XVI

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Le lendemain, à mon réveil, je trouvai Jackie en train de touiller dans un grand verre d’eau deux pastilles d’Alka Seltzer, preuve, s’il en fallait, que la journée de la veille avait laissé des traces !

Pour ma part, ce sont mes jambes qui menaçaient de me rentrer dans le corps, la station debout m’était pénible et la marche encore plus, tout courbatu que j’étais. Un instant, je mesurai combien le Général de Gaulle avait raison en écrivant que « la vieillesse est un naufrage », puis je me souvins que c’était au Pétain de la défaite que la phrase s’adressait et qu’il visait tout autant l’intellect que le physique ; et moi, j’avais toute ma tête et refusais d’être associé en rien au défaitiste de 40, alors, d’un sursaut d’énergie, je me levai et marchai !

Parfois, les motivations de nos actes sont aussi incongrues que mystérieuses !

À la faveur de l’invitation à ce mariage, Jackie avait d’un coup, d’un seul, fait la connaissance de tout ce qui me restait de famille : des petits-neveux et quelques cousins au second et troisième degré. Mais, moi, je ne me tirerais pas d’affaire avec autant de facilité. Il me faudrait affronter une cousinade de plusieurs jours prévue à la fin de l’été. Je n’avais pas encore dit oui à ce raout, mais après l’acceptation de Jackie de m’accompagner à cette cérémonie, je ne voyais plus comment je pourrais y échapper. Pour l’instant, je procrastinais ferme. C’est que la famille de Jackie était longue comme le bras, pour raison de famille nombreuse sur trois générations et son mari tout pareil. C’est vous dire. Ces retrouvailles étaient organisées tous les cinq ans et nous serions entre deux cent cinquante et trois cents, aux premiers calculs. Je redoutais par avance une telle foule.

Mais nous n’en étions pas là. Je vous en reparlerai d’ici quelque temps.

Nous quittâmes ce jour-là les bords de Rance pour rentrer à Saint-Laurent. La pluie, revenue en gros nuages noirs, mécontente d’avoir été bannie tout le week-end, tombait assez dru, par intervalles. Il fallut mettre la capote et sur un véhicule de l’âge de ma DS 21, c’est une action qu’il vaut mieux entreprendre avant qu’il ne commence à pleuvoir, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton, comme aujourd’hui, pour qu’un toit vous apparaisse au-dessus de la tête. Je n’avais pas eu cette prévoyance et je dus donc affronter l’averse pour réaliser la manœuvre. Aussi les sièges étaient-ils déjà mouillés lorsque je la terminai et Jackie de pester sous son parapluie. Je connais d’expérience ce genre de désagrément, et depuis des années, garde le remède dans mon coffre : deux serviettes de bain. Et là, d’un coup, je fis un bond dans l’estime de Jackie !

Que voulez-vous, je suis un homme ordonné et prévoyant, je crois l’avoir déjà dit ; alors, il faut bien que cela serve à quelque chose, n’est-ce pas ?

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, 11 avril 2020, 26e jour du confinement.

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