14 avril

Une minute de lecture

Je suis fainéant, aussi vais-je recopier le texte que j'ai écrit durant l'atelier d'écriture de ce midi. Nous étions 5 et devions écrire un texte en vingt minutes qui commençât par : "Quand j'avais 9 ans, j'ai sauté par-dessus le Mississippi". Voici le monstre :


Quand j'avais neuf ans, j'ai sauté par-dessus le Mississippi. En fait c'était un ruisseau, un maigre affluent de la Nièvre qui comme un kriss tranchait la propriété en deux. On l'appelait le Mississippi parce qu'on avait lu ça dans une brochure que mes parents avaient ramené de la gare de Nevers, et qu'on aimait bien jouer aux Américains aussi.


Maintenant, me voilà dix fois plus vieux et je ne peux même plus sauter sur place. Antisocial, tu perds tes jambes. Le Mississippi est bien plus lointain qu'une recherche Google, ou qu'un raisin de colère, il est perdu à l'arrière d'une frise chronologique que mon fauteuil roulant m'empêche de remonter.

Je n'ai plus de forces que dans les doigts, et le goutte-à-goutte qui me sert de cafétéria a bien du mal à les garder intactes. Je suis à l'âge où l'on ne peut plus exprimer ce que l'on sent. Personne ne nous écoute, alors à quoi bon avoir des souvenirs ? Mes mains sont tremblantes, à moitié résignées, à moitié courageuses. Des phalanges sur le cœur, et d'autres sur la détente.


Que faire, mon amour ? Pourquoi m'as-tu abandonné au milieu de pilules plus blanches que ton voile de mariée ? Ainsi j'écris, j'écris beaucoup, je noircis ces lignes pour que nous subsistions. Les feuilles ne nourriront pas les vers, elles. J'écris pour nous, et pour personne d'autre. Ce journal est du vent dont nous seuls saisissons la mélodie. Oui, souviens-toi que j'avais sauté par-dessus le Mississippi. J'ai sauté car tu étais de l'autre côté, et je ne suis jamais reparti en sens inverse.

Bientôt je te retrouverai, mon ange, tout au bout du fleuve qui nous a réunis, car je sais qu'il reste une place dans la barque. Tout au bout du Mississippi, après le Potomac, après les grandes plaines de soleil, après tout, ma Bonnie Parker adorée, enfin nous coulerons ensemble.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Smaguy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0