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Le compteur du taxi tournait toujours devant le Centre et nous ne le fîmes pas attendre.

Ce fut un Noël particulier. Je n’avais plus de voiture pour rentrer chez moi, une appréhension notable à en conduire une autre et une crainte grandissante à m’endormir à nouveau au volant. C’est donc en train que nous sommes rentrés à Saint-Brieuc, puis en taxi à nouveau jusqu’à la maison.

Jackie s’était refusée à me laisser rentrer seul alors qu’il était prévu qu’elle aille passer les fêtes de Noël chez son fils aîné. Cette décision fut assez mal prise là-bas. Et en fin de compte, après discussion, nous convînmes qu’elle reprendrait le TGV pour Paris le surlendemain de notre arrivée, le lundi 23, si des places étaient encore disponibles en cette avant-veille de Noël. Au pire, elle voyagerait sur un strapontin.

Oui, mais c’est que rentrer en train de Saint-Julien l’Ars à Saint-Brieuc est une affaire moins simple qu’il n’y paraît. Certes, la petite ville dispose d’une gare et un autorail pouvait nous emmener jusqu’à Saint-Benoît. Là, changement pour prendre la ligne Lille-Flandres. À Saint-Pierre-des-Corps, navette pour Tours, puis nouveau changement pour rejoindre Le Mans et enfin, nous pourrions emprunter la ligne Paris-Brest qui nous emmènerait à la maison par Laval, Vitré, Rennes et Lamballe, sans compter les gares intermédiaires s’il s’agissait d’un omnibus.

L’autre possibilité, c’était, à Tours, d’emprunter la ligne vers Le Croisic pour descendre à Nantes, puis rejoindre Rennes, tout cela en TER, avant de retrouver le TGV Paris-Brest jusqu’à destination.

Le guichetier consulté, selon les jours et les horaires souhaités, nous annonça des temps de trajet allant de quatre heures un quart pour le plus rapide à près de huit heures pour le plus lent.

Ne restaient plus que les places les plus chères et les horaires les moins avantageux ; il fallait s’y attendre. Nous prîmes l’itinéraire passant par Nantes, départ de Poitiers à 7 h 20, arrivée à Saint-Brieuc, 12 h 26, avec cinq changements, excusez du peu ! Cela supposait un lever dès potron-minet pour attraper l’autorail du matin jusqu’en gare de Poitiers.

Nous qui comptions profiter d’un premier voyage d’amoureux, il en alla bien autrement. Il fallut être aux aguets tout le long du trajet. Le problème avec les changements, ce n’est pas tant de devoir passer d’un quai, d’un train, d’une voiture à d’autres, ce sont les bagages qu’il faut hisser, descendre, tirer, pousser, porter. Par chance, je n’avais qu’un sac, rescapé de mon périple estival et Jackie une valise à roulettes. Et quelques bonnes âmes nous vinrent en aide aux moments critiques. Mais quand même, ce fut un parcours du combattant que nous nous sommes promis de ne jamais renouveler !

C’est bien simple, arrivés à la maison, j’avais à peine fait les honneurs du logis à Jackie que je commis l’imprudence de m’asseoir dans le canapé. Où je m’endormis, sans plus m’inquiéter de rien… jusqu’au petit matin. Dix-sept ou dix-huit heures d’affilée !

Jackie a donc dîné, je l’ai su plus tard, des restes des provisions que nous avions emportées pour cette journée et passé la nuit seule dans la chambre que je venais de lui montrer.

Quel accueil, n’est-ce pas ?

Je me suis réveillé dans le canapé, allongé de tout mon long, couvert d’un plaid, inquiet de me voir seul et craignant que Jackie ne soit partie.

Je suis allé jusqu’à ma chambre, j’ai ouvert en hâte : elle dormait sur la courtepointe, encore habillée elle aussi, enveloppée d’une couverture trouvée dans l’armoire. Elle n’avait pas voulu entrer sans moi dans mon lit ! J’ai refermé avec précaution et suis allé faire du café.

La fatigue accumulée depuis des mois, la tension nerveuse, les kilomètres parcourus, les émotions diverses avaient eu raison de la robuste nature de Jackie comme de ma récupération encore fragile. Cette journée nous avait exténués l’un comme l’autre !

( à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, 20 avril 2020, 35e jour du confinement.

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