Chapitre 2 : Ce jour-là

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Je le voyais, son corps exsangue, son corps blafard, son corps sans vie. Je me voyais, seule, pleurant, criant :
Ô Dieu ! Rendez-le-moi !
Tout à coup, il faisait noir, je tremblais, mon cœur battais vite, je n’arrivais plus à respirer. Je courais, mais je n’avançais pas. J’entendis un coup de feu :
- Paw!
Je sursautai et restai tétanisée. Le revoilà, étendu sur le sol me regardant, m'accusant de n'avoir rien fait. D'un coup, sa main s'agrippa à mon bras. Je hurlai. Je ne voyais plus rien, je n’entendais que le son du coup de feu :
- Paw!
Il me fixait du regard, des larmes de sang sortaient de ses yeux. Il était toujours agrippé à mon bras, il le serra de plus en plus fort. J’avais mal, je voulais que ça s'arrête, je criai :
- Laisse-Moi partir!
Il pleurait et me dit :
- Pourquoi m'as-tu abandonné ?

Pourquoi l'ai-je abandonné ?

- Ring ring!

Mon réveil sonna, je me levai en sursaut. Encore le même rêve. Il est sept heures du matin, c'est mon premier jour d'école depuis l'incident. Durant deux semaines, je suis restée cloîtrée dans ma chambre, à ne rien faire excepter de pleurer, pleurer parce que je me sentais coupable de n’avoir rien fait, pleurer parce que ce soir-là, une partie de moi s’est éteinte. Ma vie ne sera plus jamais comme avant.

Lorsque j’arrivai au lycée, mon cœur battait si fort que je n’entendais plus rien hormis lui. Plus rien autour de moi n’’avait d’importance. Tout me paraissait étranger, j’avais perdu mes repères. J’entrai dans le couloir, j’avançai et me dirigeai vers mon casier quand j’aperçu des fleurs, des bougies, des petits mots et pleins d’autres choses attentionnées à l’extérieur et à l’intérieur du casier de Ryan. Je fondis en larmes et m’écroulais sur le sol. Les personnes présentes me regardèrent ne sachant quoi faire. Lucinda et Amina ont accouru dès qu’elles ont su que j’étais là.

- Il n’y a rien à voir ! Pouvez-vous partir ? Demanda Amina d’un ton sec.
- Circulez s’il vous plaît merci ! Rajouta Lucinda.

Lucinda et Amina étaient mes meilleures amies depuis l’école maternelle, elles me connaissaient par cœur. Elles étaient plus que des amies à mes yeux, elles étaient de vraies sœurs. On formait une petite bande atypique, car nous étions tous d’origines différentes, de couleurs de peaux différentes et de milieux sociaux différents, mais nous étions tous animés par la même flamme : la justice et unis par un même but : construire une société plus juste.
Nous luttions contre toutes sortes de discriminations et militions pour la paix et l’acceptation des différences des uns et des autres. Pour cela, nous utilisions les réseaux sociaux : Facebook, Twitter et Instagram, nous tenions un blog où l’on postait des articles, des vidéos, etc.. En plus du journal du lycée et de la radio, nous voulions avoir une portée sur le monde entier. Chaque membre du groupe participait activement : Amina s’occupait d'Instagram, Lucinda de Twitter, Monica du blog, Yuri de Facebook, Ryan et David du journal et moi de la radio. Nous étions tous administrateurs et personnes ne faisait quoique ce soit sans l’accord du groupe. Nous agissions sous le nom d'Only Human. Plus d’un million d’abonnés du monde entier nous suivaient. Lorsque la nouvelle de l’incident parue sur les réseaux sociaux, tous nos abonnés se sont mobilisés pour effectuer un hommage. Au final, nous avons reçu un tas de vidéos, de photos, de cartes, des paniers cadeaux, etc.
Les filles m’ont aidé à me relever et m’ont emmené là où on avait l’habitude de se mettre près d’un arbre. C’était un peu comme notre point de rencontre. Tout le monde était là. En nous voyant arriver, Monica se jeta dans mes bras.

- Je ne te demande pas comment tu vas hein, ton visage parle de lui-même. Me lança-t-elle essayant de me faire sourire.

C’est tout elle ça. On se fit un câlin collectif puis nous sommes restés là assis ou allongés sur l’herbe à discuter de notre enfance et des épreuves que l’on a traversé à seulement 17 ans.

