5 - Paco

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 Les larmes continuaient de couler de plus belle sur les douces joues de notre jeune femme. Elle n'arrivait pas à croire que de si jeunes filles pouvaient être mortes à un tel âge. Elles avaient tellement à découvrir, tellement à apprendre sur la vie et ses épreuves et surtout, ses bonheurs.

 La vie est une succession de chances et de malheurs, un jour, elle décidera de vous apporter gloire, amour et bonheur et le lendemain laissera place au désespoir, à la haine et aux trahisons. Elle sera de ces amis qui seront là pour vous dans les moments les plus drôles et les plus héroïques et vous abandonnera dès la première difficulté. C'était ce qu'elle avait fait avec ces deux jeunes femmes, elle les avait laissées pour compte alors qu'il leur restait tellement à voir.

 Lily déposa un lilas sur la tombe de ces deux pauvres âmes parties bien trop tôt. Après un dernier regard jeté vers la tombe, elle continua son chemin vers sa destination finale, elle avait toujours aussi peur d'affronter une nouvelle fois la mort de sa grand-mère.

 En imaginant toutes ces vies à toutes ces personnes, elle se rendit compte qu'elle ne portait jamais d'attention à toutes ces âmes vagabondes. Leurs fantômes rodaient très certainement autour d'elle en criant pour se faire entendre, et surtout pour attirer les gens vers eux. Ils vivent une vie tellement seule et triste loin de tout et des personnes qu'ils aimaient.

 Il lui arrivait de réfléchir à la mort, de savoir ce qu'il y avait après le dernier souffle. Savons-nous que nous sommes en train de mourir quand sonne la dernière heure ? Elle se demandait parfois l'intérêt de la vie, pourquoi nouer des liens avec des gens si au final nous finissons seul ? Une boule se formait dans son cœur à chaque fois qu'elle y pensait, elle ne voulait pas mourir et apporter tant de peine aux gens qu'elle aime.

 Les yeux et la tête dans les nuages, ses pieds continuaient de danser le long des tombes. Une fausse note, un faux pas, elle dégringola les marches et se retrouva étalées dans les vieilles herbes et les fleurs meurtries. La honte commençait à l'envahir, elle ne se sentait que rarement honteuse. Elle se souvenait de la dernière fois où ça lui était arrivé ; un autre souvenir avec sa grand-mère.

 Elle venait tout juste d'avoir douze ans, elle rentrait au collège pour la première fois. Chaque année, elle se mettait sur son trente-et-un pour la rentrée des classes ; voulant faire une bonne impression à toutes ses nouvelles copines et surtout aux beaux garçons. Rencontrerait-elle son prince charmant cette année ?

 C'était déterminée qu'elle franchit le portail de ce nouveau monde, monde dans lequel elle pensait ne pas avoir sa place, elle ne se sentait pas à la hauteur. Habillée d'une belle robe blanche avec une petite veste en jean, ses deux couettes flottaient dans le vent.

 Des éclats de rire entrèrent en contact avec son visage tel une grosse gifle. Tout le monde la regardait en la pointant du doigt. La petite fille ne comprenait pas pourquoi elle était le centre de toutes ces moqueries, les larmes commençaient à couler le long de ses jolies joues rosées. Elle se précipita vers les toilettes et découvrit une grosse tache rouge sur sa robe.

 Quelques heures plus tard, elle était chez sa grand-mère en pleurs, n'arrivant pas à se calmer. La vieille dame la prit dans ses bras et tenta de la rassurer, tant bien que mal.

  — Ma petite puce, sèche-moi ces vilaines larmes. Tu deviens une femme, cette tache rouge montre ton passage vers un nouveau monde.

 Les petites mains de la fillette essuyèrent les larmes sur ses joues et elle écouta attentivement tout ce que sa grand-mère lui expliquait, elle devenait une grande fille, elle devenait une femme.

 Ce souvenir arracha un sourire à Lily, ses premières règles était encore un sujet qui faisait beaucoup rire toute la famille, sa grand-mère était toujours là pour toutes ses premières fois les plus importantes : ses règles, son premier petit copain, sa première expérience sexuelle...

