De jour jamais tu ne chemineras : III

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La nuit fut courte et angoissante. Les deux petites reines, dont la rancoeur s’était évanouie dès les provisions partagées, se pelotonnèrent contre elle et s’endormirent. Elarya dormit en boule dans son coin, sa petite queue acajou soigneusement enroulée autour d’elle. Lalaith resta un instant à fixer les astres, tout en se demandant si l’une des lueurs qu’elle voyait était l’Elbereth.

Non, se dit-elle. Ce ciel est celui d’une dimension autre.

Mais savoir les parents au-dessus, avec Dea et Elbereth, la rassurait.

Une ombre sembla bouger dans les arbres en face. Lalaith la fixa un instant, immobile, et le souffle retenu, mais tout était redevenu calme. Elle s’endormit.

Elles trouvèrent le cotre dès le lendemain, camouflé sommairement par un dwol incomplet qui apparaissait et disparaissait, rendant l’objet aussi clignotant qu’une lampe holographique dans un salon de fumées. Dea avait bien calculé l’endroit où leur frère avait atterri, à partir de l’emplacement de l’orbite de son vaisseau : la marge d’erreur était si faible qu’elles n’avaient eu besoin de marcher que quelques heures avant de tomber sur le véhicule blindé.

Ce qui était une bonne chose. Shëol et Shelwë, qui n’en faisaient décidément qu’à leur tête, se précipitèrent dedans dès qu’elles l’aperçurent, en recherche d’une ombre salutaire. Les rayons du Moyen Soleil d’Æriban, le seul à s’être levé ce jour-là (et c’était bien suffisant), les avaient assommées. Lalaith en voulut à Amryliw de ne pas intervenir en sautant devant les jeunes reines pour les empêcher d’entrer dans ce qui pouvait être un piège, mais depuis qu’elle l’avait congédié, il n’y avait plus trace de l’aisteor. Il avait dû se vexer : les enfants de l’Amadán étaient fiers, presque plus que des guerriers ou des princes.

— Attendez ! leur cria Lalaith. On doit vérifier si tout est sécurisé d’abord !

Mais personne ne lui répondit. Elle-même n’en pouvait plus : elle arriva pantelante au cotre, et après en avoir fait un tour rapide, elle y entra à son tour.

Ses sœurs étaient assises au fond, leurs petits yeux rouges mi-clos. Elarya se dirigea vers une banquette et attrapa la veste de vol de leur frère, qu’elle se mit à renifler en poussant de petits couinements pathétiques, aussitôt imitée par Shëol et Shelwë. Les couinements ne tardèrent pas à se changer en hurlements stridents.

— Mais taisez-vous enfin, souffla Lalaith en jetant un coup d’œil inquiet dehors. On dirait une complainte de baobhan sith ! Vous voulez donc attirer tous les prédateurs d’Æriban ? Et quel âge avez-vous, pour vous comporter comme de tels bébés ? Vous n’êtes plus des hënnellith !

Shëol releva son visage vers sa sœur.

— Nous pleurons notre frère aîné, qui est sûrement mort, gémit-elle. Sinon, pourquoi aurait-il laissé sa veste ici ? Il l’adorait !

Le regard vairon de Lalaith tomba sur la veste en question. De couleur beige et renforcée aux épaules et aux coudes, elle portait des traces d’usure. Le blason d’une défunte compagnie de commerce spatial restait visible sur le devant, avec le patch portant le grade de « capitaine », et sur le dos, on pouvait voir les armoiries mystérieuses d’une escouade depuis longtemps oubliée. Lalaith ignorait ce que ce symbole – un rond rouge aux rayons grossissants dans un rectangle blanc – voulait dire, mais pour son frère, passionné comme leur mère de navigation aérienne, il avait beaucoup de signification. Cette veste, d’après ce que lui avait dit leur mère en lui offrant, avait appartenu à son père, lorsqu’il était jeune pilote. Elle avait réussi à la récupérer dans une vente aux enchères d’affaires de condamnés à la peine capitale, en se servant de ses contacts dans les comptoirs de commerce.

— Il devait avoir trop chaud, répondit Lalaith sans conviction, tout en songeant que de toute façon, cette veste devait désormais être trop petite pour Caël. Il a dû la laisser dans le cotre en attendant de faire ce qu’il avait à faire sur Æriban, quoique ce fût. Cherchons s’il n’a pas laissé autre chose qui pourrait nous servir.

Les jeunes ældiennes s’éparpillèrent toutes les quatre dans le véhicule. Shelwë dénicha une boîte de gâteaux, qu’elle termina ; Shëol trouva des pochettes d’eau en cube, qu’elle but ; Elarya, quelques combinaisons keihilin. Lalaith, pour sa part, découvrit sur le sol une médaille représentant un arbre, frappée dans une matière jaune et brillante, son motif rehaussé de minuscules éclats de rubis. Elle le retourna, trouvant derrière un glyphe ældarin. Elle glissa l’objet dans la poche de sa combinaison.

— Nous passerons le reste de la journée ici, décida-t-elle, pour nous reposer.

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