- Tu nous as manqué Beth ! On était inquiet. Dit Yuri en laissant un gros blanc après.
- Oui, sans nouvelles de toi, on a pensé au pire. Ajouta David.
- Je suis désolée les amis de ne pas vous avoir donné de nouvelles. À vrai dire, j’en étais incapable.
- Ils nous manquent aussi Beth ! Dirent-ils tous en même temps.
- Que s’est-il réellement passé là-bas ? Demanda David.
- Je vais vous raconter tout depuis le début.

Nous sommes donc arrivés à la supérette de Monsieur Carlos et nous nous sommes garés devant le magasin. Ryan est descendu de la voiture et il m'a demandé de l’attendre à l'intérieur. J'ai attendu plus d'un quart d'heure, ne le voyant toujours pas arrivé, je suis allée le rejoindre. Il était en train de papoter avec Monsieur Carlos, l'air de rien. Il l'aider à débloquer sa caisse enregistreuse, j'en ai profité pour prendre deux trois petits trucs en plus pour apporter à la fête. Pendant que j'étais en train de regarder ce qu'il y avait dans le rayon, un homme plutôt grand portant une longue capuche qui cachait ses yeux entra précipitamment. Il braqua une arme sur Ryan et Monsieur Carlos qui se trouvaient derrière le comptoir. Ryan essaya de raisonner l'homme à capuche, mais celui-ci ne semblait pas vouloir l'écouter. Monsieur Carlos possédé une arme cachée derrière le comptoir sur une petite étagère. Il faisait signe à Ryan de la saisir, mais Ryan refusa. Étant donné que Ryan était le plus proche de la caisse, l'homme à capuche demanda à Ryan de mettre les billets dans son sac. Ryan s'exécuta. Pendant ce temps, Monsieur Carlos attrapa rapidement son arme et tenta de tirer sur l'homme à capuche, mais ce dernier a été plus rapide. Monsieur Carlos fut touché et il s'écroula. Ryan se précipita vers lui qui était inconscient. L'homme à capuche lui dit :

- Ne t’inquiète pas petit, il ne craint rien car je n'ai pas touché les points vitaux.
Ryan très en colère cria sur l'homme et lui demanda :
- Pourquoi agis-tu ainsi ? Sais-tu que tes actions nuisent à notre image ? Surtout nous les jeunes noirs vivant dans des quartiers sensibles, nous sommes plus enclins au rejet et au mépris des autres.

L'homme enleva sa capuche et sur le côté gauche de son cou, on pouvait voir un tatouage tribal. Ce tatouage est le signe distinctif des membres du gang le plus redouté de tout l'Illinois : la Camisa Negra. Ses membres comptent beaucoup d’afro-américains et d’Américains d’origines mexicaines. Leur activité principale : la drogue. En effet, ils possèdent le réseau de drogue le plus important du pays. Leur chef était un membre de la mafia. L'homme se présenta :

- Mon nom est Terence. Je n’ai aucune leçon à recevoir d’un petit dégonflé comme toi. J’ai grandi dans la rue, ma vie n’a pas était facile, mais ce n’est pas une excuse, on fait tous des choix pour survivre, car dans ce monde cruel et brutal, il n’y a pas de place pour les faibles.

Pendant ce moment d'inattention, un autre homme entra dans la supérette. Il était armé et porté un insigne de police autour du cou. Il s’avança et dit :

- Je patrouillais dans le coin lorsque j'ai entendu un coup de feu. Mettez les mains en l'air et déposer vos armes au sol.

Ryan leva les mains en l'air, mais Terence refusa. Il reconnut le policier et le policier de même.
Sous un ton méprisant et dédaigneux, Terence dit au policier :

- Officier Wallace ! Comme on se retrouve. Jamais je n'obéirais à un ripou comme toi ! Qui est prêt à vendre son frère pour de l'argent.
- Terence Mills, membre du gang le plus dangereux de l'Illinois ose me faire la morale, c'est l'hôpital qui se fout de la charité. Vous autres les noirs, vous êtes prêts à vous entre-tuer pour le pouvoir. Vous ne valez rien. Répondit le policier de manière très sèches.
- Nos vies valent autant que les vôtres. Et si tu veux m'arrêter, va falloir me descendre ! Cria Terence au policier.
- Je te prends aux mots.

L'officier de police lui tira une balle en plein cœur. Terence s'effondra. Ryan sous le choc ne bougea pas, il était tétanisé. Terence le regarda dans les yeux et dans son dernier souffle lui dit :
- Ne fais jamais confiance aux flics ! Méfie-toi d'eux.
L'officier de police s'avança près de Ryan, ramassa l'arme de Terence et lui dit :
- Tu devrais suivre son conseil !
Paw ! Il tira sur Ryan avec l'arme de Terence et ce dernier tomba au sol.

