Chapitre 29

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À mon réveil, ma mère dormait à côté de mon lit, assise sur un siège. Mon ventre grogna au moment où une infirmière frappa à la porte pour m’apporter un plateau-repas.


— Bonjour Mademoiselle Aubelin, chuchota-t-elle. Votre mère dort enfin à ce que je vois.

— On dirait oui.

— Comment c’est passé votre nuit, Mademoiselle ?

— Mieux qu’avant que je n’arrive, on va dire.

— Le médecin va venir passer vous voir avant votre sortie. En attendant, je veux voir ce plateau vide à mon retour.

— Ça tombe bien, j’ai une faim de loup, mentis-je à moitié.

— Parfais. Je reviens dans une heure.


La porte se referma en un petit claquement, sans réveiller ma mère. Dans mon plateau, j’avais un peu de purée, du poulet et un yaourt aux fruits. Même si mon ventre grognais, je n’avais pas plus faim que ça. Mais pour tous de même faire plaisir à l’infirmière et pour ne pas inquiéter ma mère et surtout Véra si elle savait, je me forçais à manger un minimum.


— Tu dois manger plus que ça, Élia. Le médecin ne te laissera jamais sortir sinon.

— Je n’ai pas plus faim que ça, Maman. J’ai mangé le maximum que je pouvais.

— Bon, je mange ce qu’il reste si tu prends ton yaourt.

— Très bien, comme tu veux.


Tout en me caressant les cheveux, ma mère s’assura que je finisse mon yaourt avant de manger le reste. L’infirmière et le médecin arrivèrent en même temps. Le médecin signa mon autorisation de sortie à la seule condition que j’accepte de prendre des somnifères et de parler à un psychologue.


— Non ! J’avais un accord avec V… l’Impératrice ? J’ai parlé à ma mère, je ne veux pas d’un psy.

— Ce n’est pas à l’Impératrice de décider, Mademoiselle. C’est moi votre médecin, pas elle. Soit vous acceptez les somnifères et le psy et vous rentrez chez vous, soit vous restez ici et vous aurez quand même les deux.

— Je n’ai pas le choix quoi. C’est soit j’accepte et je suis mon… traitement chez moi, soit je refuse et je le fais ici ?

— C’est exactement ça.

— Bon et bah j’accepte.

— Je préfère ça. Voici votre ordonnance et votre autorisation de sortie. Je veux vous revoir dans une semaine.

— Très bien, très bien, soupirais-je.


En silence, ma mère rassembla toutes mes affaires avant de se tourner vers moi. L’ordonnance à la main, elle sortit de la chambre pour aller récupérer ce dont j’avais besoin avant de revenir.


— On peut rentrer maintenant et je vais m’assurer que tu suives ton traitement.

— Je ne suis pas malade, maman !

— Oh si chérie. Tant que ça n’ira pas bien dans ta tête, tant que ce qu’il s’est passé ce jour-là te hantera, tu seras malade. Tu ne rentreras pas au palais tant que tu ne seras pas guérie.

— Maman…

— Non je ne veux pas savoir. Il est vrai que je t’ai un peu négligé après la disparition de ta sœur, mais maintenant c’est fini. Je vais prendre soin de toi parce que je t’aime, ma grande.

— Je t’aime aussi, maman.


Elle me prit dans ses bras pendant une longue minute avant d’attraper ma main ainsi que mon sac d’affaires. Ma mère avait appelé un taxi pour nous ramener. Durant tout le trajet, je restais silencieuse, observant le paysage, perdu dans mes pensées. Compréhensive, ma mère ne me posa aucune question et attendit qu’on soit rentrée à la maison.


— Chérie, m’interrogea ma mère une fois assise dans le canapé, dis-moi ce qu’il te passe par la tête.

— Je comprends que tu suives les recommandations des médecins, mais…

— Tu as besoin d’aide, Élia. Il faut juste que tu l’acceptes. Le médecin m’a dit que tu pouvais choisir ton psy. C’était quoi cet accord avec l’Impératrice ?

— Soit je te parlais, soit elle m’envoyait le psy du palais.

— Est-ce que tu veux qu’on le fasse venir ? Ce serait peut-être bien que ce soit lui qui te suive. Comme ça, le jour où tu retourneras au palais, vous vous connaîtrez déjà.

— Ce n’est pas bête. Je vais lui envoyer un message.

— C’est déjà un grand pas en avant. Je te laisse ta journée tranquille. On commencera le traitement ce soir.

— Merci maman.


Elle se leva pour aller faire, je ne savais quoi et je fis de même pour aller m’allonger dans l’herbe, musique dans les oreilles. Comme convenu avec ma mère, j’envoyais un message à mon amante et m’endormis en attendant sa réponse. Ce fut l’absence de musique qui me réveilla et je remarquais la présence d’un vieil ami, allongé à mes côtés.


— J’ai appris que tu étais rentrée, commença Jordan.

— Hier oui. J’avais besoin de me retrouver.

— Je suis contente de te revoir saine et sauve. Iléna m’aurait tué s’il t’était arrivé quelque chose en son absence.

— Physiquement je vais très bien. C’est plus mentalement que ça va moins bien.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tu étais où déjà ? Parce que ta mère n’a rien voulu me dire.

— J’étais au palais. Je travaille pour l’Impératrice.

— Ah bah d’accord. Et c’est bien comme travail ?

— Oui, elle est incroyable. Fin bref, le problème c’est que celle qui me précédait à essayer de me tuer et j’avais besoin de revenir un peu ici.

— Je ne pense pas qu’il pouvait y avoir des fous au palais Impérial.