 La jeune femme s'arrêta devant une tombe qui était très différente des autres. Au lieu d'y trouver des plaques funéraires, on pouvait y voir des jouets pour chien, des croquettes et quelques photos d'un vieux berger australien. Elle se rapprocha d'une des photos et se permit de la prendre pour l'inspecter de plus près. On pouvait y voir un petit garçon d'une dizaine d'années à côté de ce majestueux chien. Il souriait en serrant l'animal fort contre lui. C'était le chien qui était enterré ici ou bien le petit garçon. Elle fit plus attention aux détails de la pierre tombale et découvrit le nom de Paco, mort à l'âge de dix ans.


* * *


 Accompagné de son gros chien de garde, le petit garçon déambulait dans les rues à la recherche de la petite merveille. Un jouet, celui de ses rêves, avec lequel il pourrait frimer à l'école et rendre jaloux tous ses camarades. Il se voyait déjà avec, le brandissant dans la cour de récréation, courant, criant et riant avec. Malheureusement, ses parents n'avaient pas assez d'argent pour le lui acheter, ce qu'il pouvait comprendre, il y avait des choses plus importantes dans la vie qu'un vulgaire jouet.

 Il avait donc décidé de se le procurer par ses propres moyens, il avait vu de grandes personnes le faire une fois. Il avait fait quelques dessins qu'il étala sur le trottoir et avait fait une pancarte avec écrit : "pour m'aider à payer mon jouet préféré." Il s'assit derrière ses dessins et attendit que les passant daigne lui porter de l'attention. Son gros chien s'installa à ses côtés et lui donna un petit coup de tête pour lui montrer qu'il voulait des caresses.

 Ceux-ci passaient devant le petit garçon et son chien en riant et en lui faisant des signes de mains, l'incitant à continuer comme ça. Un d'eux, habillé d'un costume qui devait sortir du pressing, avec des chaussures bien cirées et une montre qui devait valoir tout l'or du monde, passa devant le jeune garçon en le méprisant du regard. Il lui jeta un vieux mouchoir utilisé sur le visage, les larmes montèrent aux yeux de l'enfant. Les babines du chien se relevèrent et dévoilèrent une dentition des plus parfaite et deux grosses canines ; qui n'hésiteraient pas à transpercer la peau d'un homme qui voudrait faire du mal à son humain.

  — Eh bien, si même les enfants commencent à mendier dans les rues, notre pays n'est pas près d'aller de l'avant. Mon petit, tu fais honte à notre patrie. Lève-toi et retourne voir tes ridicules parents.

  — Ils m'ont toujours dit de ne pas parler aux inconnus, et surtout pas aux vieux méchants. Mon papa dit que des gens comme vous sont juste des gros cons prétentieux qui veulent attirer l'attention.

  — Ferme-là petit, dit le vieil homme en levant la main, comme pour frapper le jeune garçon.

 Ni une, ni deux, prenant ce geste comme un signe d'agression envers son bien-aimé humain, le chien bondit et se jeta de tout son long sur le vieil homme. Ses crocs se plantèrent droit dans son avant-bras et des filets de sang coulèrent le long de son magnifique costume. Le vieillard se releva sans mal et propulsa le chien loin de lui. Prit d'une rage folle contre le chien, il dégaina un petit pistolet qu'il gardait précieusement rangé dans sa sacoche. Il le braqua sur le chien. Sans prendre le temps de réfléchir, le petit garçon sauta devant son animal pour le protéger, il représentait tout pour lui, il ne voulait pas qu'on lui fasse du mal.

 Le coup partit, la balle sifflait dans l'air et vint se loger droit dans le cœur du petit garçon, qui regardait son chien, les yeux pleins de larmes mais avec un grand sourire sur les lèvres.

  — Tu es en sécurité Morty, il ne peut rien t'arriver, dit Paco, le petit garçon, sur son dernier souffle.


* * *


 Un souffle chaud sur la main de Lily la sortie de sa rêverie, elle détourna le regard vers la source de ce changement de température et découvrit un vieux chien qui lui léchait les doigts. Elle l'inspecta, des larmes coulèrent sur son visage quand elle découvrit qu'il s'agissait du chien du petit défunt. L'animal monta sur la tombe et s'allongea au milieu des jouets qu'il avait certainement ramené pour jouer avec son regretté humain.

  — C'est triste la vie petit cœur, dit Lily en déposant un lilas à côté du chien, ne t'en fait pas, vous serez bientôt réunis.

 Le berger australien regarda Lily avec des yeux reconnaissant, comme s'ilpouvait comprendre ce qu'elle disait. Elle lui donna une dernière caresse etcontinua sa route.

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