- Je t'aurais bien laissé la vie sauve jeune homme, mais tu as l'air bavard. Par précaution, je préfère te faire taire.

Il tira ensuite sur les deux caméras présentes dans le magasin afin qu'il n'y ait aucune preuve. Il s'est aperçu que monsieur Carlos était toujours en vie, mais inconscient alors il appela une ambulance et des collègues à lui. L’officier Wallace était au téléphone avec une personne du nom de Mr. Pike, la conversation me paraissait étrange :

- Oui Mr. Pike, il se trouvait bien là où vous m’avez indiqué. Il y a eu un imprévu, un jeune garçon se trouvait également là. Non ne vous inquiétez pas, je m’en suis débarrassé avec l’arme de Terence pour lui faire porter le chapeau. Je leur dirais que Terence s'en était pris à Ryan et à Monsieur Carlos et que je n'ai pas eu le choix de l'abattre.

Toujours caché dans mon petit coin, abasourdie par ce qui venait d'arriver, tellement choquée, j’étais tétanisée de peur, tout mon corps tremblait, je ne pouvais plus bouger, c’était comme si... j'étais moi-même morte. Je ne pouvais plus rester à cet endroit cela devenait trop dangereux.
Alors, lorsque l'ambulance et la police arrivèrent, je profitai du grabuge pour filer en douce par la porte de service non loin de là où je me trouvais. Arrivée dans la voiture, j’y suis restée cachée. Je n’entendais plus ce qui pouvait se dire, mais je voyais. L’officier Wallace et un autre policier étaient en train de discuter, il devait sûrement lui raconter sa version des faits. Je suis l’unique témoin de cet odieux crime. Je suis la seule à connaître la vérité. Mais qui aurait envie d’écouter et de croire une jeune afro-américaine issue des quartiers pauvres. Ma voix seule ne compte pas.
Je finis de raconter l’histoire toute chamboulée, cela me semblait si irréel, ça n’a pas pu se produire. Ils me regardaient tout figer, Lucinda et Monica au bord des larmes.

Mais c’est horrible ! Tu es sûre que ça s’est déroulé de cette manière. Me questionna Yuri.
Quelle question ! Elle n’irait pas inventer un truc pareil, toi aussi ! Cria Amina sur Yuri.
Tu n’as donc aucune preuve de ce que tu avances ? Me demanda David.
Non aucune.
Te rends-tu compte du poids qui pose sur tes épaules ? M’annonça Monica d’un ton tout à coup très sérieux.
On ne peut laisser ce crime impuni, on doit pouvoir faire quelque chose ! S’indigna Amina.
Qu’en penses-tu, Beth, « Only human » doit-il agir pour dénoncer cette injustice ? M’ont-ils demandé.
Personne ne doit être au courant, ni nos familles, ni nos amis afin qu’ils ne soient pas mêlés à cette histoire si jamais cela devait dégénérer.
C’est promis ! Ont-ils tous hurlé.

Nous ne sommes pas allés en cours, car fort inutile en ces temps mouvementés avec le mouvement « Black Lives Matter » qui prenait de l’ampleur beaucoup de jeunes militaient et allaient manifester dans les rues, les écoles, universités, etc... Le sujet principal des manifestations était sur les violences policières.

Avec le groupe, nous sommes donc allés dans notre repère : le sous-sol de chez David, ses parents l’ont aménagé afin que l’on puisse avoir un endroit où travailler ensemble sur des projets. Vu que notre radio devenait populaire, ses parents ont fait installer un mini studio pour nous féliciter de notre engagement.
Oui, ses parents avaient les moyens. Sa mère était directrice de l’hôpital St-Patrick Mémorial et son père un neurochirurgien très réputé. Ses parents ne militaient pas, mais ils approuvaient ses choix et ils le soutenaient. De même que les parents d’Amina et Yuri. Ceux de Monica et Lucinda militaient tout comme les miens.
On pourrait croire qu’il n’y avait que les noirs qui se battaient pour leurs droits et contre les injustices faites à leur encontre, mais ils n’étaient pas les seuls à se sentir concernés. Beaucoup d’autres militaient avec nous, car au final, ce n’est pas juste une histoire de couleur de peau, mais plus encore, il était question du respect des droits humains.

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