Chapitre 33

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Ayant mis un réveil, je descendis tôt pour prendre mon petit déjeuner. Après avoir regardé la météo sur mon téléphone, je mis une légère robe bleue et des sandales. Je tressais mes cheveux en une seule natte avant de mettre mes lunettes de soleil sur la tête. Quand je redescendis dans le salon, ma mère ouvrait la porte à Jordan.

— Bonjour jeune homme, commença ma mère.

— Bonjour Nia.

— Tu viens chercher Élia.

– Exactement. Tu es prête, p’tit moineau ?

— Prête pour quoi ? Tu ne m’as pas dit ce qu’on allait faire.

— Une célèbre mannequin vient faire un défilé à trente minutes de voiture d’ici et j’ai deux places. Pour toi et moi.

— Sérieux ? Trop cool. Je suis prête alors.

— Alors en route.

— Passez une bonne journée, les jeunes.

— Merci maman.


J’embrassais ma mère, récupéra mon sac et suivit Jordan dans sa belle voiture. La vitre ouverte, le vent faisait voler mes cheveux durant tout le trajet. Avant, c’était aussi grâce à Jordan que j’avais pu sortir du cocon du village. Grâce à lui, qu’Iléna et moi avons pu explorer les environs, mais aussi visiter des musées, des bâtiments et faire tout type d’activité. Aujourd’hui, Iléna n’était plus là, mais nos habitudes ne changeaient pas.


Devant l’entrée, Jordan présenta ses billets et les deux agents nous donnèrent deux badges à mettre autour de notre cou. Une jeune femme d’une vingtaine d’années nous conduisit ensuite jusqu’à notre place, au premier rang.


— C’est vraiment nos places ? Ce n’est pas l’une de tes blagues ? le questionnais-je.

— Ce n’est pas une blague non. Je nous ai pris les meilleures places possibles.

— Ça a dû te coûter une fortune.

— Je ne parlerais pas d’argent avec toi. Profite du défilé, p’tit moineau.


Durant tout le défilé, j’étais impressionnée par la beauté des mannequins. Elles étaient toutes plus belles les unes que les autres, mais nous n’avions pas encore vu celle pour qui nous étions là.


— Et maintenant pour le clou du spectacle, celle que vous aviez tous attendue, Lizéa.


Quand la plus célèbre des mannequins monta sur le podium, je la reconnus immédiatement. Lizéa Luisard illuminait toute la pièce par sa beauté. Ses longues jambes étaient découvertes et elle était vêtue d’une légère robe rose pâle. Ses longs cheveux semblaient en pagaille, mais chaque mèche avait une place bien précise.


— Alors c’est elle la référence de la mode ? m’interrogea Jordan.

— Elle est magnifique. Je ne savais pas qu’elle était mannequin.

— Tu l’as connu ? Parce qu’après le défilé, on a accès aux arrières.

— Bien sûr c’est…


Quand la tante arriva au bord de la scène, son regard glissa sur moi. Étant assise aux premières loges, elle ne pouvait pas me louper. Elle m’adressa un signe de tête et un clin d’œil avant de faire demi-tour.


— On dirait qu’elle te connaît aussi.

— C’est la tante de l’Impératrice. La plus célèbre des mannequins est Son Altesse Impériale, Lizéa Luisard.

— Non, sérieux ?

— Et oui.

— Bah ça alors.


Les étoiles plein les yeux, j’observais attentivement Lizéa défiler. Seule sur la scène, elle brillait de mille feux. Pour avoir une fille aussi belle, Océane avait dû l’être tout autant. Son sourire me faisait penser à celui de Véra. Dans sa démarche, sa posture droite et fière, j’y revoyais l’Impératrice.


Alors que l’ensemble des mannequins s’apprêtait à défiler ensemble, Jordan reçut un appel qu’il ne pouvait refuser. Il sortit de la salle me laissant alors seule. Quelques minutes plus tard, un groupe de quatre jeunes hommes m’entourèrent. Ces quatre-là, je les connaissais que trop bien.


— Mais qui voilà ?

— Élia Aubelin, que fais-tu donc toute seule ?

— Je ne suis pas seule, répliquais-je.

— Oh vraiment ? Pourtant la chaise à côté de toi est vide.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— On n’en a pas encore décidé.

— Et si on réglait la dette de sa sœur auprès d’elle ?

— Ça me semble être une bonne idée.


L’un d’eux s’assit à côté de moi et commença à poser sa main sur ma cuisse pendant que les trois autres se rapprochaient de moi pour cacher leurs actions.


