3.

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– Volontaire, le monde est fier de vous !

Je descendis du car, et la voix sortie des hauts parleurs me vrilla le crâne.

– Vous portez avec vous l’espoir et la lumière de l’Humanité !

Voilà ce que hurla le président du monde sur les écrans. Je faillis m’étrangler. De la fierté ? De l’espoir ? De la lumière ? Où ça ? Dans ce cercueil de métal ?

Des écrans géants avaient été installés pour l’occasion. J’y vis ma gueule en géant. Je ne faisais pas le fier, avec mon teint pâle, mes cernes d’insomniaque, et mes cheveux poisseux qui me collaient dans le cou. J’étais en sueur, je suffoquais. Putain que je crevais de chaud dans cette combinaison.

La lumière extérieure me fit mal aux yeux. Le soleil n’était pourtant pas haut, c’était le matin. Le matin d’un jour nouveau. Enfin, il me semble, car j’ai le souvenir du vent matinal venu râper ma barbe naissante. J’eus l’impression qu’il m’appelait, comme les photos accrochées aux murs blancs.

Je tressaillis ; de peur, d’excitation. J’allais enfin voir de près la folie qui me faisait décoller de ce monde. J’attendais le froid et le noir comme certains attendent le messie.

Je regardais les visages des êtres humains, les malheureux qui n’avaient survécu que pour assister à la mort des êtres qui leur étaient chers. J’y vis autant des regards apeurés que porteurs d’espoir. Ils étaient tous aussi inquiets que moi, mais je savais d’avance que je ne leur offrirai aucune réponse.

Je redressai le dos, marchai la tête haute, leur offris un dernier salut. On vissa mon casque, on passa les sangles sur mes épaules, autour de mon ventre. On relia les câbles, on vérifia les branchements. On pianota sur des écrans pour vérifier une ultime fois tous les réglages.

On ouvrit la porte, je m’avançai, m’installai sur le siège, m’y ceinturai.

On dit des prières pour moi.

Alors, je dis adieu au monde.

Et la navette décolla.

***

– Volontaire ?

– Oui, monsieur.

– Vous mourrez là-bas.

J’opinai du chef.

– Je sais. Mais crever ici ou là-bas, quelle importance ?

Le chef du projet déglutit, ne put rien me répondre. Il se gratta la nuque, fouilla dans ses tiroirs et me tendit une liasse de feuilles que je ne lis pas, mais dont je signai chaque page.

En griffonnant cette paperasse, je sentis tes doigts courir sur ma nuque. Des années que tu m’avais quitté, mais tu étais toujours là, fidèle fantôme, me suivant où que j’aille. Mais tu ne parlais jamais, et ta voix me manquait. Tu observas les papiers, et je compris que tu ne jugeais pas, que tu acceptais mes choix.

Le chef de service reprit :

– Vous savez ce qui va se passer ?

– Oui. Et vous, qu’avez-vous entendu exactement ?

– C’est un code, un seul mot qui tourne en boucle, celui qui apportera la lumière au monde, fit-il fièrement en se tapant le torse.

Je l’interrogeai du regard. Puis il se racla la gorge, mal à l’aise, comme s’il avait peur de m’avouer une absurdité. Mais moi, j’ai toujours aimé ce qui était illogique, sans explication. Car c’est dans ces fantasmagories que peuvent naître les espoirs les plus fous.

Le chef de projet tourna la tête, eut un moment d’absence avant de lâcher la bombe qui allait tenir en haleine l’humanité toute entière.

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