Chapitre 00: Un déplaisant départ

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Notre histoire débuta le dernier mercredi du mois d’août dans une maison de deux étages située dans le 16e arrondissement de Paris. Il était 20 heures et presque toutes les pièces étaient vides. À vrai dire, seuls les lits des deux chambres et plusieurs valises se trouvant devant la porte d’entrée principale étaient encore présents.

Une femme d’origine magrébine mesurant plus ou moins un mètre soixante-dix et portant une longue robe rouge traditionnelle lui arrivant jusqu’aux chevilles sortit d’une des chambres de la maison. Elle venait de vérifier que rien n’avait été oublié et que tout avait été rangé dans les valises. Meriem de son prénom se mit ensuite à crier le prénom de sa fille Aïcha à de nombreuses reprises, mais n’obtint aucune réponse. Se demandant où elle pouvait bien se trouver, elle se mit à la chercher dans les autres pièces du domicile. Elle commença bien évidemment par celles de l’étage, pensant que son enfant se trouvait peut-être dans sa chambre. Arrivée sur place, aucune ne trace d'Aïcha. Elle poursuivit donc ses recherches et finit par l’apercevoir en passant devant une fenêtre. Meriem redescendit au rez-de-chaussée et se rendit dans le jardin où elle trouva sa fille assise sur la balançoire.

- Tu n’as pas entendu comment je criais ton nom, dit-elle.

La jeune Aïcha, qui avait les yeux rivés sur son téléphone portable lorsque sa mère débarqua, lui lança un regard noir lorsque cette dernière s’adressa à elle.

- J’espère que tu es prête à partir ? Notre taxi sera bientôt là, poursuivit la mère.

- Je n’ai pas envie de partir.

- Aïcha, nous en avons déjà discuté...

- Non ! Papa et toi en avez discuté, et vous avez pris cette décision tout seul sans me consulter. Moi, je n’ai pas demandé à partir. Pourquoi je suis obligée de vous suivre et d’aller vivre dans un foutu pays dans lequel je n’ai jamais mis les pieds ? s’exclama furieusement la jeune adolescente.

- Ton père a ses raisons et nous devons les respecter.

- Et mes raisons à moi !

À ce moment, la mère dit à sa fille d’arrêter, mais cette dernière continua en lui disant que tous ses amis vivaient à Paris et qu’ils n’avaient pas le droit de la forcer à les quitter en allant vivre ailleurs.

- Ce n’est pas à toi de décider. Tu obéis et c’est tout.

- Mais… !

- Il n’y a pas de mais qui tienne. Tu viens avec nous, un point c’est tout. Maintenant, dépêche-toi de te lever de cette balançoire et de rentrer dans la maison.

À cet instant, Aïcha fut envahie par un torrent de sentiments. Elle était non seulement en colère contre ses parents parce qu’ils la forçaient à faire une chose qu’elle n’avait clairement pas envie de faire, mais elle était également triste, car elle abandonnait ses amis ainsi que tout ce qu’elle avait connu jusqu’à présent.

Ce fut donc avec des yeux légèrement larmoyants que la jeune adolescente de 15 ans se leva de sa balançoire et, du haut de son mètre soixante, passa à côté de sa mère en lui lançant un regard noir qui témoignait de toute la colère et la haine qu’elle ressentait envers elle et son père. Elle profita également de cette occasion pour dire à sa mère ce qu’elle avait sur le coeur avant de rentrer finalement dans la maison. Meriem ne tint pas compte de ses propos, estimant qu’il s’agissait tout simplement de la manière dont son enfant exprimait sa tristesse vis-à-vis de leur départ de France.

Adossée contre un des murs du salon, la jeune adolescente manipulait son téléphone portable. Elle reçut alors un message texte de l’un de ses contacts nommé Mandy.

« Ta mère a finalement dit quoi ? » était-il écrit.

« Elle n’a pas voulu m’écouter. On part toujours dans ce foutu pays » répondit Aïcha.

« Merde. »

« Exactement. C’est une putain de situation merdique. Ils font toujours tout ce qu’ils veulent sans penser à ce que je veux. J’en ai vraiment marre d’eux. J’aimerais tellement vivre seule. »

« Je te comprends, t’inquiète. Mes parents aussi me font chier quand ils s’y mettent. »

« Mandy, j’ai envie de fuguer et d’aller de me réfugier chez Ridy. Au moins comme ça je ne serai pas obligée de partir et ces deux-là ne pourront plus m’y forcer. »

« Tu n’es pas sérieuse. Tu en as d’abord parlé avec lui ? »

« Non, pas encore. Je compte l’appeler tout de suite. »

Cependant, au moment où la jeune adolescente s’apprêtait à passer son coup de fil, quelqu’un vint soudainement frapper à la porte de leur domicile. Il s’agissait de leur gardien qui leur dit que leur taxi venait d’arriver. C’était vraiment une très mauvaise nouvelle pour Aicha qui s’était dit qu’elle avait encore du temps devant elle, d’autant plus que leur vol ne décollait pas avant plusieurs heures. Au même moment, le téléphone de sa mère sonna, mais sur le coup, cette dernière n’y prêta pas attention.

