XVII

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Je m’aperçois, en relisant toutes ces notes, que j’écris d’abord sur un carnet de moleskine noir, puis reporte ensuite sur l’ordinateur, ce qui me permet d’opérer déjà une première correction (ce n’est pas du superflu, je vous assure, parce que souvent les mots me viennent sur le mode de la conversation, familière et spontanée et pour les passer à l’écrit, une remise en forme s’impose), je m’aperçois, donc, qu’il y a deux périodes que je n’ai pas évoquées jusqu’à présent : celles de mon hospitalisation et de ma convalescence, près de quatre mois au total, toute la fin de l’année 1996.

Pourquoi ? Sans doute, parce qu’elles me sont d’un souvenir pénible par bien des côtés, même si par ailleurs, elles marquent le second et vrai départ de ma relation avec Jackie. Je vais les évoquer pour vous maintenant, quitte à en replacer le récit dans la chronologie d’ensemble plus tard, si le besoin s’en fait sentir. Nous verrons.

C’est un choc émotionnel d'une violence extrême de se réveiller un matin, bardé de tuyaux, entouré de machines, sur un lit d’hôpital, alors que l’instant d’avant vous rouliez, euphorique, vers une possible nouvelle vie !

Et lorsqu’on vous apprend que plus d’un mois s’est écoulé entre ces deux instants, cette distorsion de vos perceptions temporelles vous laisse hébété et incrédule. Il faut qu’on vous répète les choses plusieurs fois pour vous en persuader, que l’on vous montre le journal avec la date du jour et celui où figure le compte-rendu de votre accident. Vous confrontez plusieurs fois les deux avant de vous laisser convaincre.

Puis, quand, désintubé, vous retrouvez quelque faculté de vous exprimer autrement que par signes, vous voulez demander aux soignants de ne pas s’acharner sur vous et regrettez, oh combien, de ne pas avoir laissé de directives anticipées à ce sujet. Mais on vous dit en souriant qu’on n’en est plus là du tout, que vous êtes à présent tiré d’affaire et que vous allez quitter l’hôpital pour un établissement de réadaptation et soins de suite.

Cela ne vous réjouit pas plus que cela. Vous vous inquiétez soudain pour votre automobile. Une voix qui ne vous est pas inconnue vous informe qu’elle a été remorquée chez le garagiste du coin, presque en aussi mauvais état que vous. Avant enfoncé, radiateur crevé, boîte de vitesses hors d’usage, pare-brise éclaté…

C’est Jackie qui vient de pénétrer dans votre box de réanimation, harnachée de pied en cap, comme un soignant de plus. Après un instant d’hésitation, vous la reconnaissez, tout surpris de la voir là, et vous vous demandez comment et pourquoi.

Elle vient vous embrasser sur le front, à travers son masque, et cela coupe court à cette dernière interrogation.

Cette visite a une durée encore limitée et vous n’aurez pas le temps de la questionner tout votre saoul. Mais vous apprendrez tout de même que c’est elle que les gendarmes ont prévenue, grâce à votre carnet sur le siège, qu’elle est venue tous les jours à votre chevet et s’est occupée des formalités avec les médecins de l’hôpital.

Demain, vous partez à dix kilomètres d’ici, au centre de réadaptation du Moulin Vert, dans une commune qui porte un nom tout indiqué : Nieuil-l’Espoir !

Tout cela est trop violent pour vous et… vous voilà en syncope !

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, 14 avril 2020, 29e jour du confinement.

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