Chapitre 28

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Une vague d’eau glacée me réveilla en sursaut. J’ai beau regarder autour de moi, je ne voyais que de l’eau. Une étendue d’eau glacée à perte de vue. Je n’étais allongé que sur une planche de bois, d’à peine un mètre sur deux mètres. Au moindre mouvement, je risquais de basculer dans cette étendue d’eau. À peine quelques minutes plus tard, une nouvelle vague me glaça le sang, m’entraînant avec elle. Emportée par le courant, je ne peux rattraper la planche de bois. Une algue géante s’enroula autour de mon pied et me tira vers le fond. Incapable de remonter à la surface, mes poumons vinrent à manquer d’air. Ma poitrine me brûlait, comme lorsque Margot avait essayé de me noyer.


– Élia.


J’entends une voix à la surface de l’eau puis une main m’attrape le poignet pour me tirer hors de l’eau. Quand ma tête revint enfin à la surface, c’est ma chambre que j’aperçus. Ma mère à mes côtés, elle a une main posée dans mon dos et l’autre sur ma poitrine pour me tenir assis et m’aider à respirer.


— Essaye de te calmer, Élia. Respire tranquillement.

— Je n’y arrive pas… maman…

— Ne bouge pas, j’appelle les secours avec ton téléphone.


Pendant une quinzaine de minutes, ma mère essayait de m’apaiser pour que je reprenne une respiration normale. À l’arrivée des secours, j’avais toujours du mal à respirer. Ce fut seulement quand ils me mirent le masque à oxygène que j’y réussis un peu mieux.


— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda l’un des secouristes à ma mère.

— Je ne sais pas. Elle s’est réveillée en hurlant et sans réussir à respirer.

— Est-ce que votre fille a déjà eu des antécédents de crises respiratoires ?

— Non, ce n’était jamais arriver jusque-là.

— Si, répondis-je en enlevant le masque. C’est déjà arriver.

— Élia ? Pourquoi ne m’avoir rien dit ?

— C’est compliqué.

— Madame, on va emmener votre fille à l’hôpital et faire des examens. Venez avec nous.

— Je vous suis.


Ils me firent glisser sur une civière avant de me transporter dans un véhicule de secours, toujours avec mon masque à oxygène. Dès que je fus installé dans une chambre, je réussis enfin à respirer un peu mieux, à reprendre mon calme. En silence, j’attendis que les médecins fassent tous les examens qu’ils voulaient. Près d’une heure plus tard, alors que la porte de ma chambre d’hôpital était entrouverte, je pouvais entendre ma mère et le médecin discuter dans le couloir.


— Les examens n’ont montré aucun problème chez votre fille.

— Qu’est-ce qu’il a bien pu se passer alors ?

— Est-ce que votre fille a subi un quelconque traumatisme récemment ?

— Je ne sais pas ce qu’il s’est passé en détail, mais quelqu’un aurait voulu la tuer, pour aimer quelqu’un.

— Tout ce que je peux vous conseiller c’est de lui faire voir un psy. Il sera le seul capable de détecter les maux que je ne peux voir.

— Je n’ai malheureusement pas les moyens de lui payer des séances de psy.

— Vous savez qu’Élia dispose d’une assurance maladie qui couvre tous les soins dont elle pourrait avoir besoin ?

— Non, je ne savais pas. Quelle est cette assurance ?

— De ce que mes collègues de l’accueil on put voir, il s’agit de l’assurance de la famille impériale.

— Vous n’êtes pas sérieux ?

— Je suis très sérieux, madame. C’est l’Impératrice elle-même qui a fait les démarches pour inclure Élia dans cette assurance.

— Ça alors, je n’arrive pas à y croire.

— Vous devriez peut-être avoir une discussion avec votre fille à ce propos.

— Merci docteur.


La minute suivante, ma mère entra dans la chambre et ferma la porte avant de s’asseoir à ma droite sur le lit.


— Il faut qu’on ait une discussion toi et moi.

— Je suis fatiguée, maman.

— Hors de question que tu te défiles cette fois. Qu’est-ce qu’il s’est passé avec cette femme ?

— Je n’ai pas envie d’en parler.

— Arrête ça tout de suite Élia et parle-moi. Qu’est-ce qu’elle t’a fait ? Pourquoi tu t’es réveillé en hurlant ? Pourquoi tu es sur l’assurance de l’impératrice ?

— Parce que je suis sous sa protection ! Parce qu’en me sauvant de la pendaison, elle a signé un document condamnant tous ceux qui s’en prendront à moi.

— Pourquoi elle a fait ça ?

— Je ne te dirais rien.

— Élia, par la couronne, ne fait pas ta tête de mule.