- OK ! On arrive. Peux-tu nous aider à transporter les valises dehors ? rétorqua Meriem.

- Oui, madame. Sans problème.

Aicha voulut alors s’éloigner et s’isoler dans une autre pièce afin de passer son appel, mais sa mère l’interpella en lui demanda où elle allait. La jeune adolescente ne lui répondit pas, ce qui énerva Meriem. Alors qu’elle était sur le point de la suivre à l’étage, elle consulta son téléphone portable, ce qui eut pour consequences de la faire changer d’expression faciale.

- Si tu veux bien m’excuser, dit-elle au gardien.

La jeune adolescente, qui était montée à l’étage, passa son coup de fil quelques instants après être rentrée dans la pièce qui était jadis sa chambre. Cependant, au moment où son correspondant décrocha, sa mère débarqua à son tour dans la pièce.

- Aïcha, tu fais quoi ici ?! Tu n’as pas entendu ce que Frédéric a dit ? s’exclama furieusement Meriem.

- Je suis juste venue passer un appel ! C’est bon, lâche-moi ! répondit-elle insolemment.

- Aïcha, ton comportement m’insupporte de plus en plus. Donc, si tu ne veux pas que je te confisque ton téléphone jusqu’à notre arrivée chez ton père, tu as intérêt à me parler sur un autre ton.

Face à cette menace de se voir retirer son appareil, la jeune adolescente cessa toute hostilité envers sa mère, du moins en apparence. Cette dernière l’invita alors à retourner au rez-de-chaussée, prétextant que c’était l’heure pour elles de quitter les lieux. Mère et fille retournèrent donc auprès de Frédéric qui avait fini de ranger leurs valises dans le coffre de la voiture. Meriem regarda une toute dernière fois tout ce qu’elle laissait derrière elle avant de fermer définitivement la porte et de remettre la clé au gardien.

- Bon voyage, madame, dit-il.

- Merci beaucoup, Frédéric. Et merci encore pour toutes ces années de bons et loyaux services.

Le gardien souhaita ensuite un bon voyage à Aicha qui l’ignora tout simplement en mettant ses oreillettes. Cela énerva quelque peu Meriem qui dit à Frédéric qu’il ne devait pas prêter attention à son comportement. Après ces adieux quelque peu déchirants, Meriem et sa fille montèrent dans le taxi et le duo prit la route de l’aéroport Charles de Gaulle.

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, Aïcha et sa mère arrivèrent à destination. Meriem donna un pourboire au chauffeur après ce que ce dernier les ait aidées à décharger leurs valises du coffre, puis mère et fille partirent les enregistrer.

Aïcha n’était clairement pas contente de se retrouver dans cet endroit, ce qui s’affichait sur son visage. Pour elle, ce lieu représentait la concrétisation d’un détestable évènement qui allait pour toujours changer le cours de sa vie. Elle se dit qu’elle devait faire quelque chose sinon il serait trop tard.

Quelques minutes plus tard, tandis que sa mère procédait à l’enregistrement de leurs bagages, la jeune adolescente se dit que ce serait le moment idéal pour fuguer et appeler Ridy. Elle tenta donc de s’éloigner discrètement de Meriem, mais cette dernière, qui gardait l’oeil sur elle depuis leur départ de la maison, l’interpella immédiatement.

- Tu pars où comme ça ?

- Je vais passer l’appel que tu n’as pas voulu que je passe à la maison, répondit Aicha.

- Tu ne bouges pas. Tu peux passer ton appel ici à côté de moi, lui ordonna-t-elle.

- Mais pourquoi ?!

Aïcha était dans l’incompréhension la plus totale en plus d’être frustrée. C’était comme si sa mère savait exactement ce qu’elle voulait faire et agissait donc pour l’en empêcher. De son côté, Meriem avait une brève idée de ce que son enfant manigançait. Dès lors, elle essayait de la garder à porter de vue le plus possible, du moins jusqu’à ce qu’elles embarquent toutes les deux dans l’avion. Elle demanda même à un parfait inconnu qui se trouvait juste à côté d’elle et de sa fille de garder un œil sur cette dernière. Face à tout ceci, la jeune adolescente décida de ne plus passer son coup de téléphone et se contenta d’écrire ses messages.

