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Ils me regardaient comme une bête curieuse. Tous. À croire que, pour eux, j’avais renoncé à mon humanité.

Je marchais dans les couloirs, puis montai dans le car qui m’amènerait à destination, vers ma nouvelle vie, vers ma mort prochaine. Vers une vérité prophétique, ou, au contraire, vers le néant.

On déposa le matériel sur mon dos ; ce truc était si lourd que je ne pouvais pas le porter seul. Mais, une fois là-bas, ça ne compterait plus.

En enfilant ma tenue, l’un des médecins me chuchota :

– Vous êtes sûr ? Vous pouvez encore renoncer, vous savez. Personne ne vous en voudra, les chances de…

– Je suis sûr, le coupai-je.

J’étais là pour ça, j’étais décidé. Que je vive ou que je meure, peu importait, je voulais juste aller là-bas. Et voir.

– Protocole ? demanda-t-il.

Je répétai comme un élève sérieux les quatre phases qui allaient composer mon voyage. En plus d’être volontaire, j’étais appliqué. J’avais appris ce que je devais apprendre. J’ai répété ce que je devais répéter.

Je m’en foutais pourtant complètement, je voulais juste partir.

Le médecin me jeta un regard implorant, presque paniqué. J’ajoutai :

– S’il y a encore quelqu’un ici pour me répondre quand je serai arrivé.

Il soupira, valida mon monologue, me laissa partir vers ma destinée.

Car si la majorité s’accordait à dire que j’étais fou, pour quelques-uns, c’était le contraire.

J’allais partir, revenir et devenir le nouveau prophète.

J’allais apporter la Vérité à l’humanité.

Je les laissais dire, certain de ne trouver aucun dieu au bout du chemin.

***

– Je t’aime.

Je ne retenais pas mes larmes, les laissais couler, se déverser. Je laissais ma douleur imprégner le sol, le monde entier. Comme si le monde pouvait m’aider.

Personne ne pouvait m’aider.

On dit que l’amour est un trésor. Et il l’est... Tu étais le trésor de ma vie, ma pépite, ma perle, celle que je gardais lovée contre mon cœur, tel un dragon jaloux crachant du feu.

Sauf que je n’étais rien, que je n’avais aucun pouvoir.

Les infos le gueulaient pourtant depuis des mois à la télé. Un cri d’alarme, mais le monde s’en foutait, fourmilière trop occupée à regarder ses profits financiers que ses pertes humaines. Un virus, une sorte de dégénérescence cérébrale foudroyante. Voilà le mal qui avait subitement frappé le monde, et contre lequel il n’existait pas de solution.

Pas de vaccin. Pas de traitement. Pas de miracle.

Seuls la mort et le chagrin.

L’horloge de notre chambre faisait un bruit assourdissant. Ses cliquetis martelaient mon crâne. Tic… Tac… Tic… Tac… J’eus l’impression qu’elle me narguait. Le temps continuait pour moi, mais pas pour toi. La solitude serait mon avenir. Tu m’imploras :

– Promets-moi de vivre.

Je ne répondis pas, car c’était impossible, je ne pouvais plus vivre, ma vie s’arrêtait avec toi, et tu le savais déjà. Tu me tendis tes doigts devenus trop maigres. Je les emmêlai aux miens, les serrai aussi fort que je le pouvais.

– Je te rejoindrais, pleurai-je.

Tu m’as souri. Tu as fermé les yeux. Ton souffle s’est arrêté.

Et tu m’as quitté à tout jamais.

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