— Je peux vous aider ? intervint alors une voix bien connue, derrière les jeunes hommes.

— Qu’est-ce que…

— Et toi, enlève ta main immédiatement !


Quand ils se retournèrent, je pus voir que Lizéa avait interrompu son défilé pour me venir en aide. Comme ils ne réagissaient pas, elle descendit de la scène et me tendit sa main.


— Ne te laisse pas faire, Élia. Qu’est-ce que je vais dire à ma nièce s’il t’arrive quelque chose ?

— Heu… je…

— Aller vient. Tant que ton ami ne sera pas venu, je te garde avec moi. Quant à vous quatre, ne tentez plus de toucher à cette jeune fille où vous aurez affaire à moi. Suis-je bien claire ?

— Excusez-nous, Votre Altesse ? leur répondit-il d’une révérence.


Sans me laisser le temps de répondre, Lizéa attrapa ma main et me tira à elle. Elle entoura mes épaules d’un bras et me fit traverser toute la scène pour m’emmener dans sa loge.


— Merci, Votre Altesse.

— Tu peux l’appeler Lizéa. Ou Liz comme tu veux.

— D’accord.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé, Élia ?

— Ne dites rien à Véra !

— Seulement si tu m’expliques.


Je m’assis sur l’une des chaises et commençait à jouer avec mes doigts. Je lui devais une réponse, mais je ne savais pas où commencer. Pour lui parler de ce groupe de garçons, je devais reprendre mon histoire depuis le début. Expliquer ce jour où ma vie avait basculé à cause d’eux.


— Vous savez, je n’ai jamais été la bienvenue ici. Pour les villageois, je ne suis que l’idiote du village, pauvre et sans éducation.

— Pourquoi tu les laisses faire ?

— Parce que je… je ne suis pas capable de me défendre.

— Bien sûr que si ! Le soir du mariage de Marcus, tu as su faire preuve de force et de courage en avouant tes sentiments pour ma nièce devant tout le monde. Tu lui as tenu tête. Pourquoi là, tu ne l’as pas fait ?

— C’est différent !

— Absolument pas. Tu arrives à tenir tête à l’Impératrice, mais pas à quatre garçons sans importance ? Qu’est-ce qu’il s’est vraiment passé avec eux ?

— Rien du tout.

— Élia…


Par chance, la porte de la loge s’ouvrit, laissant entrer Jordan paniqué. Il me prit immédiatement dans ses bras dans un soupir de soulagement.


— Excuse-moi Élia, je n’aurais pas dû te laisser seule. Ta mère va me tuer si elle apprend ce qu’il s’est passé.

— Ce n’est pas grave. Je vais bien.

— Plus j’en apprends sur toi, jeune fille, repris Lizéa, plus je vois que tu essaies de cacher tes émotions, sans y parvenir et que tu mens très mal.

— Merci de l’avoir aidée, Votre Altesse.

— C’est normal.

— Je suis Jordan. Le…

— Élia n’as pas voulu me dire ce qu’il s’était passé avec ses jeunes hommes. Vous le savez peut-être ?

— Non. Seule Iléna le sait.

— Iléna ?

— Ma sœur, répondis-je.

— Je ne savais pas que tu avais une sœur.

— C’est compliqué. Jordan, est-ce que… tu peux nous laisser seules ?

— Parce que tu crois vraiment que…

— S’il te plaît.

— J’attendrais dans le couloir.

— Merci.


Il déposa un rapide baiser sur mon front, comme il l’avait toujours fait avant de sortir de la loge. Lizéa prit un tabouret et s’assit devant moi avant de prendre mes mains dans les siennes.


— Qu’est-ce qu’il y’a, Élia ?

— En fait, j’ai plusieurs questions à vous poser, mais… je ne sais pas si j’en ai le droit.

— Commence déjà par me tutoyer d’accord ? Et pose-moi toutes les questions que tu veux.

— D’accord. Je me demandais… qu’est-ce qui est arrivé à… ton dos ?

— Tu parles des cicatrices que j’affiche fièrement ?

— Oui.

— Un incendie criminel quand j’avais sept ans. Ma salle de classe a pris feu et un de mes camarades de classe est resté pétrifié dans la salle. Je ne pouvais pas le laisser là alors j’y suis retournée. Mais les flammes m’ont atteinte et m’ont brûlé l’ensemble du dos et des épaules au troisième degré. La guérison était compliquée.

— Ça ne te dérange pas de les montrer ?

— Pas du tout. Parce que j’ai sauvé une vie ce jour-là. D’où le fait que ce soit important pour moi de ne pas les cacher, tu comprends ?