« Je n’arrive pas à croire ce qui m’arrive. Ma conne de mère ne veut pas que je m’éloigne d’elle pour passer mon appel. C’est comme si elle savait ce que je prévoyais de faire, » envoya-t-elle à sa meilleure amie, Mandy.

« Putain. Tu comptes faire quoi maintenant ? » répondit son amie peu de temps après.

« Je sais pas. Je sais vraiment pas quoi faire. Dis-toi qu’elle a même demandé à un inconnu de garder un œil sur moi. »

« C’est abusé. Est-ce qu’elle a même le droit de faire ça ? »

« Je sais pas. Tout ce que je veux, c’est me casser d’ici. T’aurais pas une idée sur comment faire ? »

« Honnêtement, je n’ai rien en tête en ce moment. Désolée. »

Ce n’était clairement pas la réponse qu’elle espérait obtenir. Aïcha commença même à se demander si ce ne serait pas mieux pour elle de fuir directement. Toutefois, en regardant la stature de l’homme qui avait pour mission de veiller sur elle, elle comprit très vite que c’était une mauvaise idée. Il n’y avait aucune chance qu’elle puisse lui échapper si elle venait à courir. Même le fait de déchirer son billet d’avion ou son passeport n’était pas envisagé, sa mère ayant tous leurs documents avec elle. La fille de Meriem était vraiment désespérée. N’y avait-il vraiment rien qu’elle puisse faire afin de ne pas monter dans cet avion ?

Au bout de quelques minutes, Meriem finit avec l’enregistrement des bagages. Elle remercia alors pour le service que celui-ci lui avait rendu, et Aïcha et elle partirent s’asseoir dans un coin en attendant la phase d’embarquement. Finalement, après près de deux heures de patience, tous les passagers du vol à destination de Libreville furent invités à embarquer.

Les passagers du vol à destination de Libreville, la capitale du Gabon, commençaient à embarquer dans l’avion. C’était aussi le cas de Meriem et de sa fille qui voyait son monde changer et se transformer en quelque chose qu’elle détestait déjà, et ce à mesure qu’elle s’approchait de son siège passager qui se trouvait côté hublot. D’ailleurs, lorsqu’elle se retrouva devant celui-ci, Aïcha réalisa désespérément qu’il n’y avait plus de retour possible. Sa belle vie en France s’achevait tandis qu’une toute nouvelle était sur le point de commencer.

- Qu’est-ce que tu attends pour t’asseoir ? Tu ne vois pas que tu gênes les autres passagers ? rétorqua Meriem qui se tenait debout derrière sa fille.

Ce fut donc avec beaucoup d’hésitation et de rancoeur que la jeune adolescente prit place dans son siège. À ce moment précis, elle reçut un autre message de la part de sa meilleure amie, Amanda.

« T’as finalement réussi à t’enfuir ? » était-il écrit.

« Non, j’ai pas pu. Nous sommes déjà dans l’avion et on décolle bientôt. »

Il se passa plus d’une minute entre le moment où Aicha répondit au message de Mandy et celui où cette dernière lui envoya un nouveau message. Elle se demanda alors ce qu’elle faisait, d’autant plus que ce n’était pas dans ses habitudes de prendre autant de temps pour lui écrire en retour. La jeune adolescente voulut donc l’appeler directement, cependant, elle obtint finalement une réponse à l’instant où elle se mit à composer son numéro.

« Sorry, y avait ma conne de mère qui voulait quelque chose. J’suis sincèrement désolée pour ce qui t’arrive en ce moment. J’aurais bien voulu faire quelque chose, mais j’ai rien qui me vienne en tête en ce moment. »

Aïcha observa silencieusement ce message pendant plusieurs dizaines de secondes. Elle non plus ne savait pas quoi faire hormis s’apitoyer sur son propre sort.

« Aïcha, t’es là ? » envoya Mandy en voyant que sa meilleure amie ne lui répondit plus.

« Oui, j’suis là. »

« T’as appelé Ridley depuis là ? »

« Pas encore. En vrai, je sais pas quoi lui dire. Je pensais pouvoir fuguer tranquillement et me rendre chez lui, mais il a fallu que ma conne de mère foute la merde et demande à ce tocard d’inconnu de me surveiller. »

« Je comprends, mais tu devrais vraiment l’appeler, au moins pour lui expliquer la situation. »

« OK, je vais le faire. »

La jeune adolescente essaya alors de contacter le fameux Ridley. Cependant, elle tomba sur sa boîte vocale. Pour elle, cela ne pouvait signifier qu’une chose : que son téléphone était éteint et qu’il n’était pas chez lui. Au même moment, la porte de l’avion fut fermée et l’appareil se mit à bouger quelques instants plus tard. Ceci marqua malheureusement la fin d’une période de la vie d’Aicha, mais également le début d’une nouvelle autre.

A suivre !!!

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