3 & 4 - Judith et Jude

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 Une tombe assez fleurie attira son attention, elle s'en approcha rapidement et l'examina, malheureusement, elle n'arrivait pas à lire les noms du ou des défunts. Cette flore lui rappelait sa bien-aimée grand-mère et un très vieux souvenir lui surgit en tête.

 Fleuriane et elle étaient toutes deux dans la grande serre familiale, endroit sacré où toutes bêtises étaient gravement punies. Le vieux père passait de temps en temps, histoire de s'assurer que tout restait dans un parfait état. Les mains de Lily voguaient sur les pétales de fleurs, les odeurs lui transperçaient les narines et la transportaient aux quatre coins du monde. Les yeux fermés, elle se laissait transporter. Soudainement, une douleur la sortit de son doux voyage et la ramena à la réalité. Ce n'était pas une de ces douleurs qu'on ne pouvait pas supporter, c'était plus comme une gêne. Ses yeux se dirigèrent vers la source et elle découvrit une plante qui ne lui était pas inconnue, mais elle n'en savait pas grand chose dessus.

 — Mamie ? Demandait Lily.

 — Oui, ma petite fleur ?

 — Qu'est-ce que c'est ? L'interrogeait-elle en pointant du doigt la plante.

 — Ça Lily, c'est un cactus. Il a une histoire très particulière, tu sais ? Je l'ai mis en terre le jour de ta naissance, j'en ai pris grand soin. Tu m'as aidé quand tu as grandi, et j'espère que tu continueras à t'en occuper.

 — Il va mourir un jour ?

 — Si tu lui donnes tout ton amour et pleins d'affection, il restera très longtemps auprès de toi.

 Quinze ans après ça, le cactus était toujours en vie, Lily s'en était occupé comme si c'était son propre enfant. Tous les jours, elle lui parlait et lui donnait de l'amour, c'était devenu son meilleur ami, son confident. Ce petit bout de nature était devenu très important pour la jeune fille, comme si l'âme de sa grand-mère y était entrée. Ce cactus demeurait désormais sur la tombe de sa grand-mère, proche de celle qui l'avait conçu.

 Continuant son chemin, son esprit décida de s'arrêter devant une nouvelle tombe, celle-ci paraissait plus grande et mieux entretenue que les autres. Elle se pencha pour découvrir les noms inscrits dessus : Jude et Judith. Cette tombe était pleine de mystères, deux jeunes femmes qui se ressemblaient comme deux goûtes d'eau, avec des prénoms pratiquement identiques mais elles ne portaient pas le même nom de famille. Et encore plus étrange, elles étaient morte le même jour.

 Ces deux sœurs jumelles avaient toutes deux été abandonnée à la naissance, leur mère étant trop jeune et bien trop pauvre pour leur donner la vie qu'elles méritaient. Elles eurent à peine le temps de poser le regard l'une sur l'autre que leur chemin se séparèrent.

 Judith était une jeune fille pleine de vie qui vivait dans un petit village français, elle y faisait des études de droit ; dans le but de devenir une grande juriste, comme ses parents adoptifs.

 Jude était une jeune femme pleine d'assurance et d'envie, vivant dans une petite contrée irlandaise, elle était serveuse dans un bar de nuit ; activité qui rythmait beaucoup ses journées. Elle vivait seule depuis l'âge de seize ans, ses parents adoptifs étaient décédés.

 Toutes deux menaient des vies bien différentes et pourtant tellement similaires. Une seule chose les maintenait en vie et leur donner l'envie d'avancer : découvrir leurs origines. C'était très dur pour les deux jeunes femmes de vivre sans connaître d'où elles venaient, sans savoir de quoi elles étaient dues. Un coup d'un soir ? Un viol ? Ou tout simplement le fruit de l'amour de deux personnes ? Elles pensaient ne jamais le découvrir.