— Oui, je crois.

— Question suivante alors.

— Pourquoi la loi qui a autorisé le mariage d’Elena et Océane a été supprimée ? demandais-je subitement.

— Ce n’est pas à moi de te répondre, mais à Véra. C’est elle qui l’a supprimé quand elle est montée sur le trône.

— Pourquoi ? m’exclamais-je perplexe.

— Pose-lui la question directement. Elle sera plus apte à te dire ce qu’il lui a traversé l’esprit ce jour-là.

— Bon très bien.

— D’autres questions ?

— Non, merci.

— Tu veux qu’on passe l’après-midi ensemble ? Que j’apprenne un peu plus à te connaître.

— Et bien…

— Ah moins que tu es autre chose de prévu.

— Pas du tout. Je pourrais vous faire visiter mon village. C’est à trente minutes de voiture d’ici.

— Parfais ça. Je préviens la production et les soldats impériaux. Tu peux m’attendre dehors avec ton ami si tu veux.

— On va faire comme ça.


Elle me sourit et je sortis de sa loge où m’attendait Jordan comme prévu. J’attrapais sa main et sortis du bâtiment prendre l’air. Il y avait encore beaucoup de monde dehors. Était-ce vraiment une bonne idée que Lizéa sorte avec tous ses fans ? Après tout, elle était membre de la famille impériale, elle avait l’habitude d’être sous les feux des projecteurs, contrairement à moi.


— Alors, on va où ? m’interrogea Lizéa derrière moi en me faisant sursauter.

— Et bien, on avait prévu d’aller déjeuner avec les jeunes de l’orphelinat.

— Je vous suis. Vous êtes venu en voiture ?

— Oui, Votre Altesse. C’est moi qui conduisais.

— Alors je vous suis avec la mienne. Et les soldats, bien sûr. Même à trente-cinq ans, je ne peux pas y échapper.

— Alors en route.


Jordan attrapa ma main et me tira jusqu’à la voiture. On attendit ensuite que Lizéa nous rejoigne avant de rentrer à l’orphelinat. Après s’être garé, Jordan montra à une place libre à Lizéa pour qu’elle puisse s’y installer.


— Bienvenu à l’orphelinat, d’Edel, commença Jordan

— Edel, c’est le nom du village ?

— Exacte, Votre Altesse. Rentrons, il commence à faire très chaud.

— J’ai hâte de rencontrer tout le petit monde qui vit ici.


Dès que j’ouvris les portes du manoir, tous les enfants présents dans le hall tournèrent la tête vers nous. Il était presque midi et demi et le jeune commençait à avoir faim.


— Ce n’est pas trop tôt.

— Va mettre la table au lieu de râler, Peter. Et rajoute un couvert, s’il te plaît. Nous avons une invitée.

— Deux, tu veux dire. Avec Élia.

— Qu’est-ce qu’il lui prend ? questionnais-je Jordan.

— Sa demande de bourse d’études a encore été refusée. Dans deux mois il se retrouvera à la rue, sans aucune ressource.

— Je ne sais que ce n’est pas légal, mais pourquoi ne pas le garder ici, le temps qu’il trouve un travail et un logement ?

— Comme tu viens de le dire, c’est illégal.

— Véra appuiera ma décision si je lui demande.

— Si je fais une exception, Élia, je devrais la faire pour tous ses jeunes. Je n’ai pas des moyens illimités.

— Mais…

— Lia !


Comme elle savait si bien le faire, Lianna arrive au bon moment. Elle courut jusqu’à moi et je la pris dans mes bras. Elle cacha sa tête dans mon cou quand elle croisa le regard de Lizéa.


— Tu dis bonjour, p’tit chat ? C’est une amie.

— 'jour.

— Bonjour jeune fille.

— Et avec Lianna, reprit Jordan, tu feras comment quand tu retourneras au palais ?

— J’aviserais à ce moment-là. P’tit chat, va aider les grands à mettre la table.

— Non. Reste avec Lia, moi.

— Lianna, s’il te plaît.

— Accord.

— Merci.


Je reposais Lianna par terre et l’une des grandes qui s’occupaient d’elle en mon absence là récupéra. Alors que je voulus rejoindre les jeunes avec Jordan, Lizéa attrapa mon bras et me tira jusqu’à l’extérieur du manoir.


— Il faut qu’on discute toutes les deux.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Ton ami à raison, Élia. Tu ne peux pas aider tout le monde, même si tu en as envie.

— Pourtant…

— Et cette Lianna, qu’est-ce que tu comptes faire ?