— Elle n’était pas folle, c’est juste qu’elle… elle était jalouse de moi, de ma relation avec l’Impératrice. Quand elle m’a vu en train d’embrasser une femme, elle en a profité pour essayer de m’éliminer.

— Mais c’est horrible ! Et c’est qui cette femme ? Qui a su conquérir ton petit cœur fragile, mais impénétrable ?


Je souris à sa remarque, mais évitais de rigoler pour ne pas le mettre sur la piste. Il n’avait pas tort dans sa façon de parler de mon cœur. Véra avait mis du temps avant que je ne lui fasse entièrement confiance en amour et surtout que j’accepte les sentiments que j’éprouvais pour elle. Quant à la fragilité de mon cœur, là aussi je l’avais expérimentée, surtout avec la disparition de ma sœur. C’était ce type de circonstance que je ne voulais jamais revivre et encore moins avec Véra ou Marcus. Sans eux, aujourd’hui, je n’étais plus rien ni personne. C’était eux deux, ensemble qui m’avait fait revivre et surtout redonnez goût à la vie après l’enlèvement d’Iléna.


— Je ne te le dirais pas. Mais du coup je suis là pour essayer d’oublier et retourner auprès de l’Impératrice en pleine forme.

— Si tu as besoin de te vider la tête, j’ai besoin de toi à l’orphelinat.

— Je vais y réfléchir. Je suis censée être en vacances à la base. Elle ne va pas aimer si elle sait que je travaille et maman…

— Je m’occuperais de ta mère. Elle ne sait pas me résister.

— Merci Jordan.


En deux temps, trois mouvements, il m’embrassa sur la joue avant de se lever et de se réfugier chez ma mère. Moins de dix minutes plus tard, il était déjà sorti de la maison.


— J’ai vu avec ta mère, tout est ok, me lança-t-il en s’éloignant.


Si Jordan avait réussi à convaincre ma mère de me laisser travailler avec lui à l’orphelinat, je devais pouvoir faire de même avec Véra. Entre deux sifflements du vent, mon téléphone vibra, m’informant d’un appel entrant. En voyant le nom de Véra s’afficher, mon cœur s’emballa et un sourire s’étira sur mes lèvres.


— Mais qui donc m’appelle à une heure si tardive ? rigolais-je en lui répondant.

— Il est quelle heure chez toi ? répondit la voix que j’aimais tant.

— À peine midi.

— Et à peine sept heures au palais. C’est ça que tu appelles tard ?

— Je voulais t’embêter. Je ne t’ai pas réveillée ?

— Non, je viens seulement de voir ton message. Je vais lui en parler qu’il te rejoigne dès que possible.

— Merci mon amour. À propos de cette nuit, pourquoi tu n’as rien dit pour l’assurance ?

— Tu n’étais pas censée le savoir, chérie.

— Tu en fais beaucoup trop pour moi, Véra. Le document de protection, la carte bleue, l’assurance, je ne veux pas être dépendante de toi. S’il doit y avoir plus entre nous, je veux pouvoir subvenir à nos besoins. Je ne veux pas vivre aux crochets de l’Empire.

— Je comprends chérie et je m’en excuse. Je suis allé trop vite pour toi. Tu n’es pas encore prête pour ce que j’attends de toi.

— Si tu veux, tu peux continuer à mettre de l’argent sur se compte, mais je veux pouvoir participer aussi. Jordan, le meilleur ami d’Iléna, aurait besoin de moi pour travailler à l’orphelinat du village. Il…

— Tu es en vacances Élia !


Comme je m’en doutais, elle n’acceptait pas que je puisse vouloir être indépendante, que je puisse faire autre chose que me reposer durant ses vacances. J’allais devoir la jouer fine pour qu’elle accepte.


— Je sais Véra. Je ne vais pas travailler à proprement parler, mais l’aider avec des enfants que je connais depuis des années. Je travaille à l’orphelinat depuis que j’ai treize ans. Être au contact de tous ses enfants sans parents, de pouvoir les aider à se reconstruire pour certains, ce n’est pas un travail. C’est juste ce que j’aime faire. Comme tu as pu le voir avec les enfants d’Isa, je les aime trop pour rester là à ne rien faire alors qu’ils ont besoin d’être entourés.

— Si tu as besoin de ça pour aller mieux, je peux faire l’effort d’accepter.

— Merci mon amour. C’est vraiment important pour moi d’être auprès d’eux. Surtout que je suis là, autant en profiter.

— Alors, profite. Tant que tu me reviens vite. Tu me manques déjà, mon ange.

— Toi aussi tu me manques. Mais ne t’inquiète pas, ma mère est au petit soin.

— J’ai hâte de rencontrer cette femme incroyable.

— Un jour peut-être, un jour.

— Je dois te laisser maintenant, j’ai beaucoup de boulot et sans toi c’est un peu compliqué.

— Si vraiment tu as besoin d’aide…

— Non, tu te reposes.

— C’est bon, j’ai compris. Je t’aime Véra.

— Je t’aime aussi Élia.


Elle raccrocha la première et je rentrais à la maison pour aider ma mère as préparer le repas de midi. Même si nous étions loin, discutés avec Véra m’aider beaucoup. Depuis que j’avais commencé à travailler pour elle et surtout depuis que je connaissais toute l’étendue de mes sentiments pour elle, je savais qu’elle avait un poids important dans ma guérison. Mais j’ai besoin de ma mère, de ma famille et surtout après ce qu’elle avait dit au mariage de Marcus. Ne faisait pas officiellement partie de sa famille, c’était comme si je n’existais pas et c’est ce qui me faisait le plus mal.

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