La réplique facile

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« Tu fumes toi ? Merde et pas du tabac.

- Me prend pas la tête mec, vraiment.

- Oh ! Je vais te prendre la tête. Tu n'es pas le dernier des cons et tu prends cette merde ? Ça te flingue le crâne, pratique quand on ne veut plus penser, quand on ne peut rien affronter. Bon dieu, je te savais torturer mais pas idiot.

- Vraiment? Tu veux avoir cette conversation? C'est gentil de me balancer à la gueule le beau monologue du bon fils a maman, mais tu ne sais pas de quoi tu parles. Tu bloques ton esprit sur une idée qui te séduit, qui te complaît dans ton rôle du petit geek excentrique.
Tu y crois tellement fort à tes conneries, c'est dingue. Je pourrai t'aligner les plus beaux arguments du monde, tu ne changeras pas ton opinion. Tu as besoin de voir en celui qui a fait d'autres choix que toi la folie ou la stupidité. Cela te rassure non ?

- Bon dieu, tu as la réplique facile.

- Tu as vu? Cette merde, ça rend plus lucide.

- T'es accros ?

- Je suis pas accros.

- Alors arrête.

- Non mec. Tu ne te demandes jamais d’arrêter les mangas, de surfer sur le net ou de raconter tes supers-blagues. Petit toxico va.

- C'est quoi cette répartie?

- Elles sont a la hauteur de tes questions vieux.

- T'es sérieux là? Arrête de tourner en rond, c'est de la merde ton truc, tu fuis la vie et le naturel avec ça bon dieu. Aie un peu de bons sens et de courage.

- Je fuis le naturel, vraiment ? Bon dieu, mais rien n'est naturel chez nous ! Ta bouffe, tes boissons, tous ces poisons, tu crois vraiment que ça ne t'influence pas ? C'est fou, quand on mange de l'industriel, on devient passif, inactif, prêt à passer sa journée à ne rien faire. C'est la magie du consumérisme, il se satisfait de lui-même !
Ton environnement dicte tes pensées, tes envies, tes actions, bien plus que tu l'imagines. Toi, tu en manges des racines de choux et du pavé de soja ? Non, alors, enfuis bien profondément cette croyance que tu es naturel, tu es comme nous tous : libre de tes chaînes, rien d'autre.

Puis merde, regarde tes fringues, ton portable, regarde tes passions et tes répliques, ces conneries qui te définissent en tant qu'homme moderne, ça sort d'où à ton avis ?
Tu as voulu faire rire les copains, alors tu as répété les bêtises du web.
Tu voulais séduire la belle au fond de la classe, c'est pour ça que tu as acheté les mêmes fringues que ces connards à la télé.
Tu te faisais incroyablement chier, alors tu as développé, comme un vieil instinct qui se réveille, une passion amoureuse aussi brutale qu'inexpliquée.

Tu es devenu un héritage, un héritage bidon, un héritage impersonnel. Rien d'autre.

C'est fou, à force de répéter les mêmes bêtises, on finit déjà par y croire, mais surtout on oublie que c'était des bêtises il y a encore quelques années. Combien de folie, de peur, de joie t'ont été apportés par les génies du marketing, le conditionnement éducatif ou l'autorité de droit ? On s'en souvient même plus, comme si on était né il y a cinq minutes avec ces merveilleux souvenirs d'une vie imposée a coup de slogan et de fausse morale.

Ne me reproche pas de fuir le naturel à cause de cette merde. Mec, je fuis mon quotidien, j'essaye de me rendre sourds à toute cette connerie qui nous entoure. Je ne vois plus que ça, ces habitudes qui nous tuent, ces rêves dont je refuse de faire le deuil parce qu'il y a cette petite voix au fond de moi qui me chuchote :
« N'abandonne pas, surtout n'abandonne pas. Je sais tu es seul, je sais tu as peur, mais garde en toi l'espoir d'une autre vie qui ne sera pas qu'un mensonge, qui sera autre chose qu'une sinistre comédie. Ne perd pas espoir, ne deviens pas comme eux. Reste en vie. »

Je rêve de retrouver le naturel, de vivre pour les véritables enjeux, pas de perpétuer le délire collectif d'une société profondément malade.
Tu veux retrouver le naturel ? Viens avec moi, on se casse maintenant, loin du monde des fous, retrouver les sensations des vivants. Allez, allons détruire l'imposteur qui vit en nous pour ne plus jamais être frustré sans raison, pour se satisfaire d'une douce matinée, être contemplatif face à un ciel étoilé et enfin arrêter de croire que le bonheur se trouve ailleurs que dans la paix intérieure. Bordel, ça c'est beau, ça c'est vrai !

Pas besoin de portable, de blague lourde ou de métier qui servent à personne pour vivre. Tu le sais, la vérité est loin de ça, arrête de taire cette envie de liberté qui est en toi, arrête de te forcer à croire à leurs bêtises. Tu es seul, tu n'as aucun compte à rendre et c'est maintenant ta dernière opportunité de vivre quelque chose de vraiment beau.

- Putain de merde.

- Ca va ?

- Ouai, cette conversation n'a rien de naturel.

- Ils y avaient des choses à dire à nous même. On a répété ces mots combien de fois devant le miroir? Puis le joint ça n'arrange rien.

- Comme tu dis. On partira jamais, c'est ça?

- Non mais c'est rassurant de dire le contraire.

- Comme tu dis, comme tu dis...

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