— On est vraiment obligé d’en parler maintenant ? Alors que je ne suis pas encore prête à rentrer.

— Cette jeune fille semble très attachée à toi. Il faut que tu y réfléchisses avant. Tu dois penser à elle en priorité maintenant. Surtout si…

— J’y réfléchirais en temps voulu.

— Élia…

— Rentrons manger avant qu’il n’y ait plus rien.


N’ayant pas envie de discuter de l’avenir de Lianna pour le moment, je rentrais et aidais Jordan à servir le repas. Il proposa une place à Lizéa qui s’y assit juste à côté de Lianna. Quand tout le monde eut à manger, je les rejoignis avec ma propre assiette.


— Élia ? m’interpella Marie. On a cours de danse cet aprèm ?

— Oui, pourquoi ?

— Et bien, c’est qu’il fait trop chaud pour danser et…

— Pourquoi on n’irait pas se baigner à l’étang de la propriété ? proposa Jordan.

— Parce qu’il y a un étang ? enchaînais-je.

— Et oui. Ça vous convient, les jeunes ?

— Oui répondirent-il. Merci Jordan.


Organiser une telle sortie ne se faisait normalement pas à la dernière minute, sauf avec Jordan. Il était le pro des sorties improvisées. Les jeunes étant très impatients, le repas se termina plus vite que prévu. En moins de trente minutes, tout le monde s’installa. Lizéa a ma droite, Jordan à ma gauche et Lianna entre mes jambes.


— Est-ce que ma nièce sait pour Lianna ? m’interrogea Lizéa.

— Non. Je ne lui ai pas encore dit.

— Pourquoi ?

— Parce que je sais pour le bébé qu’elle a perdu et ceux qu’elle ne pourra jamais avoir. C’est vrai que j’ai envisager mon retour avec elle, mais je ne veux pas la lui imposer alors que nous ne sommes que… qu’au début de notre relation.

— Véra n’est pas quelqu’un qui laisserait Lianna seule en sachant qu’elle s’est attachée à toi.

— Je verrais en temps voulu. De toute façon, je ne suis pas encore prête à rentrer, même si ça va mieux.

— Ne tarde pas trop à prendre ta décision quand même.


Alors que la plupart des jeunes jouaient dans l’eau, je vis l’une des filles de mon cours de danse sortir une enceinte de son sac. Elle s’approcha ensuite de moi avec un sourire charmeur. Je savais exactement ce qu’elle voulait faire.


— Élia ? m’interrogea-t-elle.

— Je croyais que vous aviez trop chaud pour danser, rigolais-je.

— S’il te plaît.

— Très bien. Mais tu es la seule responsable de mon téléphone et l’interdiction d’ouvrir d’autres applications que la musique.

— C’est promis, merci.


Avec un sourire en coin, je sortis mon téléphone de mon sac, le déverrouilla et le lui donnais. Avec les jeunes du groupe de danse, j’avais réussi à leur transmettre ma passion pour la danse et la musique. À côté de moi, j’entendis le déclic de l’appareil photo.


— C’est pour Véra, rigola Lizéa. Ça lui fera plaisir de nous voir ensemble et de te voir sourire. C’est quand la dernière fois que tu lui as parlé ?

— Hier soir. Je l’ai eu au téléphone quand elle est sortie de sa réunion avec le Conseil. D’ailleurs, j’avais une question. Avec ta famille, vous vivez où ? Comme vous êtes rarement au palais.

— Le palais Impériale est seulement pour la famille de l’Impératrice ou de l’Empereur. Soit son époux ou son épouse et ses enfants. Nous vivons dans un autre palais à une heure de Glenharm, à la campagne. Ma mère a besoin de calme et Glenharm est la ville la plus proche. Ma mère l’a fait construire quand ma sœur et son mari sont montés sur le trône.

— Les parents de Véra ?

— Élise et Ethan, oui. La construction du palais secondaire s’est terminée à la naissance d’Ilyan, le frère aîné de Véra.

— Parce qu’elle a un frère ? m’exclamais-je.


Pourquoi ne m’avait-elle jamais parlé de lui ? En discutant avec Lizéa, je me rendais compte que je ne savais pratiquement rien sur sa famille et son histoire. Tout ce que je savais de la plus puissante famille d’Eryenne, c’était une partie de leur généalogie et la filiation de Lizéa avec le reste de la famille.


