Chapitre 4

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Je suis accroupie sur le sol, face à quelque chose qui ne bouge plus. Je ressens une vive douleur au niveau de la poitrine et une immense tristesse. Je sens les larmes couler sur mes joues. Je tourne la tête et j’aperçois quelqu’un à mes côtés que je n’arrive pas à identifier. Elle me parle mais je ne comprends pas. Je n’ai pas le temps de lui demander qui elle est, que le hurlement matinal retentit.

J'ouvre les yeux sur mon plafond blanc, toujours si peu accueillant après une énième nuit mouvementée. Depuis mon arrivée et surtout depuis que le Docteur Logan m' initie au prise de sang et à l'injection de produit, pour ma part totalement inconnu, dans le corps, mon sommeil est continuellement piraté du même rêve étrange et incompréhensible. Je tente tant bien que mal d'y trouver une signification mais la seule qui me semble plausible est le reflet du traumatisme de ma situation que je refoule en journée. Sentant les engrenages de mon cerveau se mettre en marche pour une nouvelle réflexion sur le message de mon subconscient, je m'empresse d'activer le reste de mon corps et soulève ma couverture qui, au passage, n'a rien à envier à la finesse de mon matelas.

Je me lève et entame mon nouveau rituel matinal. Je parcours les trois pas qui me sépare de mon lit au bureau et coche une nouvelle journée sur une feuille volante que j'ai le droit de posséder. Je compte les traits, tel un bagnard. Cela fait environ deux semaines que je suis arrivée dans ce centre de recherches et comme chaque matin, mon uniforme m’attend ainsi que mon escorte.

Tandis que je traverse les couloirs, je me remémore mes premières journées de "travail" avec le Docteur Logan. Je fais plus ample connaissance avec lui durant nos heures passées ensembles, pour ne pas dire la journée. Mes seules moments de "libre" étant les temps de repas, qui peuvent variés en fonction de l'humeur du Monsieur et mes nuits enfermées dans ma chambre. Et puis "faire connaissance" est un bien grand mot, disons que je me contente de l'observer puisqu'il ne daigne pas m'adresser la parole, ne serait-ce que pour me donner de courtes injonctions : "assieds-toi", "tends ton bras", "suis moi" et autres de même acabits. Pour les instructions qui demandent plus de vocabulaire, il me les transmet via sa secrétaire. C'est également elle qui m'énumèrent mon emploi du temps de la journée, que le Docteur a minutieusement élaboré à la minute près.

Je passe donc mes premières semaines à enchainer test après test, qu'ils soient physiques, mentaux, sanguins et j'en passe. Je comprends vite qu'aucune empathie, pitié ou félicitation n'est à attendre de cette homme qui contrôle à présent ma vie. Je ressens même de l'animosité à mon egard sans que je comprenne d'où il peut provenir. Ses gestes sont secs, précis et rapide. Son visage est constament fermé et ses sourcils froncés n'arrange pas la froideur de son regard, notamment quand il croise le mien. Ses yeux gris, déjà translucide, deviennent glace et je ne peux réprimer un frisson d'effroi.

Ce sont ses mêmes yeux qui m'accueillent à la porte de l'infirmerie. Le Docteur Logan m'attend, assis sur un tabouret roulant, près d'un fauteuil trop grand pour moi afin de m'injecter le même liquide que les matins précédents. Je suppose que cela fait partie de ses expériences. Il prends mon bras, mécaniquement et enfonce l'aiguille dans ma peau déjà remplie d'hématomes de précédentes perfusions. Un imperceptible mouvement de douleurs qui ne le déconcentre pas de sa mission et c'est terminée. Je soupire de soulagement, saute du fauteuil et m'apprête à sortir de cette pièce pour aller manger quand il m'interpelle.

"- Reste. Monte sur le tapis, je veux tester ta cardio avant que tu ne partes manger, dit-il avant d'ajouter, ce n'est pas comme si tu mourrais de faim, n'est-ce pas ?"

Ah oui, comment oublier qu'il ne m'adresse pas la parole sauf pour me lancer une tirade sadique, blessante, dégradante et dont lui seul y trouve l'ironie. Il est évident que ce n'est pas avec le repas, certes équilibré mais peu copieux, que j'arrive à ne pas sauter sur mon petit déjeuner insipide.

Ma séance de sport terminée et dont je me serais bien passée, j'obtiens le droit de me rendre au réfectoire où j'espère avoir le temps de voir mes amis avant qu'il n'entâme leur trépidante journée. J'apperçois au loin la petite bande et m'empresse de les rejoindre, enveloppant immédiatement mon coeur de bonheur.

« - Salut, dis-je à l’ensemble du groupe.

- Salut, bien dormi ? Me demanda Lucas.

- Non pas vraiment, toujours ce drôle de rêve que je ne comprends pas ! Mais il est de plus en plus long et détaillé.

- J’en mettrais ma patte à couper qu’ils y sont pour quelques choses ces fumiers ! s’exclame Natasha.

- Ton langage Nat’ ! » La sermonne Lucas.

