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« Quel fut ton plus beau jour ? » fit sa voix d’or vivant, sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.

« Dis-moi, Joseph, quel fut ton plus beau jour ? Te demandais-je, en reprenant les mots d’un poème de Verlaine, pour te faire parler. Tu m’avais répondu que tu ne t’en souvenais plus, que tu n’étais qu’une horloge triste. Puis, tu m’as dit les plus beaux mots qu’une femme puisse entendre : « Que ce doit être cruelle d’être une horloge et de t’aimer. T’attendre, voir passer le temps, seconde après seconde, et de prier pour que la seconde à venir soit plus courte que la précédente. » Te souviens-tu ? Te souviens-tu de tout cela, Joseph, du jour de notre rencontre ? De ton amour pour moi ? Car moi, je m’en souviens comme si c’était hier. Je te posais alors la question sur le vrai sens du bonheur. As-tu trouvé la réponse ? Car moi, bien que je sois aussi sagace que toi, je n’ai pas su la trouver cette réponse à laquelle j’aspire tant. Et je désespère. Penses-tu que le bonheur est lié à l’amour et qu’ensemble ils forment un sacré couple ? Oui. Alors, nous sommes de ceux qui sont faits pour s’aimer et non pour se déchirer, Joseph. Seulement, comment peut-on vivre pleinement le grand amour si l’on ne peut le partager avec celui que l’on aime ? Sans amour, plus rien ne nous rattache à la vie. Dans ce cas, nous sert-il encore de continuer à vivre ? Serai-tu homme à te donner la mort si tu ne pouvais plus jamais chérir l’être aimé ? J’ai aimé, autrefois. C’était il y a bien longtemps. Il est mort, Joseph, celui que j’aimais tant. Je n’ai de cesse de pleurer son absence. Qu’as-tu fait ce jour-là ? Réalises-tu que tu l’as tué ? C’est la jalousie qui t’a rendu fou…

Non ! Ne dis pas un mot, écoute-moi, je vais te raconter.

L’été s’était invité dans nos jardins, dehors il faisait beau et nous étions chez moi, au DEUS EX MACHINA. Il y avait toi, moi et Itane Bel, l’heureux « homme libre », comme tu aimais l’appeler. C’est à mon réveil que tout à commencé. C’est là que je vous ai vus pour la première fois dans ma chambre, « La claire fontaine ». Vous étiez à mon chevet et Itane était beau comme un DIEU. Il était à l’image même de l’homme de mes songes interdits. Dans son regard, ma renaissance allait être des plus douces. J’étais accablée de fatigue. Le voyage fut long pour vous trouver en ma demeure. Aussi, je me suis rendormie avec comme image celle d’Itane qui n’avait de cesse de me regarder dormir. Dans la soirée, je me suis réveillée. Je vous ai rejoint au rez-de-chaussée, où vous diniez au bar de la cuisine. Je me suis servi un verre de vin et je vous ais dit les yeux dans les yeux : « Mais qui êtes-vous, au juste ? ». Deux prétendants à mon cœur ? De fils en aiguilles nous avons fait connaissance, j’étais sous le charme. Quelle joie de vous avoir près de moi et de vous entendre parler, moi qui était si peu prolixe. Vous étiez si espiègle et si complice. Te souviens-tu de tout cela encore, Joseph ? De vous deux, d‘Itane le magnifique et de vos joutes verbales ? Ce n’est pas grave si tu ne t’en souviens pas, je vais te rafraîchir la mémoire. Le DEUS EX MACHINA était grand, le chalet avait une histoire, mais avant tout c’était une demeure pleine de surprise. Au dehors, la visite de la propriété vous a étonné. Au fil des heures, notre connivence grandissait. Je voyais clair en vous. Itane me trouvait rayonnante mais terriblement mystérieuse. Toi, tu étais subjugué par ma beauté, ma présence te ravissait. J’étais ému de voir grandir chez chacun de vous deux la tendresse que vous aviez pour moi. Surtout quand nous nous sommes mis à parler d’amour. Nous étions si enthousiasmes. Et c’est vrai que j’étais en joie. Au jeu de la séduction, sais-tu que lorsque nous nous sommes promenés dans le bois de sapin, lorsque j’étais entre vous deux, vous tenant à chacun le bras, mon cœur s’est mis à battre la chamade. En vous observant, j’avais l’étrange sentiment d’être poussé dans une voie dont l’amour allait tenir le premier rôle. J’étais tombée amoureuse, Joseph, réellement tombée amoureuse. Ma rencontre avec vous me faisait augurer une vie bien meilleure, moi qui au fond était si triste. Mon amour pour vous deux était là présent, enraciné au plus profond de mon être. Mais étais-je capable d’aimer ? Et c’est en ressentant chez vous deux le désir de me posséder que je me suis dis qu’il n’y avait plus aucun doute possible : oui, j’en étais à la hauteur. Puis, de retour au chalet, il y a eu cette conversation surréaliste d’Itane sur la mort. Il assurait, il défendait même avec une immense conviction, en savoir plus sur la mort que sur la vie. J’étais captivée par ce qu’il nous disait, car au fond de moi je voulais mourir et cela il l’avait ressentis. Ça n’avait rien d’anodin tout son discours sur la mort, là où toi tu voyais Itane exposer une théorie captivante et mystérieuse, moi je savais que chaque mots qu’il prononçait été dans le but de me séduire et ça n’a pas loupé car j’étais admirative par le charisme de cet homme qui venait de nulle part. Etrange approche de séduction afin de conquérir le cœur de sa promue, non ? Pourtant, par ses mots, où il a fait le portrait le plus logique sur le mystère qui est au cœur des êtres sachant qu’ils sont voués à mourir, il a aussi dessiné dans mon cœur son image, celui d’un Dieu que je n’aurais de cesse de chérir, d’aimer et de croire. Dès cette vérité qui raisonnait à l’intérieur de mon être, dès cet instant, je fus son adepte. Lorsqu’Itane donna à la mort un sens nouveau, je l’entends me parler. Il me dit que la mort est le plus beau cadeau que l’on puisse donner à la vie, car la vie est un don miraculeux que l’on doit honorer même si la misère est proche. Vois-tu, Joseph, on ne s’inquiète pas d’être vivant, ce n’est en rien une peur, pourtant, moi, je me suis inquiétée d’être en vie. Si tu avais perçu cela, au lieu de voir que ma beauté, je t’aurais aimé, Joseph. Et ça, je ne pourrais en rien te l’expliquer. Mais à quoi bon ressasser le passé, surtout celui-ci à la fin tragique, tu revivras tout ça de toute façon, c’est inscrit en toi. Crois-moi sur parole. Le DEUS EX MACHINA, tu vas y mettre le feu ».

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