— Ilyan à trois ans de plus que Véra. Il n’a jamais voulu devenir Empereur et s’est engagé dans l’armée. Il est actuellement assigné à la protection des frontières en tant que capitaine. Quand il s’est engagé, renonçant à son titre d’héritier, lui et Véra se sont éloignés. Elle non plus ne voulait pas du trône. Mais son frère ayant refusé et étant le dernier héritier possible, elle n’a pas eu le choix. Ils ne se parlent plus depuis qu’il a eu ses dix-huit ans, soit huit ans déjà.

— Ça veut dire qu’il a vingt-six ans aujourd’hui ?

— Exact.

— Elle ne m’a jamais parlé de lui. Elle ne voulait sûrement pas me faire de peine en connaissant ma relation avec ma sœur.

— C’est-à-dire ?

— Iléna et moi… nous sommes comme des jumelles. Ma sœur m’a toujours protégé, jusqu’à remplacer ma mère parfois. Quand elle a été enlevée, je me suis laissé mourir.


En repensant à la place que ma sœur avait dans mon cœur, je baissais les yeux sur mes mains. Imaginer Véra et son frère en si mauvais terme était insupportable. Dès que je rentrerais au palais, je trouverais le moyen de les réconcilier.


— Tu devrais essayer de la comprendre. Je ne suis pas non plus en très bons termes avec ma sœur et mon neveu. Avant lui, j’étais la petite dernière de la famille. Élise et ma mère me surprotégeaient. Quand Ilyan est né, je n’avais que neuf ans et ma sœur en avait déjà vingt-deux.

— Mais vous avez combien d’âges de différences ?

— Onze ans. Pendant plusieurs années, j’en ai voulu à ma sœur de ne plus s’occuper de moi et ça s’est accentué avec la naissance de Véra. J’ai toujours été une petite fille gâtée, mais encore plus après la mort de ma mère. En grandissant, ma sœur était trop occupée avec l’Empire et ses enfants et on s’est éloigné.

— Pourtant tu es proche de Marcus et de Véra.

— J’avais seize ans quand Marcus est né. J’étais même contente de m’occuper de lui. Quant à Véra, c’est quand elle est devenue Impératrice que je me suis rapproché d’elle. Ma sœur a tout abandonné pour s’occuper de ma mère. Si je n’avais pas été là pour aider Véra, elle aurait vite abandonné elle aussi. Elle n’avait que dix-huit ans quand elle a obtenu la couronne et l’a prise par dépit et par obligation. Élise lui a assigner Margot comme Dame de chambre sans son accord et la laisser découvrir son nouveau rôle par elle-même.

— Mais pourquoi ? Ce n’est pas juste pour elle !

— C’est n’est pas juste, en effet. Mais il faut que tu comprennes que ma mère est très malade. Elle a un traitement qu’elle a commencé avant ma naissance. Sans lui, elle deviendrait une femme que nous ne connaissons pas. Ma sœur a sacrifié sa fille pour s’occuper d’elle parce qu’elle était la seule à pouvoir le faire. Mon frère était le Roi de Carandis et mon métier de mannequin m’empêchait d’être en permanence auprès d’Elena. Elle a eu tort d’abandonner ainsi sa fille au pouvoir, mais faut la comprendre aussi.

— Et le père de Véra dans tout ça ?

— Il a soutenu sa femme, mais c’est lui qui m’a demandé de veiller sur Véra. C’est lui qui prend le plus de ses nouvelles et qui cherche, depuis des années à réconcilier ses enfants.


Avoir enfin ses informations me permettait de comprendre un peu mieux Véra. Elle n’avait pas choisi sa place, elle y avait obligé, livrée à elle-même.


— Je comprends mieux pourquoi elle était prête à abandonner le trône pour moi, au mariage de Marcus.

— Si on ne le souhaite pas, la couronne est un fardeau, Élia. Surtout quand on est seul à gouverner comme elle. Ce n’est vraiment pas simple.

— Est-ce à cause de ça que Véra et sa mère sont si… distantes l’une de l’autre ?

— Oui. Élise essaye tant bien que mal de combler le fossé qu’elle a créé en abdiquant, mais il faut avouer que Véra l’agrandit de jour en jour.

— Merci de m’en avoir parlé. J’essayerais de…

— Non, tu n’essayeras rien du tout. Tu dois avant tout te concentrer sur ta guérison. Véra a besoin que tu rentres au plus vite, même si elle ne te le dira pas.

— Il y a un problème ?

— Ce n’est pas très important.


Comprenant qu’elle ne m’en dirait pas plus, je me levais, pris Lianna dans mes bras et partis jouer dans l’eau avec les jeunes. J’avais besoin de me rafraîchir un peu après tout ce que je venais d’apprendre.

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