Je rigole. J'apprends à les connaitre, petit à petit, chaque jour. Celui que je semble avoir le mieux cerné est Lucas. Il se comporte presque comme un adulte, malgré le fait que nous ayons le même âge, et veille sur nous. Certaine fois, il m’arrive de penser qu’il est possible qu’il ait réellement de l’ADN de loup dans les veines. Il me fait penser à un chef de meute, qu’il dirige pour l’amener vers le chemin le plus sûr et le plus sécurisé.

Tandis que Nat', de son vrai nom Natasha, est toujours à aguicher Christopher ou à me chercher des problèmes. J'avoue avoir du mal à me faire une idée du genre de personne qu'elle est. Tantôt amicale, tantôt provocatrice. Il n’empêche que depuis notre dernière dispute, elle va d’elle-même faire référence à son "métissage", terme employé par les enfants pour parler de leur différence génétique, ce qui je l’avoue, me permet de l’utiliser à mon avantage.

« - Je ne sais pas, j’ai envie de penser pareil mais comment peuvent-il créer des rêves ? Lui répondis-je.

- Ce n’est pas moi la scientifique ! réplique-t-elle

- J’irai Lui demander, dans ce cas. Il a peut-être trouvé quelques choses depuis. Décidais-je.

- Depuis avant-hier, ne vas-tu pas le laisser tranquille, on va finir par le repérer ! dit Thomas.

- Je sais ! Mais j’ai horreur de rester dans l’ignorance ! » Répliquais-je.

La discussion s’arrête là car Thomas a raison. Si je vais voir Victor trop souvent, ce sont des dizaines de connaissances qui me filent entre les doigts et sa sécurité en périrai. Je dois rester sur ma faim encore quelques temps.

Depuis que je suis arrivée, j’apprends beaucoup de petits détails intéressant. Premièrement, les bandes de couleurs sur nos portes et nos uniformes représentent notre stade d’expérimentation :

La couleur bleue signifie que nous sommes encore en observation, en phase de test préliminaire. Ce qui est mon cas.

La couleur verte signifie que nous sommes des sujets de petites expériences. Parce qu'ils sont arrivée bien avant moi, mes amis font partie de cette catégorie.

La couleur rouge signifie que nous sommes des sujets d'expériences importants et qu'elles aboutissent à un résulat. Les enfants portant cette couleur sont rarement en salle de repos et sont remplis de bandage. Elles sont également sous surveillance rapprochée afin d'éviter tout débordement possible. Seule exception pour le cas de Victor qui semble jouirent d'une liberté sans limite. Je n'ai pas réussi avoir de réponse à mes questions sur sa situation. Il semble être une personne très secrète.

La couleur noire est réservée aux enfants et/ ou adolescent dits dangereux. Les expérimentations qu'ils ont subis les ont conduits à devenir dangereux pour eux-même, leur environnement ou leur entourage. Certains portent ces couleurs, ce qui est assez rares, en raison de leur comportement contre le corps médical. Ils sont sous surveillance rapprochée et constante. C'est sans surprise que j'apprends que Sébastien est "monté en grade" et porte dorénavant cette couleur pour avoir failli tuer plusieurs membres du personnel. Je remarque qu'il est enveloppé d'une aura plus sombre et que ses yeux luisent d'une lueur plus rouge qu'auparavant.

Malgré les conseils de mes amis, je décide de me rendre rapidement à la bibliothèque avant mon prochain examen avec le Docteur Logan. Du fait de la couleur de mon uniforme, j'ai l'autorisation de m'y rendre sans escorte rapprochée. Cependant, la sécurité reste prédominante et je dois remplir une fiche de trajet auprès de l'infirmier posté à la porte du réfectoire. Je sais également que, durant le trajet, je serais constamment surveillée par les caméras installées dans chaque couloir et qu'aux moindres écart, l'escorte la plus proche serait sur place. Pour maintenir cette sécurité, il nous est interdit de nous "promener" en groupe. Seul les binômes, et cela dépend desquels, sont autorisés.

J’aime me rendre à la bibliothèque, du fait de sa décoration qui differt de ses affreux murs blanc habituel. Je peux souffler et laisser plus facilement mon esprit s'évader. Le laisser s'imaginer que je suis dans une salle annexe d'une grande bibliothèque où de nombreux étudiants viennent pour y travailler. Où quelques murmurent de discussions, d'invitations de toutes sortes se font entendre. Une ambiance légère et une odeur de vieux livre se ressent. Un bien-être. Qui disparait dès que j'ouvre les yeux. Je ressens alors un grand vide, une immense tristesse et je soupire, expulsant ses émotions qui n'ont pas leur place, du fait de leur inutilité à survivre dans ce nouveau monde. Bien sûr, j'y viens surtout pour voir Victor, au delà de mes évasions immaginaires.

Je traverse donc un couloir et j’entends du bruit derrière moi. Je me retourne et me retrouve face à face avec des yeux couleur braise. Prise d’effroi, je me recule et me cogne violement la tête contre le mur. Un peu sonnée, je reprends mes esprits mais il est trop tard pour faire quoique ce soit, une main bloque une possible échappatoire.

