XXI

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Le lendemain, une déception m’attendait.

J’avais naïvement pensé en trouvant Jackie endormie sur la courtepointe de mon lit que c’était par égard pour moi. En réalité, pas du tout, la fatigue l’avait emporté, tout simplement, et lorsqu’elle me demanda, ce matin-là, de lui montrer la chambre d’amis, je tombai de haut. Ainsi donc, la partie n’était pas encore gagnée ! Je tentai de dissimuler ma déception. Je ne suis pas du tout certain d’y être parvenu.

Puis, elle repartit pour Paris, apporter à ses petits-enfants leurs cadeaux (aucun ne croyait plus à la légende du père Noël) et il me faudrait encore attendre toute une année avant de la voir s’installer avec moi dans la maison de Saint-Laurent.

Une longue année marquée d’étapes que vous connaissez déjà : le week-end à La Rochelle, en avril, là où nous fîmes lit commun pour la première fois, la rencontre avec enfants et petits-enfants pour son 66e anniversaire, notre séjour mémorable au Château Hôtel près de Paimpol.

Dès que ma DS fut retapée, je pus envisager d’entreprendre de petits séjours chez elle. Toutes les trois ou quatre semaines, une fois sur deux, j’y allais pour quelques jours, et l’autre fois, c’était elle qui prenait un car grandes lignes qui l’amenait en un peu moins de six heures de route jusqu’à Saint-Brieuc.

Cette situation devenait un peu pénible. Aller chez elle, même en partant le matin pour n’arriver qu’en soirée, requérait un temps de conduite encore important pour moi. Aussi décidai-je, après pas mal d’insomnies, de risquer mon va-tout. Ce fut mon cadeau de Nouvel An : j’avais glissé dans une bague sertie d’un rubis un bon pour une installation à Saint-Laurent, valable toute cette nouvelle année, date à fixer par la récipiendaire.

C’était un coup de dés hasardeux, un coup de joueur de poker. Si elle refusait d’abandonner son Poitou natal, je perdais tout.

Je peux vous dire que lorsqu’elle ouvrit le coffret, découvrit avec bonheur la bague, puis déroula le papier qui se trouvait passé dedans, mon cœur faisait des bonds et je n’en menais pas large.

Elle passa la bague à son annulaire, l’admira, relut le papier et levant les yeux vers moi, dit avec émotion :

— Tu en as mis du temps ! J’ai cru un moment que tu ne te déciderais jamais. C’est bon, je reste ! Et merci, elle est trop belle !

Voilà presque un an depuis ce jour mémorable.

Ce fut un emménagement en douceur, puisque Jackie entendait garder en l’état sa maison de Saint-Julien-l’Ars, ce qui visait à me faire comprendre que notre arrangement était réversible. Je m’y attendais et, à sa place, j’aurais sans doute opéré de même. Je pouvais comprendre cette prudence.

Il lui fallut simplement décider avec quoi elle marquerait son territoire chez moi. Quelques petits meubles, des bibelots, des photos, quelques livres, dont elle ne voulait pas être séparée. Sa machine à coudre, ses chaussures, ses vêtements. Je n’interférai en rien dans son choix, me réservant seulement la possibilité d’émettre un avis sur leur emplacement chez moi, pardon, chez nous !

Vous voyez, le réflexe n’est pas encore pris, il me reste du chemin à parcourir dans cette nouvelle vie de couple.

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, 22 avril 2020, 37e jour du confinement.

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