Coïncidence ou pas, mon téléphone vibra à ce moment-là. C’était Véra qui m’appelait. Si j’étais vraiment sur son assurance, elle devait savoir que j’étais à l’hôpital.


— Je dois décrocher.

— Il en est hors de question. Réponds-moi d’abord.

— Tu ne comprends pas, je dois vraiment répondre.

— Bon très bien, mais je reste ici.

— Comme tu veux.


Je réussis à décrocher juste à temps. Sans que je ne puisse répondre, Véra parla d’une traite, d’une voix paniquée.


— Heureusement que tu me réponds sinon je serais venu te tuer moi-même. Je peux savoir ce que tu fais à l’hôpital dès la première nuit chez toi ?

— Je peux savoir pourquoi je suis sur votre assurance, ma dame ? répondis-je calmement.

— Oh, tu n’es pas seule.

— Non. Je vais bien. J’ai juste fait une énième crise de panique.

— Tu as voulu prendre un bain ?

— Non. J’ai rêvé que j’étais au milieu d’un océan d’eau glacée et que je m’y noyais, attirer au fond par une algue géante.

— Je n’aurais pas dû te laisser partir, c’était trop tôt.

— Au contraire, je…

— Ce que Margot t’a fait est encore trop ancré dans ta mémoire. Tu as besoin d’être entourée, mon ange.

— Mais je le suis ! Ma mère est là et…

— Tu lui as dit ce qu’il s’est passé ?

— Non.

— Tu comptes lui dire ?

— Je ne sais pas.

— Passons un marché. Je te laisse une semaine pour tout expliquer à ta mère sinon je t’envoie le psy du palais.

— Mais je n’en veux pas !

— Élia.

— Bon d’accord, comme vous voulez.

— Je préfère ça. Je veux seulement que tu guérisses mon amour.

— J’en ai envie aussi, mais… je ne sais pas.

— Passe-moi ta mère. Je t’aime Élia, promets-moi de prendre soin de toi.

— Je vous le promets, Majesté.


Je baissais les yeux et donnais mon téléphone à ma mère. Elle discuta avec Véra pendant une dizaine de minutes avant de raccrocher. Elle posa mon téléphone et se tourna vers moi.


— Tu ne veux toujours pas me parler ?

— Je savais que la loi nous interdisait de nous aimer et elle aussi, mais…

— On ne choisit pas de qui on tombe amoureux Élia.

— C’est elle qui a commencé à me faire des avances. Au début, je l’ai rejetée, mais j’y finis par céder, parce que je ressentais la même chose. La femme qui… Margot, elle a voulu me faire condamner pour haute trahison. Elle m’a enfermé pendant une semaine avant d’essayer de me noyer et de me pendre. L’impératrice m’a sauvé juste avant la pendaison.

— Oh ma chérie.

— Si je me suis réveillée en hurlant, c’est parce que dans mon rêve, j’étais au milieu d’un océan d’eau glacée et que je m’y noyais. Depuis ce jour, je panique quand je vois une trop grande quantité d’eau.

— Je suis désolée, ma grande. Tu devrais avoir le droit de l’aimer.

— J’en ai le droit aujourd’hui. L’impératrice a fait changer la loi après ça.

— Pourquoi tu comptes autant pour elle ?

— Parce qu’on se comprend et que je suis la seule à voir en elle la femme de vingt-trois ans qu’elle est avant de voir l’impératrice. Parce que je la connais mieux que personne.

— Et cette femme, celle que tu aimes ?

— Elle… travaille au palais, inventais-je. L’impératrice sait qui elle est et elle m’a beaucoup aidé. Sans cette femme, je n’aurais pas réussi à m’adapter à la vie à la Cour, je lui dois beaucoup.

— J’aimerais bien la rencontrer un jour. Ce doit être une femme extraordinaire pour avoir réussi à percer tes défenses.

— Elle l’est. Elle est incroyable et vraiment unique.

— Je vais te laisser te reposer un peu avant de rentrer à la maison. De toute façon, personne ne va nous ramener en pleine nuit.


Ma mère remonta ma couverture jusqu’à mon coup, déposa un baisé sur mon front avant de sortir de la chambre. Je m’allongeais un peu plus et récupère mon téléphone. J’envoyais un message à Véra pour la prévenir que j’avais un peu parlé avec ma mère, même sans trop entrer dans les détails. Je remarquais seulement maintenant qu’il n’était que cinq heures du matin ici, soit minuit au palais. Soit Véra n’était pas couchée, soit quelqu’un l’avait réveillé pour la prévenir de mon hospitalisation. Pourtant, j’oubliais rapidement cette question et réussis à m’endormir quelques minutes après avoir reçu la réponse de mon amante.

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