« - Salut. On a été dérangé pour faire connaissance la dernière fois, non ? » me dit Sébastien avec un sourire sardonique.

J'ai la respiration coupée, je suis prise au piège par ses yeux qui ne lachent pas les miens. J'ai l'esprit embrumé et je n'arrive pas à analyser correctement la situation. Uniforme. Couleur noire. Escorte absente. Mise en garde de Lucas. Ne pas rester seule avec lui. Respirer et le rembarrer.

« - N’est tu pas censé te balader sous escorte ? lui dis-je, la voix légèrement enrouée.

- Je l’ai est laissés dormir dans un couloir ! dit-il d’un air cruel.

- Que veux- tu ? Dis-je apeurée.

- Juste faire connaissance.

- Alors éloigne-toi, on n’est pas obligé d’être aussi prêt pour faire connaissance. Je reprends mon courage pour lui faire face.

- Je trouve que c’est plus intime, pas toi ?

- Non ! » Dis-je férocement. Je reste congtre mon gré focalisée et hypnotisée sur ses yeux étranges. Il le sait et en profite.

« - Ce n’est pas ce que me disent tes yeux. Dit-il d’un ton charmeur.

- Ridicule ! » Soufflais-je en tournant la tête, énervée, avant de me rendre compte que j’ai parlé à haute voix.

Effrayée, je regarde son visage changé d’expression : choqué, coléreux et puis … tiens, amusé. Quel drôle de garçon quand même. Il commence à rire, d’un vrai rire franc, tout en s’éloignant de moi. C’est à mon tour d’être sous le choc.

« - T’es une originale toi !! Je l’ai senti dès que j’ai vu ton expression changer lorsque tu as vu Jessica ! dit-il tout en continuant à rigoler.

- Jessica ?

- La fille blonde.

- Ah ! Elle ! Ouais, dis-je légèrement dégoutée par le souvenir de cette fille. Ce qui le fit rigoler de plus belle.

- Mais attend, tu savais que je vous regardais ?

- Ouais.

- Alors pourquoi t’être manifesté au moment où... ».

La chaleur me remonte au visage quand je repense au moment où il a tourné la tête.

« - Au moment où tu me passais sous rayon X ? J’ai cru que t’était une fille comme Jessica finalement et ça m’a énervé. J’ai donc voulu t’embêter un peu mais c’était sans compter par l’apparition du blondinet ! dit-il d’un ton mi- excusé, mi- coléreux.

- Je vois ».

Et le silence qui suivi se fit presque gênant. Je ne suis et n'est jamais été doué pour les discussions à long terme.

« - Euh… bon bah, je vais y aller. Ils vont se demander ce que je fais et … euh… ils risquent de te retrouver. Dis-je hésitante.

- Mouais, ou alors on joue à cache-cache ensemble. On se cache et il nous cherche ! dit-il joyeux.

- Euh … non … Je ne préfère pas. C’est trop risqué.

- Ah ouais ? C’est parce que t’a peur d’eux qu’ils peuvent faire ceux qu’ils veulent de toi ! dit-il, d’un air ennuyé.

- Je ne suis pas maso, moi !! Je ne vais pas chercher à souffrir pour rien !!

- Tu ne comprends rien ! Tu n’as jamais eu à faire face à la douleur !

- Si ! Je sais ce qu’est la douleur ». Répliquais-je.

Vraiment ? Comment ? Quand ? L’image floue de la petite fille en pleure de mon rêve me revient en mémoire pour disparaitre aussitôt. Toute mon attention dirigée de nouveaux sur la colère de Sébastien. L'adolescent s'est grandi et me dépasse d'une bonne tête et demie.

« - Ah ouai ? Et tu crois que tu ne vas pas souffrir si tu restes sage ? dit-il avec un sourire méchant. Sache que t’es copains et toi, vous êtes programmés à aller au bloc la semaine prochaine ! »

Le choc me paralyse quelque instant mais la colère prend le dessus :

« - Tu mens !! Et comment peux tu le savoir ?!

- Je le sais, c’est tout ! A ton avis, pourquoi te maintiennent ils en forme ? Simplement pour que tu ne claque pas lors de l’intervention !

- Ce n’est pas possible, pas maintenant ! Murmurais-je. Menteur !! » Dis-je de plus belle, en levant le bras pour le baffer.

Mais il rattrape mon bras dans mon élan et ajoute :

« - Ne pense pas pouvoir me battre avec une telle lenteur ».

Il m'agrippe par le col et rapproche son visage face au mien, ses yeux plus rouges qu’à l’ordinaire et dit :

« Il en faut plus que ça pour me faire mal ! »

Il me repousse, lâche ma main et s’en va. Je le regarde tourner à la première intersection, toujours sous le choc et dans le déni. Puis petit à petit je reprends mon souffle et reprends conscience de mon corps. Je masse mon poignet endolori et décide d’aller à la bibliothèque demander à celui qui pourra ou non me confirmer ce que je viens d’apprendre.

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