 Judith entreprit des recherches très approfondies qu'elle pouvait faire par le biais de ses études, elle était en stage chez un des plus grands notaires de la ville, elle pourrait très certainement y retrouver les clés de sa vie.

 Jude, quant à elle, n'avait pas les moyens de faire de bonnes recherches. Entre son boulot et tout le travail qu'elle avait chez elle, elle n'arrivait pas à trouver du temps pour elle ; et encore moins pour ses origines.

 Leur mère était une femme très vive et très excentrique. Elle allait de bar en bar à la recherche de celui qui pourrait combler sa vie, celui qui lui dira qu'elle est belle parce qu'il le pense, et non parce qu'il veut coucher avec elle. Elle avait à peine dix-huit ans qu'elle avait pratiquement goûté à tous les hommes de la ville, lui donnant une jolie réputation de fille facile.

 Judith était une ville très sage et elle n'avait pas une grande confiance en elle, à l'âge de vingt an, elle était encore pucelle. Elle voulait se préserver pour le bon, celui qui saura la faire se sentir différente, supérieure aux autres. Rien à voir avec sa mère.

 Jude était le portrait craché de sa mère, aussi belle et bien formée que sa mère, elle faisait tomber la moitié de ses clients au bar. Elle n'avait pas peur de l'inconnu et voulait avoir une grande et éclectique expérience sexuelle pour ne pas mourir avec des regrets. Homme ou femme, tout le monde y passait.

 Un soir, la jeune adulte se baladait en ville et tomba sur un homme pleins de mauvaise attention, il la plaqua contre un mur et se laissa aller à des désirs charnels. Lui avait-il seulement demandé son accord ? Et si elle n'était pas d'humeur ce soir-là à recevoir ce genre d'amour ? Les larmes coulaient le long de sa joue, elle ne voulait pas, il ne s'en souciait pas. Ces deux jeunes gens, sans le savoir et sans le vouloir, étaient en train de concevoir la plus belle des choses : un enfant.

 Après de longues recherches, Judith découvrit qui était sa mère et trouva une lettre qu'elle lui avait laissé, ou plutôt, qu'elle leur avait laissé, à elle et sa sœur. Une pluie de larmes tomba sur les pommettes de la jeune femme en découvrant les circonstances de sa conception ; comment vivre en sachant qu'on doit notre existence à un viol ?

 Un soir, un homme regardait avec attention et sans lâcher du regard Jude. Elle décida d'aller voir ce vieil inconnu.

 — Il y a un problème ? Demandait-elle avec un petit ton agressif. Je ne fais pas dans les vieillards, je suis désolée.

 — Jude ? C'est comme ça que tu t'appelles ? Tu ne le croiras jamais, mais je suis ton père.

 — Mais bien sûr.

 L'homme lui montra soudainement une tache de naissance qu'il avait derrière l'oreille, la même que la jeune femme. Elle s'assit en face de lui et écouta ce qu'il avait à dire. Des torrents de larmes coulaient le long de ses joues, elle était le fruit d'une agression et non de l'amour de deux personnes. Elle se leva en giflant le vieil homme et lui interdit de revenir dans ce bar. Elle n'en revenait pas.

 La souffrance était trop forte et trop imposante, elles ne pouvaient pas vivre avec ce poids sur les épaules. Elles avaient l'impression d'être une honte pour la société, elles n'étaient pas désirées dans ce monde, personne ne voudrait d'elles.

 Elles étaient à des centaines de kilomètres l'une de l'autre et pourtant, elle s'apprêtaient à commettre la même erreur. Toutes deux prièrent une dernière fois, faisant table rase du passé. Elles montèrent toutes deux sur une chaise, entourant leur cou d'un collier de corde et se laissèrent aller à la descente.

 Les deux sœurs donnèrent leurs premiers souffle et leur dernier en même temps. Après de longues recherchent par les parents adoptifs de Judith, les deux sœurs furent réunis dans la mort, elles finiraient leur existence ensemble, proche de leur mère.

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