle ne se rendit pas compte que le déluge continuait au rythme de ses pas. Elle revoyait les formes de son amie se faire percuter par le monstre de métal. Sa tête tomba en arrière, les larmes du ciel viennent se mêlaient aux siennes, ne formant qu'un seul filet de tristesse.

 La question de la mort lui venait en tête, que ressentait-ont lorsque le moment était venu ? Lorsque le dernier souffle sortirait de notre bouche pour laisser place au néant ? Cette légende de lumière blanche était-elle vraie ? Etait-ce douloureux ? Tant de questions qui resteront sans réponses encore quelques temps, elle était jeune, et avait encore quelques belles années devant elle pour vivre. C'était peut-être cliché, mais elle avait peur de la mort. Imaginer ce néant, le noir, la solitude. Des frissons parcoururent sa colonne vertébrale, cette vision de la mort l'effrayait. Être conscient que tout pouvait s'arrêtant, sans prévenir, sans même envoyer un petit message ; attention, ça va bientôt finir. Comme si sa télévision avait arrêté de fonctionner au meilleur moment du film, et qu'elle savait qu'elle ne serait jamais en capacité de le finir.

 Secouant vivement sa tête et son esprit, elle essaya de se concentrer sur ce qu'elle était venue faire au départ : rendre hommage à son ancêtre. Elle cherchait à chasser ses vilaines pensées par de joyeux souvenirs, c'était la seule chose qui l'aidait à tenir face à cette épreuve, les souvenirs.


* * *


 Lily était vivement affairée dans sa chambre, faisant des aller-retour entre son armoire et le miroir. Elle voulait la plus belle des tenues pour un des plus beaux moment de sa vie : un rendez-vous amoureux avec l'homme de ses rêves. Un jeune homme de deux ou trois ans de plus qu'elle, étudiant dans la même licence qu'elle. Un grand brun aux yeux verts, épaules carrées tout comme sa mâchoire. Tous les yeux étaient rivés sur lui quand il se baladait dans les couloirs du campus. Comment un homme comme lui avait pu s'intéresser une seule seconde à la jeune femme qu'elle était ? Inintéressante.

 Elle, la jeune étudiante bien habillée, peu sûre d'elle et complètement stressée et détruite par la vie.

 Lui, un grand gaillard qui n'avait peur de rien, un peu tête en l'air et qui suivait plus son inconscient que la raison.

 Un couple digne des plus grand film romantique qui pouvait passer en période de Noël. Lily trouvait tout cela un peu clicher, son attitude, vouloir être la plus belle pour ce bel Apollon mais elle s'en fichait. Elle savait qu'elle allait vivre le plus beau moment de sa vie. Elle venait d'avoir à peine vingt-ans, et elle ne s'était jamais sentie aussi vivante que depuis qu'elle l'avait rencontrée.

 Elle se trouvait devant le restaurant où il l'avait invité, habillée d'une longue robe bleu électrique qui mettait sa chevelure et ses formes en valeur. Elle était la plus belle du monde, elle en était persuadée.

 Les minutes défilaient sans que le jeune garçon ne fasse son entrée. Dix minutes, ce n'était pas grave, il devait aimer se faire attendre. Les hommes aiment faire patienter les femmes. Dix minutes de plus, et il n'était toujours pas là. Son cœur se brisa en mille morceaux qu'en elle compris qu'il ne viendrait jamais, qu'elle était là, comme une conne à attendre le néant.

 Une voiture arriva devant elle et la fenêtre se baissa doucement. Derrière, se trouvait le visage de la seule personne qui pouvait la consoler dans un moment pareille, la seule en qui elle plaçait une confiance aveugle : sa bien-aimée grand-mère.


* * *


 Un sourire se dessina sur les fines lèvres de Lily, se remémorer de tels moments était réellement thérapeutique. Les souvenirs soignaient immédiatement les plaies, les refermant avec les aiguilles d'amour créés par ces moments.

 C'était plus déterminée qu'elle continuait son chemin vers la nouvelle tombe où elle déposerait un lilas, vers une nouvelle histoire. Au loin, une plaque funéraire attira son regard : une photo de famille.. Les yeux la jeune femme se fermèrent et laissèrent place à la nouvelle histoire qui se dessinait devant elle.


* * *


 —  C'est quand qu'on arrive ? Braillait le petit Junior à l'arrière de la voiture.

 — Bientôt mon chéri, calme toi, dors, ça passera plus vite. Répliquait Lydia, sa mère.

 Une famille des plus banale sur la route des vacances, les deux enfants attendaient ça depuis la fin de l'école ; pouvoir courir partout, se faire de nouveaux amis sans avoir tous ces devoirs à faire les soirs. Les deux parents, eux, avaient hâte de rentrer chez eux et de refiler les enfants aux grands-parents pour enfin profiter d'un moment rien qu'à eux.

 Un couple lambda avec deux enfants : une fille et un garçon. Cette famille ressemblait un peu à la famille parfaite qu'on pouvait trouver dans les séries ou les films, quelque chose d'impossible. Même en entretenant de bonnes relations, une famille ne pouvait pas être aussi parfaite ; il y avait toujours une faille. Une femme frustrée sexuellement qui trompait son mari avec un homme bien trop jeune pour elle, lui faisant croire qu'elle amenée sa jeune fille aux cours de flûtes. Un homme détruit par la vie qui passait ses soirées dans les bars à boire à ne plus savoir combien de verres il avait prit. Alors qu'il devait être en train d'assister au match de foot de son fils. Etait-ce donc ça, la famille parfaite ?

 Ils arriveraient bientôt à leur destination : la Bretagne et ses beaux paysages à perte de vue. Les prairies, les montagnes et la mer. Tous pour reposer la famille londonienne. C'était le premier voyage hors de leur pays natal pour les deux bambins. Les mains sur le bord de la portière et le nez collé contre la fenêtre, ils admiraient les paysages si différent de ceux de chez eux.

 — Oh ! Criait la jeune Monica, pointant un animal inconnu du doigt. Qu'est-ce que c'est ? Nous n'avons pas ça en Angleterre !

 — C'est une vache ma puce, répondait William, le père.

 — Une vache ? Wow, c'est grand... Mais beurk ! S'exclamait-elle, mimant le dégoût. Elle fait caca devant tout le monde !

 Les parents éclatèrent de rire dans une mélodie si chaleureuse et paisible. Ils n'auraient pas pu rêver mieux pour un premier voyage. Eux, et personne d'autre pour perturber leur séjour. La voiture s'arrêta sur une aire de repos, dans laquelle il y avait une station essence et une aire de pique-nique avec des jeux pour les enfants.

  —  Vous restez sage les enfants, d'accord ? Papa va juste remettre un peu d'essence et on repart. Il nous reste seulement une heure de route, nous sommes bientôt arriver.

 C'était à ce moment là que le père fit l'erreur de sa vie, laissant ses deux jeunes enfants seuls dans la voiture, sa femme étant partie aux toilettes quelques instant. Ses mains agrippèrent la pompe à essence et l'insérèrent dans le trou du réservoir, le cauchemar commençait à ce moment là.

 La femme revint en courant, voyant un de ses enfants sortis de la voiture alors qu'il en avait eu l'interdiction. Elle l'enlaça et ne le lâcha plus. Le deuxième sorti en trombe de la voiture, criant qu'il avait fait une bêtise. Monica avait une allumette dans la main qui était à moitié brulée.

 — Junior m'a dit que ce serait rigolo de faire de la lumière avec l'allumette, mais je me suis fait mal.

 Un réflexe de mère aimante et protectrice mit fin à leur séjour paradisiaque de famille faussement parfaite. La main de Lydia frappa violement la main de sa fille, pour lui hotter l'allumette des mains. La flamme encore vive rencontra un filet d'essence qui coulait par terre.

 Une explosion de cris, de flammes et de lumières. Une scène aussi impressionnante que magnifique. Les flammes volèrent dans le ciel, suivit par les éclats de verre et de métal de la voiture. Un feu d'artifice mettant fin aux vies de ces âmes tourmentées qui se croyaient parfaitement normales.

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